Entre les lignes: « Le Bal des Dézingueurs », l’hilarant et terrifiant vaudeville des élus


Flammarion
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Temps de lecture 2 min

Publication PUBLIÉ LE 16/03/2016 PAR Romain Béteille

« Aux yeux de beaucoup de français, ces rendez-vous discrets avec les puissants sont vécus comme autant de petites trahisons (…) car déjeuner, n’est-ce pas en soi la preuve de notre connivence avec le pouvoir ? ». C’est par ces premiers mots, un brin sarcastiques, qu’Alba Ventura et Laurent Bazin commencent leur valse des confidences et des petites phrases, auparavant bien planquées dans les carnets personnels des journalistes ou glissées de façon plus ou moins subliminale dans les éditoriaux politiques nationaux. Pour autant, l’ouvrage de près de 400 pages n’est ni un aveu de compromission ni un mot d’excuse. 

Il est un reflet, par le biais d’anecdotes ou de phrases échappées des bouches D’Arnaud Montebourg, Nicolas Sarkozy, François Hollande, Jean-Vincent Placé et tant d’autres, des petits jeux et coups politiques qui se jouent derrière les murs des ministères, bien à l’ombre des terrasses. Un menu gratiné, qui fait notamment dire à Malek Boutih « Hollande, c’est un fonctionnaire qui a réussi le concours de président » où à Marine Le Pen que son père « est fait pour être candidat aux régionales comme moi danseuse au Crazy Horse ». Moments privilégiés d’un « off » journalistique qui n’en est plus vraiment un, ces sept chapitres à la qualité inégale (notamment le dernier, qui détaille les goûts culinaires de chacun et paraît presque hors sujet) livrent pourtant une chronique assez fascinante et parfois franchement hilarante des égos, trips et autres ambitions de la vie politique française. 

Le passé y est aussi assez largement évoqué, comme les frasques de Mitterrand, les anciens déjeuners luxueux du fondateur de France Soir ou les rumeurs folles de coucheries qui ont agité le pouvoir depuis cinquante ans. Sans avoir l’ambition d’être exhaustif, « Le bal des dézingueurs » parle aussi, en fond, de la relation étroite, mais jamais amicale entre les politiques et les journalistes, et tente d’en comprendre et d’en expliquer les rouages et les évolutions. C’est sans doute dans cet aspect plutôt que dans le récit d’un Sarkozy accro au chocolat et adepte du fromage blanc, que le récit des deux journalistes est le plus efficace : le miroir des ambitions y est ici révélé sans tabous, sans aucune langue de bois ni faux discours. 

Terminé juste après les attentats de novembre, il chronique une année 2015 de « transitions » et de coups bas qui a une saveur toute particulière, entre les prédictions presque dignes de Nostradamus de Dominique de Villepin et le café cinglant de Jean-François Copé. Au final, le prétexte des « dîners » ou des « déjeuners » de travail, qui ne sont en fait rien de plus que des interviews confidentielles et déguisées, n’a que peu d’intérêt. Le plus fascinant réside en fait dans ces petits moments, intimes et dont le public ignore tout, qui cristallisent à eux seuls les différentes stratégies de ceux qui ont fait de la politique une carrière plus qu’une réelle ambition sociétale. Tour à tour scandaleuses, effrayantes, drôles et cocasses, les anecdotes des carnets de Bazin et Ventura se savourent comme une bonne vengeance douce. Un plat qui se mange froid. 

« Le bal des dézingeurs », par Laurent Bazin et Alba Ventura, paru chez Flammarion Enquête, 20 euros. 

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