Après le choc des civilisations de Huntington, place à la « guerre des cultures’ de Frédéric Martel


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 20/05/2010 PAR Piotr Czarzasty

Interrogé, une fois n’est pas coutume, et dans une inversion totale des rôles, par le politique Vincent Feltesse (ils sont amis et ont notamment œuvré de concert contre la loi Hadopi), Frédéric Martel a exposé ses arguments, sans juger ni prendre partie, mais en déclenchant une certaine polémique, notamment sur sa vision de la position de la culture française en Europe… et ailleurs, ce qui expliquerait peut-être le silence des chroniqueurs de Télérama et Libération sur l’ouvrage de leur confrère.

Non un mais plusieurs mainstream(s)
Bollywood en Inde ; mangas, J-pop et K-pop en Asie ; télénovelas au Brésil ; une industrie chinoise voulant se substituer à Disney, ou encore le label Rotana du Moyen Orient désirant promouvoir une culture panarabe ; autant d’éléments qui portent à croire que le modèle universel de divertissement imposé par les Etats-Unis n’a non seulement pas éclipsé le développement d’autres modèles culturels mais l’a encore encouragé, contribuant à l’émergence de concurrents de plus en plus redoutables. On assiste ainsi, selon l’auteur, à la diffusion non pas d’un seul mainstream américain dominant mais de plusieurs mainstreams concurrents non-américains.

USA – le « monde en miniature »

Mainstream
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Frédéric Martel précise cependant que ces derniers ne seront probablement jamais en mesure de détrôner le géant américain, et ce pour plusieurs raisons : « Tout d’abord la culture américaine représente la matrice de cette culture mainstream, et on constate très vite que paradoxalement ceux qui s’en inspirent le plus sont ceux qui la contestent le plus, en le faisant au nom de valeurs qui seraient étrangères à l’Amérique, alors que ce n’est souvent point le cas », souligne Frédéric Martel.

Le succès universel de la culture mainstream des Etats-Unis s’expliquerait surtout par « cette diversité culturelle qui est la leur et qui fonde l’identité de l’Amérique depuis ses origines », observe l’auteur. « De par cette composition multi-ethnique et multinationale on peut ainsi être pratiquement sûr aujourd’hui que si un film marche très bien aux Etats-Unis, il va aussi cartonner à l’étranger ; car les Etats-Unis, c’est le monde en miniature. »

La culture américaine – seul dénominateur commun pour l’Europe
Cette culture américaine parle et plaît à tout le monde. On peut l’observer notamment en Europe, un continent qui ne parvient toujours pas à promouvoir un modèle culturel qui lui serait propre. « Les films français, ils ne plaisent qu’aux Français et encore, il est rare qu’on les regarde ailleurs en Europe en ne parlant même plus de leur écho outre-atlantique », remarque Frédéric Martel. « Mais le vrai problème c’est que l’Europe n’a pas de marché commun intérieur pour ses propres produits culturels, par contre pour les produits américains il y a toujours un marché ; on voit ainsi très bien que la vraie culture commune en Europe c’est paradoxalement la culture américaine ».

Une « industrie créative »
A cela viennent s’ajouter bien entendu d’importants moyens consacrés à la production littéraire, phonographique et audiovisuelle, sans commune mesure dans le monde. Mais ceux-ci ne représentent finalement qu’un levier pour une qualité de produits qui s’avère inégalée. « Outre la codification de certains formats ou pratiques qui sont aujourd’hui repris par tout le monde, la force de l’Amérique réside dans la mise en place d’une industrie créative des contenus culturels », explique l’auteur. « C’est une industrie qui a une grande capacité de se renouveler, chaque produit est différent et innovant à sa manière. Ce n’est pas comme Coca cola, dont les bouteilles sont partout identiques, qu’on soit aux Etats-Unis ou dans un village d’Afrique ».

Contrairement à ce que certains avancent au niveau politique ou économique, dans le domaine de l’industrie du divertissement les Etats-Unis tiennent bon et ne semblent pas prêts de céder leur place, bien que l’on ne puisse encore évaluer l’impact des mainstream(s) émergents à l’échelle mondiale. Un constat qui va à contre-pied de l’analyse d’Emmanuel Todd dans son Essai sur la décomposition du système américain, car pour Frédéric Martel, le déclin culturel de l’empire  américain n’est pas pour demain.

Piotr Czarzasty et Isabelle Camus

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