D’Algérie à Bordeaux, l’histoire de Reda ou l’intégration réussie d’un sans papier


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 08/01/2009 PAR Nicolas César

« La France était un rêve. La misère dans mon pays m’a donné envie de partir ». En 2002, à 32 ans, Reda, un Algérien issu d’une famille modeste de six enfants décide donc de franchir le pas. « Ma mère, qui ne savait ni lire ni écrire, a beaucoup souffert pour nous élever. Là-bas, nous n’avions même pas l’eau courante. Et puis, j’ai vu mon meilleur ami se faire abattre sous mes yeux, parce qu’il dénonçait le « terrorisme d’Etat » », explique-t-il. Il quitte donc ses terres avec juste de quoi se payer le billet d’avion et vivre pendant une semaine. « C’était l’argent de ma grand-mère, qui avait un terrain dans le Sahara », confie-t-il, avec une certaine gêne. En effet, pour l’honneur de la famille, il doit en faire bon usage et réussir à s’intégrer dans « le pays des droits de l’homme ». Or, en France, il ne connaît presque personne. Seulement un voisin algérien, installé à Bordeaux, qui accepte de lui offrir son toit. Reda n’a alors qu’une obsession : trouver du travail. Boulanger de métier, il apprend à faire son curriculum vitae qu’il dépose dans toutes les boulangeries des environs. « Je marchais des heures durant. », se rappelle-t-il. « Au bout de 20 jours, j’ai été embauché quatre heures par semaine, au « noir », clame-t-il avec fierté. Mais, sa demande d’asile politique lui est refusée et la préfecture l’enjoint de quitter le territoire. Au même moment, son hôte le presse de se loger ailleurs et il se retrouve à l’hôtel… « Cela a été très dur. Mon salaire, de 600 euros par mois, me permettait juste de payer la chambre. Il ne me restait plus rien pour manger », se désole-t-il. Une période délicate, qui dure un an et demi. Surtout, qu’en 2003, son employeur met la clé sous la porte.

Un CDI, grâce à de faux papiers
Sans se décourager, il reprend ses recherches. Cette fois, pour s’en sortir, il décide de se procurer de faux papiers, ce qui va bouleverser son quotidien. Très vite, en mars, une boulangerie bordelaise l’embauche en CDI à plein temps pour 1 250 euros nets par mois. Il peut alors louer un appartement de 38 m2 pour 350 euros. « J’ai même eu une carte vitale », se réjouit-il. Reda commence alors à y croire et à entrevoir le bout du tunnel. L’expérience dure un peu plus d’un an. Mais, lassé de travailler 12 heures par jour, et « du manque de respect » de son patron, il se retrouve « à la porte », après une discussion animée. « Pour la première fois de ma vie, j’ai pleuré », confie-t-il, encore blessé dans son amour propre.

Deux demandes de régularisation refusées
Il lui faudra deux mois pour retrouver un autre employeur, à Mérignac, où là tout se passe à merveille. Il y travaille depuis désormais plus de quatre ans et gagne 1 400 euros nets par mois. Convaincu qu’il réunit enfin toutes les conditions pour obtenir de « vrais » papiers, Reda engage donc en 2007 une demande de régularisation, avec l’aide d’un collectif pour l’égalité des droits à Bordeaux. Ce sera un échec, une nouvelle désillusion. D’autant plus, qu’il se fait arrêter à la fête foraine de Bordeaux le sept novembre par la police, qui le soupçonne d’avoir volé le sac d’une femme. Placé en garde à vue 24 heures, puis innocenté, il vit dans l’angoisse pendant plusieurs mois. « J’avais peur que les forces de l’ordre viennent me chercher chez moi. La nuit, je me levais pour surveiller la fenêtre. Mais, j’ai tenu grâce au travail et au soutien de mes collègues et surtout de mon employeur, qui a promis, dans une lettre au préfet, de m’engager en CDI, une fois régularisé, alors que je venais de lui apprendre que j’étais sans papiers… ».

« Quand j’aurais des enfants, je veux qu’ils soient fiers de mon parcours »
Cet été, il lance même une deuxième procédure, collective, presque désespérée, avec l’Association de soutien aux travailleurs immigrés. Au final, à sa grande surprise, il a été régularisé le 25 septembre dernier, après six années passées en France… Le plus cadeau de Noël, qu’il n’osait même plus imaginer. « J’ai gardé toutes les lettres de soutien de mes employeurs, de mes collègues. Quand j’aurais des enfants, je veux qu’ils soient fiers de mon parcours». Désormais, il n’a plus qu’un rêve : fonder une famille. En France bien sûr. « J’y suis tellement heureux ». « C’est une renaissance, à 38 ans », annonce-t-il, le sourire aux lèvres. « Sur son lit de mort, ma mère m’a donné un conseil : mon fils, soit droit et honnête, et là où tu passes, laisse une bonne odeur. Nous ne sommes pas riches, mais cela vaut de l’or », raconte-t-il. « Ce sont ces valeurs que je voudrais transmettre à mes enfants ». En attendant, il entend écrire un livre pour donner de l’espoir à tous ceux qui souffrent, en silence, de vivre dans l’anonymat, dans l’attente d’une régularisation.

Nicolas César


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