Entre les lignes : « Michel Serres, la sage-femme du monde »


Editions Le Pommier
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Temps de lecture 2 min

Publication PUBLIÉ LE 09/06/2016 PAR Aude Le Gentil

Né à Agen en 1930, Michel Serres a fait ses classes à l’Ecole Navale avant de rentrer à l’ENS de la rue d’Ulm en 1952. Il est agrégé en philosophie en 1955. Serres a servi comme officier de marine puis a enseigné la philosophie, en France et à Stanford aux Etats-Unis. Il est l’auteur d’une œuvre abondante, une quarantaine d’ouvrages publiés. Il a notamment anticipé, dès les années 1960, la fin de l’ère industrielle et l’avènement de celle de la communication, théorie réactualisée en 2012 avec Petite Poucette, où il s’interroge sur la révolution numérique.

Qu’on se le dise d’emblée, cet ouvrage ne résume pas les principaux traits de la pensée de Michel Serres. Un néophyte comme l’auteure de ces lignes n’apprendra pas ses théories et réflexions. Il n’est ni une biographie, ni un abrégé mais plutôt une invitation. Patrick Rödel ne s’en cache pas, son essai naît d’une admiration, d’un désir de replonger dans les livres de Serres. Pour une analyse plus fine et contrebalancée, le lecteur gagnera à lire Serres et les interprétations qui ont été faites.

L’ouvrage s’articule entre, d’un côté, Serres écrivain, et de l’autre Serres philosophe. Ce qui transparaît dès les premières lignes, c’est l’amour que portent tant Michel Serres que Patrick Rödel aux mots, à leurs multiples significations. Cet essai plaira donc aux amoureux de la langue française, de ceux qui aiment les bizarreries de la grammaire, qui aiment remonter l’arbre généalogique d’un mot. Pour alimenter son vocabulaire extrêmement riche, Michel Serres va puiser dans son passé d’officier de marine et dans le lexique scientifique. Il se plaît à dénicher de vieux mots oubliés, comme d’autres partiraient à la recherche d’un trésor. Rödel les regroupe dans un « gloserres ». Il y ajoute ces « mots-carrefour », d’apparence simple et pourtant chargés de sens.

L’essai a le mérite d’être clair, concis et de s’adresser à tous. Derrière la plume de l’écrivain Rödel, on sent sa casquette de professeur. Rödel situe l’œuvre de Serres dans l’histoire de la pensée philosophique. Il en profite pour s’interroger sur ce qu’est être philosophe et ce qu’est la philosophie. De même, il situe Serres par rapport à ses contemporains, partagés entre marxisme et existentialisme. Serres lui trace sa propre voie, il ne cherche pas une filiation à une quelconque école ou doctrine. De même, il s’affranchit des contraintes académiques. De quoi déconcerter ses confrères, qui le critiqueront souvent. Au passage, Rödel tacle avec humour les tenants de la philosophie académique, enfermés dans leur tour d’ivoire, quand Serres est un « philosophe de plein air » ancré dans la réalité. Il cherchera aussi toute son œuvre durant à rapprocher philosophie et sciences exactes. Mais surtout, Serres, contrairement à ses pairs, ne s’est pas spécialisé et a abordé tous les sujets. Il n’a pas renoncé à une ambition, celle de produire une vision du monde exhaustive et cohérente.

En résumé, un livre qui surprend malgré un sujet qui peut sembler difficile d’accès, mais qui ne se suffit pas à lui-même.

« Michel Serres, la sage-femme du monde », de Patrick Rödel, Editions Le Pommier, 2016, 16 euros.

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