Journées du patrimoine : à la découverte de l’orient de Guillaumet


Anne-Lise Durif
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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 12/09/2018 PAR Anne-Lise Durif

C’est une histoire rocambolesque qui est à l’origine de cette exposition. « A la base, le musée s’est constitué autour de l’œuvre d’Eugène Fromentin, un peintre orientaliste né et mort à La Rochelle », raconte la conservatrice Annick Notter, « Le musée s’est donc doté d’une collection d’œuvres orientalistes, dont deux œuvres majeurs de Gustave Guillaumet, un des artistes les plus emblématiques du genre. Un jour, un de ses descendants nous a contacté. Il avait vu nos tableaux, il nous a proposé de nous prêter ses collections. Il rêvait de voir un jour une rétrospective dédié au travail de son aïeul – il n’y a en avait pas eu une seule depuis 1899 ! ». L’équipe du musée décide de relever le défi. Une tâche ardue, les œuvres de Guillaumet étant disséminées entre plusieurs musées français comme Orsay ou Limoges, des collections privées et des musées nationaux algériens. Au cours de ses recherches, le musée retrouve la trace de La Famine, sans conteste l’œuvre la plus forte de Guillaumet, réalisée vers 1868.

Un tableau trop politique pour son temps

La Famine, détailsAvec La Famine, Guillaumet veut susciter la compassion. Ici, un détail de l’oeuvre.

A l’inverse de ses contemporains qui montrent un orient très chamarré et fantasmé, Guillaumet livre une vision très crue des réalités. Avec ce La Famine, il dépeint trois ans d’une grave famine en Algérie, conséquence de la colonisation et de la confiscation de terres arables aux tribus nomades au profit des colons. « Gustave Guillaumet peint ce grand tableau de 3,20 par 2,34 mètres avec les codes de la peinture d’histoire (1), à la manière des Scènes de massacre de Scio de Delacroix qu’il admire. Révolté, il veut indigner le public et susciter sa compassion », explique Annick Notter. A cause de sa forte connotation politique, le tableau fut mal reçu à sa présentation au Salon de 1869, jugé trop violent par la presse comme par le public. A la suite de cette expérience, Guillaumet abandonna définitivement la peinture d’Histoire pour se consacrer davantage à la peinture de genre. « Il s’attache dès lors à peindre des scènes des vies quotidienne des Algériens et réussi à se faire accepter jusque dans l’intimité des foyers, qu’il peint avec beaucoup d’empathie », poursuit la conservatrice. Il est le seul peintre l’époque à rentrer ainsi dans le quotidien des Algériens.

De Constantine à La Rochelle

A la mort de la veuve de Guillaumet, le tableau fut légué au musée d’Alger… Mais c’est dans les réserves du musée de Constantine qu’il est finalement retrouvé en 2014. Pour le musée des Beaux Arts de La Rochelle s’ensuivent alors des mois de rebondissements et de complications administratives : l’équipe met un an à recevoir l’autorisation d’aller voir le tableau, puis 9 mois pour obtenir le droit de le restaurer, et enfin 4 autres mois pour le faire sortir du territoire. Il arrive finalement en France en décembre 2017, où il est immédiatement pris en charge par le restaurateur Christian Morin, à Bergerac, qui recolle les morceaux, le rentoile et le monte sur un nouveau châssis en aluminium.

Campement

Campement fait partie des autres oeuvres de Guillaumet visible dans cette exposition.

Entre temps, le musée et la ville de La Rochelle ont lancé une campagne de financement participatif en vue d’obtenir 24 000€ pour financer la restauration du tableau. L’opération est un succès. Elle permet de l’envoyer pour restauration de sa peinture chez Pascale Brenelli, une restauratrice agréée basée à Loix, sur l’île de Ré. Un travail minutieux de 5 mois que la restauratrice réussit à réaliser en quatre, pour le vernissage de l’exposition début juin. Un double coup de maître pour le musée des Beaux-Arts, qui réalise ici la toute première exposition monographique dédiée à Guillaumet depuis 1899. Son descendant n’aura malheureusement pas le temps de la voir, il décédera avant son ouverture. Mais l’énergie déployée par l’équipe du musée des Beaux Arts de La Rochelle aura finalement été payante, puisque l’exposition a pu bénéficier de prêts exceptionnels du musée d’Orsay. « Outre trois grands tableaux de Salon, une cinquantaine de dessins a fait l’objet d’un prêt après avoir parfois nécessité une restauration préalable, un montage et un encadrement », précise Annick Notter. Des collectionneurs privés, la ville de Brantôme, les musées de Lille, Pau et de Carcassonne ont également prêtés leur Guillaumet, dont certains sont exposés pour la première fois. La scénographie de l’exposition du musée des Beaux-Arts sera reprise et adaptée aux collections des musées de Limoges et de Roubaix, qui possèdent eux-mêmes quelques toiles de Guillaumet et/ou de peintres orientalistes.

(1) style de peinture très en vogue à l’époque qui consistait à peindre des événements historiques ou liées à l’Antiquité.


La Séguia - Guillaumet

Après La Famine, Guillaumet s’attache aux scènes du quotidien, d’abord en exterieur, puis en interieur, comme ici avec La Séguia.

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