Précarité : derrière les chiffres, quelle réalité ? Conférence de Louis Maurin de l’Observatoire des inégalités


Jeanne Bonini
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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 19/02/2013 PAR Claire Sémavoine

@qui! – En 2003, vous fondez avec Patrick Savidan et Serge Monnin l’Observatoire des inégalités, une organisation indépendante. Quelles étaient vos motivations ?

Louis Maurin : À la suite du tremblement de terre de 2002, l’arrivée au second tour de l’extrême droite qui révélait un fort sentiment d’inégalités et d’injustices parmi les Français, nous avons souhaité effectuer un état des lieux des inégalités dans l’hexagone. Revenus, éducation, emploi, lien social, conditions de vie, etc. Nous désirions alimenter un constat par des analyses, révéler à travers des études méthodiques et chiffrées la réalité du pays, le décalage qui existaient entre le discours ambiant et la réalité. À cette époque, nous redoutions vraiment le déchirement du pacte républicain. Aujourd’hui, l’Oservatoire des inégalités, c’est une équipe permanente d’une vingtaine de personnes et un conseil scientifique qui regroupe des économistes, philosophes, sociologues et juristes.

@qui! – L’Observatoire des inégalités établit un constat des inégalités et publie ses analyses sur inegalites.fr. Quel public souhaitez-vous sensibiliser et dans quel but ?

L.M – L’objectif de nos publications est d’apporter un outil, une information citoyenne à tous les publics désirant connaître la réalité des inégalités en France, qu’ils soient journalistes, travailleurs sociaux, enseignants, étudiants, syndicats, salariés, etc.

@qui! – Dix ans après la création de L’Observatoire des inégalités, quels sont vos principaux constats ?

L.M – Dans un premier temps, il serait injuste de dire que le phénomène des inégalités en France est occulté. Force est de constater que l’État a récemment pris des résolutions en augmentant les crédits alloués aux personnes handicapées dont l’Allocation aux adultes handicapés (AAH), + 8,5 % en 2013. Quant au minimum vieillesse, il a été relevé de 25 % sur le quinquennat, comme promis.

Néanmoins, en terme d’évolution des revenus et d’accès à l’éducation, nos observations sont inquiétantes. En effet, depuis les années 90, le processus de démocratisation culturelle qui se développait jusqu’alors s’est nettement dégradé. On assiste à une sélection très forte des élèves dès le collège et non plus à partir du lycée. On remarque que le système éducatif est d’autant plus basé sur l’échec que sur la valorisation des jeunes. En quelque sort, on jette des bouées aux écoliers après les avoir poussés vers la porte. Dans ces cas de décrochage scolaire, les classes aisées s’en sortent mieux, c’est une réalité.

Même si notre vision du monde n’est pas figée, la question du logement est également centrale. Et il faut être clair sur le constat. Aujourd’hui, sans famille, sans réseau ou capital social, les jeunes peu qualifiés ont de gigantesques difficultés à trouver un travail et un toit sur la tête.


« Sans richesse, pas de pauvreté »


@qui! – En créant l’Obervatoire des inégalités, vous souhaitiez calmer les sentiments d’inégalités et d’injustices en étayant les réalités sociales. Aujourd’hui, pensez-vous que la société mesure mieux l’écart qui existe entre l’image renvoyée par les médias, politiques, etc., et la réalité ?

L.M – Absolument pas et c’est très grave. L’image proposée d’une société simple et libérée n’est pas réelle. Il y a un décalage vers le haut des catégories qui ne correspond pas à la société dans sa globalité. En hiver par exemple, chaque téléspectateur visionne la météo des neiges. Mais savez-vous que seulement 8 % des Français partent aux sports d’hiver une fois tous les deux ans ? Ou encore qu’un cinquième des pensions alimentaires n’est pas versé ? Ça, c’est la réalité. Et c’est un grand malheur que ces chiffres et données ne soient pas clairement évoqués.

@qui! – Vous rencontrez jeudi le public bordelais. Quels thèmes forts avez-vous l’intention d’aborder ?

L.M – À force de s’exprimer à tort et à travers sur la pauvreté, on perd la notion de la réalité, et peu de faits réels sont évoqués finalement. Du coup, les pouvoirs publics, les médias et même les classes aisées perdent en crédibilité du côté des classes moyennes et pauvres qui sont elles-mêmes discréditées lorsqu’elles sont présentées en possession d’écran plat ou partant au ski (sic) !

Il faut revenir à la réalité, décrire les différentes formes de pauvreté et dans différents endroits. À titre d’exemple, avec 2000 euros pour quatre personnes, le train de vie n’est pas le même en ville qu’à la campagne. Il faut penser la pauvreté comme un système global d’inégalité. En effet, sans richesse, pas de pauvreté. La preuve ? Ce sont toujours les mêmes qui deviennent pauvres. Chiffres et analyses à l’appui.


Conférence des Bruits de la rue « Précarité : derrière les chiffres, quelle réalité ? » avec Louis Maurin, l’un des fondateurs de l’Observatoire des inégalités jeudi 21 février 2013 à 19 heures dans l’amphithéâtre Pitres, faculté Bordeaux Ségalen, place de la Victoire à Bordeaux. À noter que les portes seront fermées après 19 h 30.

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