Un bestiaire doux-amer trouve refuge à la Vieille Eglise de Mérignac


Andrea Schmitz
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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 26/04/2014 PAR Lise Gallitre

Avant de présenter les quelques cent photographies exposées sur les murs de la Vieille Eglise, Michel Vanden Eeckhoudt parle, non sans humour, de son travail comme étant celui du fils d’une assistante sociale et d’un père professeur de zoologie. Loin d’être anecdotique, cette lumière familiale donne un éclairage bienvenu au titre de l’exposition, qui est aussi le titre du dernier livre du photographe paru aux éditions Delpire, Doux-Amer. C’est ça, doux-amer, des photos laissant une impression oscillant entre douceur et amertume, une hésitation/confusion qui donne une très belle exposition dont une partie avait été montrée aux rencontres d’Arles l’année dernière. Né à Bruxelles où il vit et travaille aujourd’hui, Michel Vanden Eeckhoudt est membre de l’agence parisienne Vu depuis 1985. Depuis plus de trente ans, il promène son objectif sur les routes de France, d’Italie, de Belgique bien-sûr mais aussi d’Afrique, d’Inde ou d’Israël avec un regard toujours soucieux de raconter des histoires, de vraies histoires, des histoires de chiens, de singes, d’enfants, de paysages aussi. Des histoires vivantes où bonheur, tristesse, solitude et ironie s’épousent dans des noir et blanc intemporels, si bien que les sobres légendes indiquant juste le lieu et la date des clichés sont souvent nécessaires au spectateur désireux de situer l’image dans le temps. Une impression onirique qui s’accorde alors bien avec la façon dont Michel Vanden Eeckhoudt parle de son travail toujours situé « sur les ailes du hasard et du doute ». 

Mettre le spectateur dans un léger inconfort « Je suis belge et dans la lignée de Magritte et de beaucoup d’autres, je dois bien avouer que j’ai une affection pour les choses bizzaroïdes », un aveu du photographe devant un singe très rare immortalisé dans un zoo allemand et accroché au fond de la Vieille Eglise. Bizzaroïde, c’est en effet un terme qui s’adapte tout à fait à l’attitude dramatique de l’animal en question qui, pattes avant scotchés à la vitre qui le sépare de l’objectif, semble presque hésiter entre l’envie de faire peur et l’envie de faire rire. A l’image de celle-ci, de nombreuses photographies exposées suscitent à la fois le sourire, la gêne, parfois l’angoisse, une sensation d’étrangeté chère à l’artiste qui reconnaît volontiers « placer de temps en temps le spectateur dans un léger inconfort ». A la manière du fameux « Ceci n’est pas une pipe » de son concitoyen Magritte, Michel Vanden Eeckhoudt aurait lui aussi pu titrer ses photos à grands coups de « ceci n’est pas un chien » ou « ceci n’est pas un singe », c’est vrai ça, comment en être sûr? Toujours « sur les ailes du hasard et du doute », les clichés de l’artiste belge interrogent le specateur, avec tendresse et ironie, sur lui, sur son rapport au monde, aux autres et aux animaux bien-sûr, cette dernière relation étant le fil rouge des subtils noir et blanc de Doux-Amer.


Exposition

De l’humain dans la bête , de la bête dans l’humain? Vitres, barreaux de cages d’un zoo ou parfois même un simple mètre séparent l’objectif de l’objet de la photographie et donc, l’homme de l’animal. Une fine frontière qui transparaît sur chaque photo et invite alors celui qui regarde à se demander qui observe qui et du même fait, qui domine qui. Pour reprendre les mots de Michel Vanden Eeckhoudt, « regarder les animaux et les photographier, c’est rendre compte de l’étrange mélange que constitue la relation que l’homme entretient avec l’animal, un mélange de cruauté, d’amour, de gentillesse et de domination, des rapports singuliers qu’on retrouve dans les rapports humains ». Pour illustrer ce parallèle, certaines oeuvres accrochées sur les murs blancs de la Vieille Eglise sont particulièrement efficaces, à l’image d’une photo prise à la frontière franco-belge sur laquelle un  homme masqué tient son chien dans ses bras, ce dernier étant semble-t-il presque gêné de l’accoutrement de son maître. Dans le cadre d’à côté, un chien pose avec une cigarette dans la gueule. Normal. Non loin d’eux, un chameau fou, un singe indien de très mauvaise humeur, un gorille tokyoïte mélancolique, un cheval méfiant, des porcs conscients de leur sort ou encore deux chiens qui, non sans pudeur, font leurs besoins dans la nature. Chacune de ces photos se charge d’une humanité telle que les comportements de l’homme et de l’animal se confondent et se répondent avec tendresse et humour.

Entre fierté et gêne, chacun sa pose…Pour certains, c’est l’heure de gloire. Souriante, expressive, réjouie de poser, ce n’est pas Daisy qui dira le contraire. Daisy, c’est le chien un brin mal coiffé aux allures de caniche qui trône près de la porte de la Vieille Eglise. A Mérignac aujourd’hui, dans d’autres galeries auparavant et même dans le New Yorker il y a quelques années, elle aurait tort de ne pas sourire notre Daisy, quand même. Bon, c’est pas évident pour tout le monde non plus et par respect, on taiera le petit nom de ce petit chien qui, non loin de Daisy, de l’autre côté de la porte, a honte. Honte parce-que son maître l’a mis dans un grotesque panier ne laissant dépasser que sa tête et, comme si ça ne suffisait pas, Michel Vanden Eeckhoudt le photographie, lui, à ce moment-là, comme ça. Une double peine pour celui qui semble alors se dire que les humains sont vraiment des chiens. Chiens, singes, lions, chevaux mais aussi des humains, des inconnus, des connus, à l’image d’une superbe photo de 1979 sur laquelle les enfants de l’artiste se tombent dans les bras sur le quai de la gare du Midi à Bruxelles, c’est doux, c’est amer, c’est profondément humain et comme vous le dit avec insistance la princesse indienne aux allures de chien de l’affiche, c’est à voir, et vite.

Exposition « Doux-Amer » de Michel vanden Eeckhoudt, du 26 avril au 8 juin à la Vieille Eglise Saint-Vincent de Mérignac; entrée libre du mardi au dimanche de 14h à 19h, Tramway ligne A, arrêt Mérignac centre

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