Entre les Lignes: « STIGMATES », Chloé Alifax.


Stéphane Million éditeur, Plaisirs de Myope tous droits réservés
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Temps de lecture 2 min

Publication PUBLIÉ LE 22/07/2012 PAR Anne Duprez

Au début – pourquoi le cacher ? – on a du mal. Pourquoi le cacher, oui j’assume,  car si on a du mal, à trouver son chemin au travers des mots hachés, en suspension, ou parfois comme bégayés, c’est parce que Louise a du mal. Beaucoup de mal à se rétablir, se remettre debout, avancer.  A chaque fois qu’elle se heurte à une réalité qui la submerge, Louise tombe. Ses jambes se dérobent sous elles, la lâchent, la forçant à s’arrêter sur ses démons, décrypter les injonctions de sa voix intérieure, les images d’un passé kaléidoscope où s’insinue un présent pas moins chaotique, et cachotier. Louise a des secrets qu’elle cache aux autres, ses parents,  mais qu’elle se cache avant tout beaucoup à elle−même. Elle se résiste, combat et capitule, prend coup sur coup, en rend quelques uns, dans une ronde sur elle−même, une valse tour à tour diabolique et calme, un retour sur elle−même et sur les autres, sa mère, son père, le noyau construit puis un jour rongé par les pépins.  

«  Après deux ans d’absence » nous dit la quatrième de couverture, « Louise Lokart, auteur d’un unique roman, retourne chez ses parents. Sa mère vient de tirer au fusil de chasse sur son père à cause d’une autre femme. » Voilà, oui, c’est exactement le début de l’histoire. C’en est aussi le cœur, et la conclusion. Sans doute parce que le vrai but de cette histoire n’est pas la narration des faits mais leur relation, leurs imbrications et surtout, leurs conséquences. Chloé Alifax constate un sinistre et tente d’en décrypter, au plus juste, les dégâts et leurs corrélats.  Ces stigmates sur la peau, l’âme et l’esprit qui sont autant la marque du mal que les signes d’un état qui évolue, se transforme et ouvre vers autre chose. L’engrenage a dérapé, il tourne malgré tout, s’arrête, grince, hurle, s’apaise parfois.  Ni les maux ni les mots ne se révèlent jamais tout entier, ils sont les fragments de vie des personnages qui s’entrechoquent, et une vraie proposition d’écriture.

Alors oui on peut se dire « je me perds », mais c’est parce que c’est très justement l’autopsie d’une perte que nous décrit, au plus près, Chloé Alifax. La perte et ses multiples avatars, ses multiples tentatives pour baliser différemment le chemin. Louise maquille sa vie en choisissant sciemment un mot pour en dire un autre, sa mère colore sa colère des teintes ambrées, limpides ou sombres du vin dont elle s’assomme. Et soudain une autre route se révèle, inattendue. Et soudain celle-ci s’arrête, creusée d’un abîme nouveau, et soud… Chloé Alifax fait dire à Louise, en parlant de sa mère « Nous sommes liées par… nos incertitudes ». Voilà, c’est tout à fait ça. On se perd, on se retrouve, on tombe, on se relève, on avance, les stigmates sont des traces, des pas, des signes, des points de suspension au dessus du vide et pourquoi pas, peut−être… des prom… des promesses.

STIGMATES, le nouveau roman de Chloé Alifax, Stéphane Million éditeur 2012.

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