Bernard Guetta et Jean Lacouture présentent : « Le monde est mon métier » à l’Escale du livre


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 05/04/2008 PAR Piotr Czarzasty

Bernard Guetta commence sa carrière au Nouvel Observateur. Pendant plusieurs années, il se consacre au service étranger, et plus particulièrement aux pays du bloc communiste (correspondant pour Le Monde à Varsovie, Gdansk puis Moscou), ce qui lui vaut le prix Albert Londres en 1981. Il est actuellement, entre autres, éditorialiste à l’Express et chroniqueur à La Republica. Autre grand reporter à l’étranger, Jean Lacouture, s’engage lui, tout au long de sa carrière, dans l’anticolonialisme. C’est sa rencontre avec Hô Chi Minh qui, semble-t-il, en avait décidé ainsi. Comme Bernard Guetta, il passe par les rédactions du Nouvel Observateur et du Monde.

Décolonisation-décommunisation: dialogue entre générations

D’où l’idée d’écrire un livre ensemble ? « Ce n’était pas mon idée. » répond Jean Lacouture, qui l’attribue à un éditorialiste dont il ne veut pas donner le nom. Bernard Guetta ne semblait pas non plus trop enthousiaste. « Je me suis dit « à quoi bon ? » si tous les deux on est d’accord sur presque tout. » M. Lacouture voyait tout de même un intérêt dans cette occasion de pouvoir mettre en parallèle, non seulement, la décolonisation et la décommunisation, des périodes sur lesquelles les deux journalistes ont travaillé ; mais surtout confronter leurs différents points de vue et les perceptions qui les ont accompagnés pendant les reportages. « C’est un dialogue inter-générationnel. » ajoute M. Lacouture.

« L’objectivité n’existe pas »

Bernard Guetta et Jean Lacouture affirment qu’il ne faut pas rejeter sa propre interprétation des faits. D’ailleurs tous les deux ne croient pas en l’objectivité. « L’objectivité est la déesse à laquelle la subjectivité rend hommage. » déclare M. Lacouture. le journaliste ne peut être en effet objectif ni neutre car ces notions « ne viennent pas de l’être humain. » « Les faits ne m’intéressent pas à vrai dire. » avoue M.Guetta : « A-t-on vraiment besoin de journalistes qui se contentent uniquement de constater l’état des choses ? » La réponse pour M.Guetta et M. Lacouture est « non ».

Un journalisme d’engagement

Tous les deux militent justement pour un « journalisme d’intervention » et pas de constat. C’est reconnaître que chaque journaliste est un être humain comme les autres ; qui a un passéguettalacouture, un regard sur le monde défini par « un système de valeurs d’appréhensions et de convictions » qui lui est propre. C’est un « journaliste citoyen » comme l’appelle Jean Lacouture. Quelqu’un qui a un projet, défini ou pas, mais une idée en tout cas, pour changer un état des choses qu’il décrit. L’ambition ce n’est peut-être pas de trouver, mais au moins de chercher des solutions ; « trouver ce point lumineux au bout du tunnel. » affirme M.Guetta. « Car si le journalisme est impuissant à apaiser les tensions, servons nous encore à quelque chose ?»

La « honte » et la « désillusion »

Dans une deuxième partie du débat, les deux journalistes sont revenus sur les plus grands regrets de leurs carrières. « L’affaire de Cambodge » comme l’appelle M. Lacouture, fut l’événement qui a nui le plus à sa réputation. Il parle aujourd’hui de « honte » lorsqu’il évoque son refus, pendant des années, de reconnaître les crimes des khmers rouges. « C’était une insuffisance de jugement, de rigueur et d’interrogation par rapport à des hommes dont on ne pouvait imaginer des choses pareilles. » avoue-t-il. Pour M.Guetta ce ne fut pas le cas d’un échec personnel, mais celui d’une désillusion générale advenue après 89. Des évolutions qui n’ont finalement pas pris le cours prévu. « L’échec de la démocratisation en Russie, était pour moi un grand regret, une blessure même. » raconte M.Guetta.

Bye, bye l’Occident…

Mais 89 a apporté aussi des réflections décisives pour les deux hommes. Tout d’abord le passage d’un monde simple, bipolaire, qu’on pouvait facilement appréhender à un monde dont les dynamiques nous échappent. Mais la levée de ce « manteau » qui couvrait le bloc communiste a permis de découvrir un monde de « conflits dissimulés, cachés, qui, d’un coup ont repris leur criante actualité » remarque M.Guetta. Enfin, les deux auteurs soulignent qu’il faut sortir de l’illusion d’un monde dominé par l’Occident. « Ce n’est plus le cas aujourd’hui ; il faut en être conscient; et lorsqu’on voit que la Chine est en train de devenir le pays de l’avant garde artistique, c’en est la meilleure preuve. » conclue Bernard Guetta.

Piotr Czarzasty


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