Bordeaux : rencontre avec José Muñoz le président Festival de la BD d’Angoulême


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 20/01/2008 PAR Piotr Czarzasty

Né en 1942 à Buenos Aires, Muñoz s’intéresse très vite au 9ème art. Il le découvre vraiment, en y éprouvant une réelle passion, auprès de ses deux grands maîtres. Il suit alors, à partir de l’âge de douze ans, des cours de sculpture, dessin, peinture et marionnettes dans l’atelier d’Humberto Cerantonio et pratique avec lui le théâtre de marionnettes. Cet enseignement devient pour Muñoz l’initiation à l’histoire de l’art ainsi qu’au cinéma. Parallèlement, il assiste aux cours d’Alberto Breccia, dessinateur argentin d’ « historietas », à l’ecole Panaméricaine d’Art. C’est là qu’il approfondit ses connaissances sur la bande dessinée.

Vendre son âme au diable

« Cerantonio avait de grands préjugés envers la BD. S’y dédier était, pour lui, synonyme de vendre son âme au diable pour trois sous. » raconte José Muñoz. Mais, c’est seulement avec la rencontre du dessinateur italien Hugo Pratt en 1959, que sa passion pour la BD mûrit. « C’est en regardant ses dessins, que j’ai ressenti une vraie émotion profonde. » nous confie-t-il : « Je suis tombé amoureux de la façon de pouvoir raconter des histoires en dessinant ; d’inventer des réalités, créer des rêves ou des cauchemars avec un simple crayon et une feuille de papier. »

L’exil

Ayant quitté l’Argentine en 1972, il voyage un peu partout en Europe en passant par l’Angleterre, l’Espagne, l’Italie et la France. Après avoir vécu 25 ans en Italie, il s’installe finalement à Paris où il vit actuellement. « J’étais parti par curiosité, un désir d’aventure, mais aussi pour pouvoir travailler dans des domaines, encore inaccessibles chez nous. » explique le dessinateur. Muñoz rencontre ainsi les grandes figures de la BD européenne. Notamment Hugo Pratt, qui l’engage sur le projet de « Precinto 56 », l’histoire d’un détective New-yorkais, dans une ambiance des films noirs de l’époque. Le héros de « Precinto 56 » préfigure d’ailleurs le personnage d’Alack Sinner, une série qui allait devenir le plus grand succès de Munoz.

C’est en 1974 que naît « Alack Sinner ». Inventé par Muñoz et Carlos Sampayo, écrivain, publicitaire, dont Munoz fait la connaissance en Espagne. Leur rencontre marque le début d’une longue coopération et grande amitié. Celle-ci verra apparaître les albums de « Sophie » (en 1977), « Le Bar à Joe » (en 1979), « Sueur de Métèques » (en 1982), « Jeux de Lumières » (en 1985) et bien d’autres jusqu’à aujourd’hui.

« Alack Sinner » – une BD « noir »

Alack Sinner, détective privé à New York, représente dedicace Jose Munozle « héros-type » du film noir des années 50. Ex-policier, dans une situation familiale compliquée, qui entreprend une lutte solitaire contre l’injustice. « On voulait créer quelque chose dans le genre narratif de la recherche de la vérité et de la justice, dans un monde plein de cruauté et de misère et autres maux perturbant la société. » explique José Muñoz. Le choix du dessin noir et blanc ammène encore une ambiance d’inquiétude et d’insécurité. « Mon maître Hugo Pratt répétait que la BD c’est toujours « un carré blanc, un carré noir », cette simple constatation m’a permis de jouer sur les émotions, en manipulant les ombres, la lumière. » raconte le dessinateur.

Sinner – l’alter ego de José Muñoz?

Le visage du personnage serait inspiré de ceux de Charles Bronson et Steve McQueen, deux icônes des films policiers des années 70. « le travail d’un dessinateur est rempli de solitude, c’est pour cela qu’en concevant un personnages sur papier, je dois être convaincu de sa présence, qu’il existe, qu’il me regarde, que je ne suis pas seul. » avoue Muñoz. Ce sentiment de solitude, renforcé encore par un statut d’exilé, n’est pas le seul fait marquant dans la vie de l’auteur qui sert d’inspiration à Alack Sinner. La vie privée d’un Sinner marié, mais avec un enfant à la charge, fait référence aux expériences mêmes du dessinateur.

Créé en 1974, Sinner et ses aventures continuent, bien que leur héros vieillisse. Celui-ci risque quand même bien de quitter New-York. « Je n’ai plus envie de dessiner Sinner aux Etas-Unis » avoue Muñoz : « J’ai besoin d’une excuse pour l’envoyer par exemple en Argentine. » L’invention d’une excuse, pour dessiner l’Argentine, semble en quelque sorte chose faite avec le tout dernier album de Sampayo et Muñoz « Carlos Gardel » ; célèbre chanteur argentin de tango dans l’entre deux guerres.

Hommage à la star du tango – Carlos Gardel

« On a voulu, à travers cette BD, rendre hommage à un homme, qui est devenu l’icône de mon pays natal. » raconte José Muñoz: « Gardel symbolise une figure qui est sortie de la misère, en devenant, grâce à son talent, une étoile éternellement brillante; un mythe populaire. » Mais « Carlos Gardel » s’inscrit aussi bien dans la logique des « carrés noirs et blancs ». « Il y a effectivement un axe qu’on a établi entre l’album « Billie Holiday », sur une chanteuse noire de l’Amérique du Nord et Carlos Gardel, un chanteur blanc de l’Amérique du sud. » nous dévoile le dessinateur.

Après plusieurs distinctions obtenues, entre autres, à Barcelone, San Diego ou Lucca, José Muñoz est couronné par le Grand Prix de la Ville d’Angoulême pour l’ensemble de son œuvre et devient le Président de la 35è édition de ce festival. « C’est un grand honneur ainsi qu’une grande responsabilité » souligne-t-il : « Je suis fier de pouvoir représenter cet art, qui reste aujourd’hui presque le seul témoin du tremblement de la main, comme partie inhérente à la création. »

José Muñoz ne compte certainement pas s’en arrêter là, mais reste mystérieux sur ses projets. « Cela fait 50 ans que je suis dans le métier ; je dois penser à gérer pour le mieux les dernieres étapes de ces derniers jours dans la matière consciente. » conclue-t-il.

Piotr Czarzasty

 

 

 

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