Franck Dubourdieu: Les Grands Bordeaux ont un terroir

Franck Dubourdieu l’écrit dans l’avant-propos de la nouvelle édition de son ouvrage, la quatrième : » Depuis 2000, j’ai l’avantage d’être libre de toute attache envers quelque pouvoir que ce soit. » Un préambule que nous aimons particulièrement évoquer ici. Quant à la méthode qui préside à son travail, celle d’un homme qui se définit comme « oenologue indépendant, ingénieur agronome, médecin et… bordelais », elle n’a pas varié d’un pouce. Et c’est ce qui donne tout son prix et son crédit aux notes publiées. Franck Dubourdieu déguste, « au moins un jour sur deux », de préférence à son domicile, des séries d’échantillons, selon d’une part une approche dite « horizontale », c’est à dire de plusieurs crus d’une même AOC, dans le même millésime et, d’autre part, des séries selon l’approche « verticale », c’est à dired’un même cru, de millésimes différents dans les plus grands châteaux. Ce n’est qu’ensuite, après avoir recoupé ses propres jugements avec ceux d’autres dégustateurs et goûté, plusieurs fois, le même vin, en bouteiille, et seulement en bouteille, qu’il accorde sa note sur 100 (1) et ose avancer la longévité du millésime! Une ascèse, en quelque sorte, et un guide qui reste une référence pour les professionnels et, en premier lieu, pour tous ces amoureux des grands vins de Bordeaux…à condition qu’ils puissent se les offrir.

Vive les seconds vins !

Un défi souvent insurmontable comme le suggérait notre confrère Didier Ters, en présentant dans le cadre de la librairie Mollat, l’auteur et son ouvrage. Franck Dubourdieu n’en disconvient pas :  » la menace est réelle car ces vins sont de plus en plus des objets de luxe ». Faut-il pour autant désespérer des Grands Bordeaux, ou se faire inviter par une institution vénérable qui disposerait d’une cave royale? L’auteur nous recommande les seconds vins dont il assure que la qualité, dans les grands millésimes récents, tutoie celle des premiers vins. Premier conseil: il faut acheter des seconds vins de 2005. Second conseil: ne pas décanter les vins très vieux, de ceux par exmple dont le niveau dans la bouteille atteindrait « l’épaule ».

Pas de grand vin sans terroir

Invité à répondre à la question si souvent posée du terroir qui ne serait pas aussi décisif pour la qualité d’un vin, Franck Dubourdieu n’en démord pas : « pas de grand vin, apte à vielllir qui ne soit le fruit d’un terroir ».Dès lors, point besoin de s’apesantir pour savoir ce que le passionné des terroirs pense des vins, ceux dits du nouveau monde : « Du chardonnay il y en a partout dans le monde mais quels vins peuvent rivaliser avec les grands Montrachet? » Voilà qui est dit et le clou est enfoncé: » tous ces terroirs n’ont pas de cépages; ils n’ont que les nôtres… » Alors, après cela, que ces vins  » technologiques » se mettent au goût du consommateur du jour, force copeaux, au lieu des barriques, ce n’est pas très grave. Comprenons que les Grands ne doivent pas boire de ce bois-là!

Joël Aubert

1 – L’échelle de notation de Dubourdieu repose sur une base d’évaluation large, partant de 68/100 pour un »bordeaux de base » pour atteindre 100/100 accordée à la bouteille « de légende ». (www.franckdubourdieu.com)

Quelques notes dans le 2003

ROUGES: Cos d’Estournel: 97/100; Montrose: 97/100,Château Ausone : 96/100;Latour: 96/100; Margaux: 95/100, Calon-Ségur: 95/100; Mouton-Rothschild: 95/100; Petrus: 95/100… mais aussi de très jolies notes pour les seconds vins

BLANCS: (secs) Haut-Brion: 98/100 ; Laville-Haut-Brion: 96/100; Aile d’Argent: 93/100…(liquoreux) Yquem: 99/100; Suidiraut 98/100; Climens: 97/100; Clos Haut-Peyraguey: 96/100; Doisy-Daëne, Rayne-Vigneau, La Tour-Blanche, Guiraud: 95/100.