Journal d’un monstre: une pépite jeune public au Glob Théâtre


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 05/04/2009 PAR Hélène Fiszpan


Une re-création bienheureuse

« Journal d’un monstre » est la première adaptation théâtrale de la nouvelle de Matheson. Une belle intuition pour la metteuse en scène qui n’avait jamais oublié cette lecture faite à l’âge de 15 ans. Créée une première fois en 2002, la pièce avait dû arrêter de tourner pour des questions logistiques, un décor beaucoup trop lourd à monter et trop onéreux. Pourtant apprécié du public et des professionnels, le monstre s’en était retourné à sa cave, patientant tranquillement jusqu’à sa ressortie publique en 2008. Une libération qui en valait la peine, n’était-ce que pour apprécier le travail de matérialisation du texte, cette mise en espace issue de l’imagination fertile de Florence Lavaud et de ses collaborations très réussies avec le comédien Karim Kadjar et l’équipe de création lumière, musique, costumes et accessoires. De cette cohésion artistique est né un joli monstre, un pied de nez aux gardiens de la fiction, tortionnaires voulant enfermer leur étrangeté à triple tours alors que celui-ci gagnait à être exposé. Une aventure littéraire et artistique également, pour une nouvelle figée sur papier dont l’auteur n’aurait jamais imaginé la voir un jour portée à la scène.

Une mise en scène aux confins de l’étrangeté
Il faut admettre que le spectacle vivant a toujours été téméraire en matière de jeune public. Prompte à créer des univers plus fantastiques que magiques, il en résulte souvent une production exigeante et inattendue, dans laquelle le monde de l’enfance sort des sentiers battus pour proposer une dimension impalpable entre le réel et l’imaginaire. Un entre-deux pouvant être quelquefois dérangeant et effrayant, se propageant par touches finement disséminées mais jamais gratuitement. Le « Journal d’un monstre » est de cette veine là, de cette facture troublante qui porte sur scène le cauchemar humain, ici sous la forme d’un être monstreux. Remarquable lorsqu’on y réfléchit de plus près car se faisant par le biais d’artifices artisanaux et desuets comparés à l’artillerie lourde de l’industrie cinématographique. C’est là toute l’ingéniosité de cette mise en scène qui met à profit les outils dont elle dispose pour en tirer le meilleur d’eux- mêmes. S’appuyant sur le jeu du comédien toujours juste dans l’hystérie, la monstruosité ou l’enfance, chaque mouvement est interrogé pour faire progressivement de cet être le monstre qu’on veut qu’il soit. Chaque paragraphe de cette micro nouvelle est revisité sous le prisme de créateurs qui réunissent leur technicité pour donner vie aux silences entre les mots, pour donner l’illusion d’un soir de pluie ou d’un bruit de chaine. Une immersion totale dans cette cave de la honte qui cache en son sein un personnage de fiction rappelant par bien des façons certains faits divers plus contemporains.

Monstre de science-fiction ou monstrueuse humanité?
« Aujourd’hui maman m’a appelé monstre … Je me demande qu’est-ce que c’est qu’un monstre. » C’est sur ces mots que débute la pièce et c’est bien-entendu sur ces paroles que jouera le propos. Enfermé par ses parents à la cave, ce qui était un petit garçon de huit ans se transforme bientôt en monstre, confronté à l’hostilité extérieure. La question se pose, éclatante de sincérité car transposée dans la bouche d’un enfant malgré tout: qui est le véritable monstre dans cette histoire ? Peu de mots pour le dire mais un sens du phrasé et de la situation qui imposent l’ambiguïté et la dualité. Dans cette cave le temps de la lecture s’étire en habitant le personnage et les lieux, le sens de la nouvelle s’incarne en trois dimensions. Effaçant toute trace de naïveté, la mise en image est parlante et pleine d’enseignements. Le théâtre fantastique au service d’une parole individuelle et collective, certains auteurs tels qu’ Edward Bond y avaient déjà pensé … ici adapté pour le jeune public il se révèle être une évidence. Saluons dès lors le talent de Florence Lavaud, celui d’avoir su déceler dans cet écrin de texte une matière théâtrale féconde. Plus proche d’un laboratoire qu’une scène desordonnée, sa compagnie le « Chantier-Théâtre » scrute avec vivacité et sensibilité le monde de l’enfance dans le but avoué de provoquer des expériences visuelles au service du geste et de la parole. Et c’est avec élégance que l’alchimie s’opère, convoquant sur le plateau l’esprit de Matheson allié au savoir-faire d’une ordonnatrice de rêve éveillé, à l’imaginaire théâtral bien aiguisé.

Hélène Fiszpan

Journal d’un monstre mise en scène par Florence Lavaud, tiré de la nouvelle de Richard Matheson.
Au Glob Théâtre jusqu’au 10 avril. Renseignements et réservations: 05 56 69 06 66 / http://www.globtheatre.net/

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