Vendre à perte, quand même…


Jean-Louis Zimmermann
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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 26/09/2010 PAR Joël AUBERT

700 euros les 900 litres… deux chiffres qui donnent la dimension de la gravité de crise qui frappe la viticulture girondine. Quand on sait que le prix de revient du tonneau est de l’ordre de 800 à 900 euros, on mesure la portée de cette recommandation désolée, émanant d’un homme qui se bat pour défendre une profession aux abois. Recommandation d’ailleurs souvent impossible à respecter car les trésoreries sont exsangues. Coincé, d’une part, entre des charges incompressibles, produits de traitement, salaires, frais financiers liés à l’équipement des chais, investissements entrepris pour traiter les effluents, et d’autre part un prix de vente dérisoire, le viticulteur n’a plus que l’espoir, comme ultime recours,d’obtenir des délais de paiement. Le soutien de sa banque. Et c’est comme cela que le Crédit Agricole voit grimper, nécessairement, le pourcentage des créances douteuses. Encore ne dit-on pas, ici, les détresses et même les drames qui se cachent derrière de pareilles situations.

Une crise sans précédent
Affiche : 1938 l'état soutient les vins de FranceCe constat pourrait être conjoncturel. Bordeaux a connu d’autres crises mais l’ensemble de la filière convient, aujourd’hui, que celle-ci est sans précédent. Et qu’elle risque, en plongeant nombre d’exploitations dans la faillite, de faire perdre au plus grand vignoble d’appellation du monde une partie de son potentiel de production. Situation d’autant plus paradoxale que la consommation de vin dans le monde se démocratise et que de nouveaux marchés apparaissent, en Asie notamment. Encore faudrait-il enconserverde traditionnels, exister sur certains marchés d’Europe par exemple, où un Bordeaux à prix abordable est en voie de disparition. Gilles Savary, conseiller général de Gironde et ancien député européen raconte : Lors de deux voyages récents, l’un en Grande Bretagne, l’autre en Allemagne j’ai fait le constat suivant : «les Anglais se sont mis au vin dans les pubs; on n’y trouve pas un seul Bordeaux mais des vins d’Afrique du Sud, d’Australie, des vins espagnols ou italiens. A Berlin, il y a peu, une délégation européenne consultait la carte d’un grand restaurant. Il n’y avait pas moins de quarante références et le moins cher des Bordeaux, tous des grands crus, était à 70 euros à comparer à une gamme de vins italiens et espagnols à 25, 30 euros. Désormais dans tous ces pays, Bordeaux c’est de la haute couture.

La Swatch a bien sauvé la montre suisse
«Il faut s’inspirer de ce que les Suisses ont fait, créer une montre Swatch pour contrer la montre à quartz japonaise. C’est comme cela qu’ils ont sauvé leur industrie horlogère et leur incomparable savoir faire. »
La montre quartz appliquée au vin, ce pourrait être cette étiquette ou cette marque identifiable etappartenant à la catégorie dite « Fun ». C’est ainsi qu’apparaît dans la segmentation définie par un cabinet expert (1) et reprise à son compte par le Plan Bordeaux, présenté cet été une bouteille entre deux et six euros. L’adjectif anglais est heureusement accompagné de l’explication de textesuivante :«Vin démocratique, vin d’initiation, style : tendance, social, importance de l’image, pour Homme et Femmes de 25 à 35 ans. » Le marketing a rendu son verdict ! Nous y reviendrons. Notons, cependant, que cette pyramide mondiale de la demande laisse à sa base un espace à des vins à deux euros, de catégoriejustement…basique. Et que ce Bordeaux là, malgré de grands efforts entrepris vers la qualité, ne serait pas au rendez vous du consommateur.

Une marque abîmée
Alors Aqui.fr a cherché à vérifier un jugement aussi péremptoire..
En ces temps de Foire aux vins ce ne fut pas trop difficile de trouver un vin à deux euros. La scène se passe dans un supérette de l’ile de Ré, le 7 septembre dernier : on y propose, quasiment côte à côte, deux Bordeaux du millésime 2009, l’un vendu deux euros ! l’autre cinq euros cinquante, à côté de quelques flacons huppés d’une appellation médocaine vendus 15 euros l’unité.
L’acheteur qui s’est offert de belles bouteilles finit de remplir son caddie avec trois cartons d’un Bordeaux à deux euros. Acheté puis dégusté par nos soins, ce vin là ne souffre même pas la comparaison avec un vin de cépage merlot du même millésime.
Imagine-t-on le moment venu la déception de l’acheteur de ce Bordeaux à deux euros dont le prix d’achat par le négoce devait être de l’ordre de 650 euros le tonneau de 900 litres…
Le plan « Bordeaux demain »au titre révélateur, « la reconquête » parle d’une marque « abîmée ». Le Bordeaux à deux euros dont il est question ici n’est pas une généralité mais elle peut l’être parfois…avec de très graves retombées. Il faudra, aussi, pour sortir du marasme être capable de se l’avouer.

J.A

1. Solving Efeso

Photo : Jean-Louis Zimmermann

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