Fin de saison au TnBa : retour sur neuf mois d’une saison en prise avec le monde


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 19/06/2008 PAR Joël AUBERT

Qu’en a t’il été de toutes ces promesses au cours de ces quelques mois passés, tapis dans une des trois salles obscures du Centre Dramatique National. A t’on perçu le monde dans toute sa complexité au travers de la quarantaine de spectacles de danse, théâtre, cirque, musique… présentés ? Et au delà du discours, a t’on retrouvé une exigence artistique qui, la saison passée nous avait parfois cruellement manqué.Retour sur une saison de théâtre.

« Novart» et « Les nouveaux Aquitains », deux rendez-vous disparates

« Novart» et « Les nouveaux Aquitains », deux rendez-vous pour deux moments incomparables. Le premier, divisé en deux cycles consacrés au théâtre du Moyen-Orient et aux nouveaux saltimbanques, nous offrait un florilège de pièces précieuses, tissées dans les plus belles étoffes théâtrales, d’une finesse et d’une sensibilité rarement égalées. L’excellent « Si loin, si proche : Iran/Liban/Tunisie » , interrogeait avec acuité une création contemporaine peu connue en France et invitait quelques représentants de cette scène à s’exprimer librement tels Fadel Jaïbi, Amir Reza Koohestani et Rabih Mroué. Signe des temps et intérêt de ces rencontres passionnantes, ce dernier, homme de théâtre libanais, nous confessait quelques semaines avant le début d’une nouvelle guerre civile, son inquiétude quant à l’instabilité politique de son pays. Véritable figure de l’engagement artistique, on le retrouvait quelques mois plus tard aux côtés de Catherine Deneuve, dans le film « Je veux voir », semi-documentaire sur le conflit libanais présenté à Cannes cette année. De cette quinzaine on garde également un vif souvenir du Boudu, présenté dans le cadre des « Nouveaux Saltimbanques ». Campé par le talentueux Bonaventure Gacon, cet auguste bourru nous rappelait avec tendresse et ironie que la réalité rattrape souvent la fiction et que Les enfants de Don quichotte ont encore du souci à se faire. Si les saveurs orientales et clownesques ont été délectables, du côté de l’Aquitaine en revanche, on peut dire que le cru était mauvais (un comble). Peu ou pas de révélations sur cette session dédiée aux « nouveaux » contemporains aquitains, ce qui ne les a pas empêché de continuer leur bonhomme de chemin. Signalons tout de même la présence de Frédéric Maragnani au théâtre de l’Odéon la saison prochaine. En espérant que 2008/2009 nous ouvrira les portes d’une création régionale plus fertile…

Un florilège de grands noms pour 50% de joies et de déceptions

Qui a peur de la représentation ?Le TnBA pourra se targuer encore une fois d’avoir affiché quelques uns des grands noms du théâtre contemporain européen à son palmarès. Français, Anglais, Allemands, Espagnols, Suisses… se sont relayés durant ces quelques mois pour nous faire partager leurs visions respectives de la création contemporaine et de l’Europe (géographique) d’aujourd’hui.
À commencer par le plus britannique d’entre tous, Declan Donellan qui, avec sa sobrissime « Andromaque » laissait une vague impression de trop peu, à un frôlement de l’instant gracieux. Des déceptions, il y en a eu, certaines plus cruelles que d’autres car plus attendues : « On n’oublie pas » d’Hamid Ben Mahi, « L’Oratorio D’Aurélia », « Le Russe sans douleur », « Sombrero » (terrible sombre héros…) de Philippe Découfflé, « Bérénice » de Martinelli. Par chance, celles-ci ont pu être compensée par d’autres beaux moments de théâtre ou de danse, dont on préférera parler. On pense notamment à la venue de Joël Pommerat et de son théâtre sociétal tout en clair obscur. Maîtrisant parfaitement l’art du récit pour adultes, il nous ouvrait à nouveau la voie de la création jeune public avec un éclatant « Pinocchio ». Le duo Françon-Bond avec son théâtre d’anticipation a su révéler sur scène l’angoisse d’un monde déshumanisé comme seule la littérature avait pu le faire jusqu’ici. Thomas Ostermeier , grand maître du théâtre allemand présentait une « Hedda Gabbler » magistrale et glaciale tandis que Jean-François Sivadier faisait appel à l’énergie renversante de sa troupe pour interpréter un « Roi Lear » décapant, véritable performance théâtrale dans laquelle excellaient Nora Krieff et Nicolas Bouchaud. Comment ne pas citer la venue du plus ingénieux metteur en scène suisse, Stefan Kaegi qui avec son « Mnemopark » et son « Cargo Sofia-Bordeaux » réussissait le tour de force de mêler, au quotidien désuet et atypique de maquettistes ou de routiers bulgares, l’actualité géopolitique. Nous faisans profiter en prime, d’une ballade en camion bourrée de charme et de fantaisie dans les zones industrielles de Bordeaux. Enfin, parce qu’il ne faut pas sous-estimer les bienfaits de la danse, même confortablement installé dans un fauteuil, on saluera la pétillante « Sinfonia Eroïca » de Michel Anne de Mey qui nous aura insufflé la joie de vivre et l’insouciance à grands coups de batailles d’eaux et d’échappées sautillantes. Et l’on se souviendra de l’ironie triviale de Catarina Sagna qui avec son « Basso Ostinato » nous offrait une danse de la déliquescence plus que douteuse mais franchement réjouissante. A ce jour, une seule question reste en suspens, celle de « Ni le Soleil ni la mort… » dernière création de Dominique Pitoiset, qui après trois semaines d’entraînement sur les planches de la salle Jean-Vauthier part en tournée pour s’affiner et s’affirmer. Espérons qu’elle aura le loisir de se bonifier avec le temps, à l’image de ce liquide qui fait la fierté de l’Aquitaine.

Une interrogation sur la marche du monde
Pour résumer aura t-on eu le droit à une saison toute en nuance, en prise avec le monde et ses aléas, propre à passer du singulier à l’universel ?Au sortir de 9 mois de représentations tout azimuts,le pari semble accompli, en tous les cas sur le plan du discours. Car si la forme a parfois manqué sa cible, ce n’est qu’une question de logique. Comment apprécier l’intégralité d’une programmation lorsqu’on connaît l’inconstance de l’être humain et les disparités de sensibilité de chacun. Alors, estimons nous chanceux d’avoir trouvé dans quelques morceaux de pièces ou dans quelques pas de danse un instant de bonheur, une émotion ressurgie du tréfonds, un malaise ou une interrogation supplémentaire sur la marche du monde. Et rendez-vous en octobre, pour bousculer à nouveau notre sens commun et attraper au passage un wagon de la création.

Hélène Fiszpan
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