Les secrets du procès Papon


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Temps de lecture 2 min

Publication PUBLIÉ LE 22/05/2018 PAR Bernard Daguerre

Ce qui frappe d’emblée, c’est la durée de la procédure : les premières plaintes sont déposées par G. Boulanger, en effet, en décembre 1981. La ténacité, le souffle et l’obstination de l’avocat aboutissent au procès 16 ans après ! C’est que Maurice Papon était un haut personnage de la Vème République : après une brillante carrière administrative (qui culmine avec les fonctions de préfet de police de Paris de 1958 à 1967), il est trésorier de l’UDR, le parti gaulliste, avant d’être ministre du budget, pendant le septennat de Giscard d’Estaing. Les obstacles de toutes sortes n’ont dès lors pas manqué, et Gérard Boulanger le rappelle dans une énumération argumentée, impressionnante ; qu’il s’agisse d’abord du monde politique, et pas seulement du camp de l’inculpé. On ne peut que souligner ici l’opposition du personnel politique à la mise en cause de l’un des siens. Qu’il s’agisse de la hiérarchie judiciaire ensuite : les aléas en furent nombreux, aboutissant entre autres à l’annulation de la première inculpation de Papon. De plus, le sentiment général de l’opinion publique n’allait pas, alors, dans le sens d’une mise en cause. Il faut aussi y rajouter la dimension locale de l’affaire, à Bordeaux même ; les stratégies différentes de plusieurs protagonistes des procédures judiciaires en compliquèrent le déroulement. Maurice Papon n’hésita pas lui-même à multiplier les procédures pour diffamation, se justifiant d’un « Si c’était à refaire, je le referai » et encore « dans cette affaire-là, je suis le capitaine Dreyfus » …

G. Boulanger avant même le procès, faisait paraître deux ouvrages conséquents : Maurice Papon: un technocrate français dans la collaboration (Seuil, 1993), et Papon, un intrus dans la République (Seuil, 1997). On mesure ainsi la dimension du combat mené par Gérard Boulanger, aidé par les siens- il souligne le soutien constant et précieux de son épouse Babette, et aussi par les premiers plaignants dont se détache Maurice- David Matisson, pugnace et déterminé. On apprécie aussi les flèches décochées par l’avocat : pour dénoncer par exemple l’hypothèse qui qualifierait Papon de résistant, créant ainsi « …une catégorie inédite, les résistants qui ont déporté ».

Quels enseignements ce livre nous invite encore à tirer du procès ? Outre ses réflexions techniques et politiques sur le fonctionnement de la justice, il illustre un combat politique, mémoriel et citoyen dont l’actualité et la justesse ne cessent de pouvoir (et devoir) être mesurées.

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