Entretien avec Philippe Couderc : les labels indépendants, Hadopi et la crise du disque.


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 18/06/2009 PAR Thomas Guillot

En avril dernier, à l’occasion du printemps de Bourges, la FEPPIA (Fédération des Éditeurs et Producteurs Phonographiques Indépendants d’Aquitaine) et la CD1D (Une fédération de cent labels indépendants de France), lancent un appel aux structures indépendantes : Hadopi, la culture sacrifiée. Très vite, le texte, repris notamment par Libération et Télérama, a reçu le soutien de nombreux autres labels indépendants, mais aussi de maisons d’éditions, d’artistes, de labels plus importants, de syndicats… « On n’est pas allé à la pêche aux signatures parce que les ralliements spontanés étaient largement suffisants. » L’événement est de taille, puisqu’il s’agit de « la première irruption au niveau national des labels indépendants dans le débat ».

Une troisième voix
Quand on lui demande comment il voit la récente censure du volet répressif de la loi Hadopi (celui consistant à couper l’accès internet à l’internaute récidiviste), le patron de Vicious Circle répond que c’est « un énième rebondissement qui n’étonne personne ». Ce qui l’inquiète plus, c’est la nature du débat qui a entouré toute la loi. « L’objectif étant de répondre à un problème d’ordre général (baisse du marché, piratage), parler que d’Internet ne résoudra rien. Le problème est global ». Et c’est pour cela que les labels indépendants ont lancé leur appel. « On a une autre voix à faire entendre, pouvant intéresser beaucoup de monde qui ne se retrouve pas dans le discours très réducteur des majors. Où l’internaute est un pirate qu’il faut le sanctionner. Même si basiquement, je peux être d’accord là dessus. S’il y a une règle et qu’elle est enfreinte, il doit y avoir sanction. Et de l’autre côté, il y a des associations d’internautes comme La Quadrature du Net ou des associations de consommateurs comme Que Choisir qui ne connaissent pas le monde de la musique. C’est pour ça qu’ils ont très peu d’artistes et de producteurs à leurs côtés. Deux camps qui se balancent les mêmes arguments depuis des années, ça ne peut aboutir à rien. Notre ambition est de pouvoir représenter une troisième voix ». Une voix plus modérée, préférant la prévention et le dialogue à la répression de l’internaute mais qui va tout faire pour améliorer les droits de ce qui font la musique en France.

Les artisans de la musique
Au niveau politique, les labels indépendants n’existent pas. Et si Philippe Couderc se contente de dire que « les socialistes on fait leur travail d’opposition » quand on lui parle du débat parlementaire, c’est parce qu’il regrette que le manque d’organisation ait empêché les députés de se se renseigner auprès d’eux. « Avec la FEPPIA, si on est structuré c’est parce qu’il y a un conseiller régional qui s’appelle Frédéric Vilcoq, délégué à la culture auprès d’Alain Rousset, qui s’est investi pour que cette fédération régionale voit le jour ». Mais il rajoute : « Il nous manque une structure nationale pour faire entendre nos propositions ».
La bonne réception du texte de la CD1D et de la FEPPIA a mis en confiance les petites structures. Le but étantde « faire prendre conscience que la diversité culturelle ne se limite pas aux quatre majors et aux huit gros labels. Derrière, il y a tout un tas de structures qui sont génératrices d’économie, d’emplois… Nous, les labels indépendants, même si on ne représente qu’une petite partie de la production musicale, on représente 90% de la diversité culturelle. Il y a plus de 600 labels indépendants et 3000 productions par an. En paraphrasant l’artisanat, on est presque la plus grande maison de disque de France. On se considère comme des artisans de la musique. » Vendre de la musique c’est un métier, et c’est donc autour de cette idée de profession, complètement « diabolisée » dans les débats récents, mais essentielle pour les artistes, qu’ils comptent se réunir.

L’avenir physique et numérique du disque
« Quel corps de métier ne se poserait pas de question quand il voit son chiffre être divisé par deux ? » En dehors Hadopi, la crise que traverse le disque est le chantier qui préoccupe le plus le président de la FEPPIA. Un problème complètement mis à l’écart du débat : « C’est une hérésie de dire depuis 2005 que le disque est mort. Comment on peut ne pas parler de ce qui représente 90% des recettes d’un label ? On ne se soucie que des 5% ou 10% ». Le téléchargement légal est donc beaucoup moins installé en France que dans les pays anglosaxons. Pour lui c’est principalement dû à un manque de respect à l’encontre du droit d’auteur : « Je crois qu’il y a beaucoup de gens qui ne prennent pas la mesure de ce qui se cache derrière un artiste, ce que cela représente en terme de travail, d’investissement, voire de sacrifice, en temps et en argent. La musique est un bien matériel, il faut la composer, l’enregistrer, la produire ». Le changement de support ne fait pas disparaître les droits liés au contenu musical.
L’avenir, Philippe Couderc ne l’envisage pas. Des labels vont disparaître, faute de moyens, de soutien et de réseau de distribution : « En France il n’y a que trois plateformes pour le numérique (iTunes, Fnac Music et Virgin) et on commence déjà à assister à des refus de distribution. A cause du manque de place sur les serveurs, parce que la bande passante coûte chère… Des fichiers qu’ils vont distribuer à quarante, cinquante, voire deux cents exemplaires, ça ne les intéresse pas ». Dans une industrie en crise, touchée à tous les niveaux, les labels indépendants devront réagir pour survivre.« On travaille sur la création une plateforme qui sera opérationnelle fin 2009 et qui va permettre à tous les labels indépendants de la FEPPIA de proposer leurs oeuvres et leurs catalogues en numérique ». Une initiative qui servira d’exemple aux autres fédérations régionales et qui promet beaucoup de travail en perspective.
Et s’il avait un souhait à formuler ? « Je pense qu’en travaillant sur la qualitatif, ce qui est toujours plus cher et plus long, on arrivera à faire changer la perception que le public peut avoir de l’artiste et du producteur, et à restaurer le respect dû aux artistes ».

Thomas Guillot

Plus d’infos sur le site de la FEPPIA et de Vicious Circle

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