Une seconde journée des Tribunes de la Presse tournée vers l’étranger…


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 12/10/2012 PAR Laura Jarry

« On ne sait pas tout ce qui se passe en Corée du Nord »

Le paradis des Kim sous l'oeil des médias

Cet aveu de Juliette Morillot, historienne et écrivaine, résonne de manière très honnête dans la bouche de celle qui défend sur l’estrade ce pays qu’elle a appris à aimer. D’ailleurs, à propos des larmes de foules entières versées à la mort de Kim Jong-Il et que beaucoup de médias jugeaient « forcés », elle nie cette idée : « Non, elles étaient sincères, mais dans un contexte d’endoctrinement », d’un sentiment nationaliste extrêmement fort, incarné par ce dirigeant.
Quant à au nouveau venu au pouvoir, Kim Jong-Un, « il est livré en pâture aux regards des occidentaux », selon Philippe Chancel. Ce même photoreporter qui, même s’il avait pu pénétrer clandestinement dans les pays du bloc de l’Est, ne pouvait entrer en Corée du Nord que par la voie officielle, en disant aux autorités : « il n’existe pas d’images sur votre pays, c’est le moment d’inviter un photographe, de lui faire confiance ».
Cependant, si Juliette Morillot cite l’arrivée du Gangnam Style aux oreilles des habitants de Pyongyang pour évoquer l’une des graines du changement dans le pays, Marc Epstein, chef du service Monde à L’Express, parle de petites évolutions anecdotiques, comme celle de l’apparition du personnage de Mickey.

« La seule position acceptable de l’UE sur la Biélorussie »La remise ce jour du Prix Nobel de la Paix à l’Union européenne a provoqué quelques réflexions aux invités de ce second débat. Elle a été une surprise pour Andrei Aliaksandrau, journaliste en charge de la Biélorussie à Index on Censorship, et cela doit être le signal qu’elle doit vraiment devenir une union. Cependant, « ce que nous attendons, en tant que ses habitants, c’est la définition d’une stratégie à l’égard de la Biélorussie ». Pour Andreï Dmitriev, vice-président du mouvement citoyen « Dis la vérité », « la seule position acceptable de l’UE serait d’avoir une position ferme face à Loukachenko, avec comme première décision la libération des prisonniers politiques ».

Biélorussie, une dictature au coeur de l'Europe

Pour autant, son mouvement n’a pas boycotté les élections. Celui qui reconnaît qu’elles étaient truquées (« depuis Minsk, on dispatche le décompte qui doit être donné dans chaque bureau ») déclare en effet que, malgré les débats au sein de l’opposition, « nous avons décidé que l’occasion d’établir un contact avec ces gens qui vivent dans une totale isolation en tenant un bureau de campagne, était plus important ».

« Le choix des mots est un combat »
Cette phrase de Chen Yan, historien et journaliste, fondateur du Forum Chine-Europe, résonne avec d’autant plus de puissance dans l’auditorium qu’il est venu ici pour parler de la situation médiatique en Chine. Pour lui, « des journalistes risquent leur profession, leur vie, pour pouvoir mettre un mot, obligés de penser ‘est-ce que c’est publiable ?’, voir les critères politiques qui pourraient être tolérés ou non par le régime politique ».
François-Xavier Freland, correspondant de RFI au Vénézuela, rend compte de la dernière élection : « on a vu une élection présidentielle se dérouler la semaine dernière, avec un fort taux de participation, avec un système électronique à priori fiable » ; nuançant cette fausse impression de liberté de parole des médias là-bas : « les journalistes, on ne leur interdit pas de parler, mais on les censure ».
Au Maroc, « la torture est devenue systémique, établie constitutionnellement » selon Jamaï Aboubakr. Pour ce fondateur de l’hebdomadaire Le Journal, « les gens n’aiment pas se sentir forcés à avoir une opinion »,  « le lectorat veut être convaincu, avec une enquête des faits, et c’est avec ça qu’on finit par gagner la partie ».

« C’est un acte politique de nommer quelqu’un victime ou non »La question du statut des victimes a été un grand pan de ce débat intitulé « Des journalistes sous influence ? Les victimes ont-elles forcément raison ? », auquel participait donc Donatella Rovera, conseillère d’Amnesty International pour les situations de crise. En effet, pour Olivia Rutazibwa, chercheuse au Centre d’études européennes à l’Université de Gand et journaliste au mensuel belge MO Magazine, et originaire du Rwanda, « on présente rarement l’Afrique autrement qu’à travers la lentille victime, toujours comme si elle avait besoin d’aide ». Un problème de confiance dans les victimes, de leurs statuts, civils ou non, qui divise les intervenants et les spectateurs, et qui revient à la définition du rôle de journaliste.
Pour Samira Aïta, rédacteur en chef des éditions arabes du Monde diplomatiques, déclare ainsi : « on se dit on a le droit d’informer, mais on a aussi l’abnégation de s’attacher à quelques valeurs ». Et Olivia Rutazibwa avouant que « la responsabilité du journaliste, c’est de faire comprendre ce qui se passe », donc il est important « de faire parler le bourreau, un acteur du conflit ».

« Nous n’avons pas le droit de ne pas savoir »C’est une anecdote d »Hajer Ben Ajroudi, journaliste à l’hebdomadaire tunisien Le Maghreb, qui a beaucoup retenu l’attention du public : frustrée de ne pouvoir s’exprimer dans la presse, « on descendait dans la foule, sachant que, même sans pouvoir couvrir ça, on sera amené à témoigner, donc nous n’avions pas le droit de ne pas savoir ».
Ce partage de sensations était encore plus prenant avec la présence de Jean-Christophe Klotz, journaliste et cinéaste, réalisateur du film « Lignes de Front ». Celui qui faisait son premier reportage sur le Rwanda en se disant « si on ne fait rien, tous ces gens vont mourir » a subi un grand choc en se rendant compte que la présence de la presse ne pouvait influer : « c’est quelque chose qui s’est brisé pour moi : si des témoins, de la presse étrangère, ne suffisent pas à arrêter le génocide, alors à quoi ça sert ? ». Une rupture intérieure dont le héros de son film, diffusé dans la soirée, n’a pas su guérir.


Rendez-vous du samedi 13 octobre : à 10h, « Retour à la démocratie : le poids des années noires » ; à 11h30, « Les médias, dictature d’une élite ? » et à 14h30 « Vivons-nous en démocratie ? ».

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