Goya graveur aux Beaux-Arts


Alix Fourcade
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 23/05/2019 PAR Alix Fourcade

Mondialement connu pour ses peintures, à l’image du « Tres de mayo » (« Trois mai »), cette célébrissime huile qui célèbre la résistance espagnole en 1808, Goya l’est un peu moins pour ses gravures. Dans le cadre de la Fête nationale de l’estampe, qui se tiendra le 26 mai à Bordeaux, le musée des Beaux-Arts a voulu présenter une autre facette du peintre officiel de la Cour du Roi d’Espagne Ferdinand VII : Goya, graveur.

Trente-neuf gravures, issues des séries « Caprices » (1797-1799), « Désastres de la guerre » (1810-1820) et « Disparates » (1816-1823), ont été sélectionnées par la Chalcographie Nationale de l’Académie des Beaux-Arts de San Fernando à Madrid, parmi la collection de l’Instituto Cervantes de Madrid, pour cette exposition. La chalcographie est l’art de la gravure sur cuivre. Le musée des Beaux-Arts de Bordeaux, qui possède pourtant une quinzaine de gravures de Goya, n’expose qu’un seul élément de sa collection personnelle dans cette rétrospective : un portrait du peintre réalisé par Pierre-André Brouillet, d’après celui de Vicente Lopez Portaña, en 1894.

Portrait de Goya par Pierre-André Brouillet

Zoom sur les visages

Les visages constituent le nœud de « Goya physionomiste ». Chaque gravure exposée s’accompagne d’ailleurs de plusieurs agrandissements photographiques de têtes. Et pour cause, Goya s’appuyait sur des textes de physiognomonie pour leur réalisation. Cette science, inspirée des Grecs comme Aristote, détermine le caractère d’une personne en se basant sur les traits de son visage. Au XIXe siècle, cette théorie revient à la mode et figure dans plusieurs recueils notoires, comme l’encyclopédie de Moreau de la Sarthe (1806-1809). 

Des oreilles poilues, comme celles de loups, des gueules déformées, aux faux airs de méduse. Les personnages ont plus des têtes de gargouille que de personnes normalement constituées. « Le visage goyesque est empreint d’une certaine brutalité, dans le sens où il n’occulte pas les sentiments », explique Juan Bordes, directeur de la Chalcographie Nationale de Madrid et commissaire de l’exposition.

Maladie mentale et humour

En suivant les textes de la physiognomonie, Goya se concentre à établir des parallèles entre l’humain et l’animal, comme dans « La farandole de charlatans », où les hommes ont des têtes de loup. Goya déforme aussi les faces affectées par les maladies mentales et a recours à la caricature. Dans la série « Disparates », un homme effaré a la tête qui bouge si vite que trois têtes sont dessinées au départ de son cou.


Gravures de la série  

L’humour fait partie intégrante de ces gravures, comme dans cette estampe de la série « Caprices », où un personnage squelettique allume une torche grâce à la flatulence qu’un enfant laisse échapper dans ses bras. Difficile de ne pas penser au graveur Philippe Mohlitz ici, qui faisait l’objet de la rétrospective du musée des Beaux-Arts pour la Fête de l’estampe de l’année dernière, et qui avait aussi recours à ces procédés d’humour, teinté d’une pointe morbide.

Des œuvres plus démocratiques

« La gravure était la plus démocratique des œuvres d’art, elle pouvait être reproduite en centaines d’exemplaires », explique Juan Bordas. Même si sa diffusion rencontre quelques difficultés avec l’Inquisition qui règne à l’époque, les gravures de Goya ont certainement plus voyagé que ses peintures. « Pour un premier tirage de la série « Caprices », il y avait déjà 200 exemplaires, pour vous donner un ordre d’idée », ajoute le commissaire de l’exposition. 

L’instituto Cervantes de Madrid possède l’intégralité des cuivres des gravures de Goya, mais ne les utilise plus pour faire de nouvelles copies aujourd’hui. « Demandez-moi de vous citer quatre grands noms de la gravure, je vous dis, sans hésiter : Dürer, Rembrandt, Picasso et Goya. Pour la peinture, Goya ne fera pas forcément partie des quatre meilleurs », s’amuse Juan Bordas. « Goya physionomiste » fait donc sa première étape à Bordeaux, ville qui a vu mourir l’artiste, jusqu’au 26 septembre, avant de partir voyager ensuite ailleurs.

Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
On en parle ! Gironde
À lire ! CULTURE > Nos derniers articles