Nos lectures du week-end: « La solitude de la fleur blanche », Annelise Roux. Sabine Wespieser éditeur.


Sabine Wespieser éditeur
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Temps de lecture 2 min

Publication PUBLIÉ LE 11/02/2011 PAR Anne Duprez

« J’ai dans la tête des images inventées, des visions tour à tour saugrenues, fausses et véridiques, puissamment. Des réminiscences me traversent, qui ne sont peut-être que des évocations poétiques tenant lieu de genèse quand l’écriture d’une genèse promet d’être par trop délicate. Un Maghreb apaisé me tend les bras, tandis que dans la réalité les bombes déchirent Alger et nul ne s’accorde autour de rien, sinon autour du fait qu’il y a discorde. »
Ainsi s’ouvre « La solitude de la fleur blanche », roman, où Annelise Roux, son auteur, dit sans doute beaucoup d’elle-même. Où la narratrice, née dans une famille rapatriée d’Alégrie, grandit comme sans racines, sous un soleil qu’elle ne se donne pas le droit de reconnaître, tant il est parfois morsure, et parfois humiliation, pour les siens, déracinés. Comme la vigne qui souffre, cherchant l’eau nourricière au plus profond du sol aride, tordant les veines de son bois vers le ciel, s’agrippant au fil tendu par l’homme, qui, par une taille sèche et sûre d’elle-mêmea choisi au préalable le bon rameau, l’enfant née dans un ailleurs qui ressemble à nulle part cherche sa place, entre le passé des souvenirs et un présent rendu fragile par l’acerbe regard de l’autre. « Pieds noirs », protestants, décalés. Refusés, comme ces fleurs« cueillies en bord de route » que Salomé, la grand-mère, dépose sur le caveau de deux de ses voisines, « en guise de rapprochement et de timide hommage » et qu’on lui somme de nettoyer, «le jaune des genêts n’étant pas digne, dans ces campagnes, d’honorer les défunts ».«La perte nous appartient, et non pas la terre », la couleur de l’honneur non plus.

Pourtant, et même si affleure la noire encre du cœur d’un désarroi profond jusqu’à la blessure, on est ici comme ébloui d’une intense lumière. Celle-là, ample et blanche, à l’image de celle, d’incisif et de douceur entremêlés, de la naissance du jour.Les mots d’Annelise Roux, précis comme un trait de lame, diluent l’émotion comme lorsque le pinceau du peintre dépose une goutte de couleur pure sur un coin de feuille humide et emplit alorsl’espace d’autant de teintes nouvellementréinventées. Les mots d’Annelise Roux disent si bien les maux, ceux de la déroute, comme ceux qui, aussi parfois mènent vers l’espoir. Une nouvelle lumière à construire, à écrire «à en perdre haleine », à lire surtout.  

Anne DUPREZ

« La solitude de la fleur blanche »  a reçu le Prix de la Ville d’Arcachon 2010 et le Prix Henri de Régnier 2010.
 
Photo Sabine Wespieser éditeur, tous droits réservés. 
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