« A côté » : un film… une autre forme de présence


« A côté », le film de Stéphane Mercurio à l'affiche cette semaine seulement à l'Utopia de Bordeaux, donne la parole à des femmes de détenus qui racontent avec pudeur leur vie difficile. Attente du jugement, parloir, transfert, permission, libération

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Temps de lecture 2 min

Publication PUBLIÉ LE 05/12/2008 PAR Vincent Goulet

« La plupart de ces femmes n’ont fait aucune difficulté pour participer au film », explique la réalisatrice, Stéphane Mercurio. « Nulle part elles ne peuvent exprimer ce qu’elles vivent : ce n’est pas, bien sûr, devant le juge ou le personnel pénitentiaire, ni devant leur mari au parloir, où elles se doivent d’être forte et de remonter le moral du détenu. Elles ont saisi l’espace de parole que je leur offrais à travers ce film ». Et cela se voit à l’écran : les témoignages n’ont rien de forcé et dévoilent de façon souvent poignante ce qu’est la vie d’une femme dont l’homme est en prison : travailler pour faire vivre la famille et envoyer des mandats, s’occuper seule des enfants, gérer le regard des autres et les tracas quotidiens, passer enfin plusieurs heures par semaine dans les antichambres du parloir, avec dans certains cas plus de 100 kilomètres de trajet pour se rendre à la maison d’arrêt. Très vite, la vie devient un enfer, et celles qui choisissent de rester aux côtés de leur compagnon payent durement pour sa faute. Les déficiences de l’administration pénitentiaire retombent directement sur les familles qui sont alors les seules « soupapes » pour les détenus. En effet, la surpopulation carcérale (il y a, par exemple, à Gradigan, la maison d’arrêt de Bordeaux, jusqu’à 800 prisonniers pour 450 places) entraine un manque récurrent d’activités sportives ou l’impossibilité de reprendre des études ou de suivre une formation. L’absence de politique de réinsertion efficace donne à la famille, quand elle existe ou continue d’exister, la lourde tâche de devoir réussir seule la sortie du détenu.

Un film de cinéma sur l’amour
A travers ces témoignages de femmes, mais aussi de pères et de mères, le film apporte de façon sensible des éléments au débat sur la place et le rôle de la prison dans la société. Mais plus qu’un « documentaire social », c’est aussi un vrai film de cinéma : unité de lieu, la maison d’accueil des familles près de la maison d’arrêt de Rennes (l’équivalent du Chalet bleu à Gradignan), unité de temps, les moments qui entourent les trois parloirs hebdomadaires, rigueur dans la construction, avec des images fixes pour évoquer « la vie du dehors », comme suspendue entre deux brèves rencontres avec le mari détenu. Peu à peu, au fil de ces paroles qui disent l’espoir des retrouvailles ou l’amertume de la solitude, se pose la question de la nature du lien qui unit le détenu avec sa compagne. Qu’est-ce qu’aimer un être qui n’est plus physiquement là ? « J’ai choisi d’être présente », explique avec un ton de défi cette femme d’une soixantaine d’années qui a vécu avec son homme 39 ans d’amour dont 31 de parloir. Est-on fidèle à un être particulier, malgré la distance et l’incommunicabilité, ou à l’image qu’on s’en fait idéalement ? ou encore est-on ataché à celle qu’on veut se donner de soi-même ? Très subtilement, le film de Stéphane Mercurio nous interroge sur la nature de l’amour, un amour qui est avancé par ces femmes comme la raison ultime du sacrifice qu’elles consentent mais qui semble, dans le même temps, se nourrir et se renforcer de celui-ci. Au-delà du nécessaire débat politique sur la prison, ce film parlera à tous ceux qui ont vécu un amour brisé ou impossible ou qui sont confrontés au mur parfois infranchissable de l’altérité.

Vincent Goulet

http://www.a-cote.eu/


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