Depuis 80 ans, Lascaux fait partager le patrimoine de l’humanité


archives Claude-Hélène Yvard
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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 09/09/2020 PAR Claude-Hélène Yvard

Le 12 septembre 1940, quatre jeunes hommes, Marcel Ravidat (18 ans), Jacques Marsat (15 ans), Georges Agniel (16 ans), et Simon Coencas, réfugié juif en Dordogne, (13 ans), font l’une des découvertes archéologiques les plus prestigieuses du XXe siècle sur la colline de Montignac. Au milieu des bois, ils se risquent dans un trou, dévalent la pente d’un éboulis et découvrent fortuitement la salle des taureaux, puis le reste de la grotte lorsqu’ils reviennent les jours suivants, accompagnés de leur instituteur, passionné de préhistoire. Ce dernier prend conscience de l’intérêt exceptionnel de la découverte.
Les recherches menées au cours des dernières décennies, notamment les travaux Brigitte et Gilles Deluc, permettent de situer l’iconographie de Lascaux à la charnière du Solutréen et du Magdalénien, il y a 17 000 ans. Les études les plus récentes datent Lascaux à moins 20 000 ans avant notre ère. Les fresques représentent de nombreux animaux, des taureaux, des vaches, des cerfs, des bouquetins. La grotte sera classée monument historique en décembre 1940. Après la Seconde guerre mondiale, le site est aménagé en vue de son exploitation touristique. De 1948 à 1963, un million de visiteurs se succèdent. Cette affluence rompt l’équilibre naturel de la cavité et l’on voit apparaître dès 1955, les premiers indices de dégradations des peintures : sur les parois apparaissent des algues et des bactéries. La présence de l’homme a pertubé l’équilibre thermique et environnemental du lieu.

La fermeture, pour préserver le site

Le 20 mars 1963, le ministre de la Culture de l’époque, André Malraux, fait fermer la grotte. Il faudra des années pour enrayer le processus de dégradation et retrouver des conditions favorables à la conservation. Depuis près de vingt ans, un conseil scientifique a été mis en place et veille à la préservation de la cavité. Les visites de la grotte originelle ne sont guère possibles et réservées à quelques rares scientifiques ou experts. A fin de répondre à la demande du public de mieux connaître Lascaux, un premier projet de fac similé est lancé au début des années 1970, mais il est arrêté faute de financements.
En 1978, le conseil général de la Dordogne décide de racheter le site et les travaux reprennent. De nombreux peintres et plasticiens sont chargés de sa réalisation. Le 18 juillet 1983, le premier touriste pénètre dans Lascaux II, qui ne représente qu’une partie de la grotte. C’est en fait la copie exacte des deux salles principales de Lascaux. Elle contient 90% des peintures de Lascaux. Depuis juillet 1983, plus de dix millions de visiteurs ont pénétré dans Lascaux II. Aujourd’hui, malgré l’ouverture de Lascaux IV en décembre 2016, le site, géré par la Sémitour, se visite toujours et réalise en moyenne 60 000 entrées par an. Un billet couplet avec Lascaux IV ou le Thot est proposé. A partir des années 2010, les élus du département de la Dordogne souhaitent aller beaucoup plus loin avec l’émergence des projets d’exposition itinérante et du futur centre international d’art pariétal. 

Lascaux III est un concept d’exposition itinérante dans les grands musées du monde entier. L’idée de départ était de proposer au public qui n’aurait pas l’occasion de venir séjourner en Dordogne, des répliques grandeur nature et fidèles de la grotte  en faisant appel aux technologies les plus avancées. Lascaux III propose sur 800 m2  la reconstitution de la nef de Lascaux et du puits en cinq fac similés associés à des dispositifs multi-médias. Un des objectifs est de susciter l’émotion des visiteurs, de faire prendre consience au monde de cet héritage de l’Humanité.
Depuis octobre 2012, date de son lancement à Cap Sciences à Bordeaux, l’exposition a voyagé à travers le monde, En France, au Japon, aux Etats-Unis, Canada. Actuellement, elle a été stoppée en Italie en raison du Coronavirus. Les fac similés devraient être visibles à Casablanca au cours de l’année 2021. Une reflexion est en cours sur son devenir : on s’achemine vers une visite plus virtuelle, notamment pour des raisons logistiques en raison du contexte sanitaire. Cette option réduirait de douze à trois le nombre de containers pour le transport. 

La scène du puits
Lascaux IV, une expérience inédite

Depuis le 15 décembre 2016, le public peut découvrir l’intégralité de la grotte de Lascaux reproduite à l’identique grâce aux nouvelles technologies de l’Atelier des Fac-Similés du Périgord (AFSP). Il aura fallu un peu plus de deux ans et demi de travaux pour un montant de 57 millions d’euros, pour que les visiteurs puissent entrer dans le centre international d’art pariétal à Montignac. D’emblée le public est mis en condition : à l’intérieur, la température est celle de la grotte. Le visiteur s’imprègne du contexte climatique de Lascaux, puis le visiteur entame un parcours en pente douce, suivant l’inclinaison de la toiture. Il déambule en plein air en lisière de forêt, jusqu’à atteindre l’entrée du fac similé. Il fait légèrement humide, plutôt sombre. Et là au fur et à mesure que l’on avance, on découvre la célèbre salle des taureaux (que l’on peut voir à Lascaux II), la frise des cerfs, les bisons adossés .. On chemine dans le diverticule, le passage, l’abside, et enfin la nef. Sous nos yeux, les aurochs sont plus vrais que nature. 600 peintures et 1500 gravures ont ainsi été reproduites. L’expérience est inédite. Le site géré par la Sémitour accueille 380 000 visiteurs annuels : « cette année, le contexte sanitaire a occasionné une période de fermeture et une nouvelle organisation. Nous avons tenu à marquer le coup du 80e anniversaire en faisant un focus sur les quatre découvreurs de la grotte, lors de la visite. L’événement aurait été tout autre sans la crise sanitaire », précise André Barbé, le directeur général de Sémitour

Le 80e anniversaire, samedi

Le 70e anniversaire de la grotte de Lascaux avait été marqué il y a dix ans par la venue de Président de la République en septembre 2010, Nicolas Sarkozy. François Hollande était venu inaugurer le centre international d’art pariétal en décembre 2016. Cette année, pas de visite présidentielle, même si le locataire de l’Elysée a été invité par le maire de la commune. L’association Culture et découverte Lascaux, présidée par Thierry Félix, a préparé un programme réduit. Samedi, le public pourra arpenter le nouveau sentiers des découvreurs,  à partir de 10 heures et de 14 h 30 au départ de la place Léo-Magne. Sur les 12 stations, des codes permettent de déclencher la lecture de documents et d’informations sur les smartphones. Le parcours, long de 4,5 km, part de la vieille ville, passe par Lascaux IV, Lascaux II, devant la grotte d’origine puis près du Regourdou avant de revenir vers le centre. L’appel à témoignages lancé en début d’année via les médias a permis de récolter des éléments qui complètent l’aventure. La mémoire sensible de Lascaux collectée tous azimuts fera l’objet d’un accrochage de photos géantes samedi à 17 h dans le centre de Montignac, place Léo Magne, à la manière du projet Inside Out du plasticien des rues JR.

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