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PUBLIÉ LE 29/12/2014 PAR Bernard DaguerreMais l’endroit, enfoui désormais sous le sable, sert d’entrepôt pour de louches trafics. Brinco, plus que les autres, est subjugué par la prestance de Mariscal, maître de la contrebande. Ça rapporte plus que la pêche, métier ingrat et dangereux des pères de Leda et Fins. Les enfants s’amusent avec la ligne de crête qui séparent les activités louches des autres, intègrent cette cohabitation ; ils en devinent aussi les conséquences pour leurs parents, autant que ces derniers les subissent. La mère de Fins peut le déplorer : « Le mal flotte parfaitement, ici. Il flotte comme le fuel, juste sous la surface. »
Dans le deuxième partie du récit, les enfants sont devenus adultes et le silence de la mer qui cimentait leur amitié est maintenant muet. Fins est policier et affronte les deux autres qui ont basculé dans le camp de Mariscal. Le récit est désormais chargé d’éléments de crime, le roman noir affleure sous l’écriture poétique : la barque est pleine de corruption, de meurtres et de règlements de compte, de trahisons ; et aussi de richesse ostentatoire que ces mafieux déversent sur le petit village. À tel point que l’esquif, pour continuer à filer la métaphore maritime, parfois tangue un peu sous l’afflux massif des images criminelles.
Le roman dénonce et désigne la transformation de cette pointe de la Galice en zone soumise, ouverte au trafic international des drogues ; dans une prose qui manie tantôt la force de l’image et la fluidité de l’ellipse, Manuel Rivas- prosateur (Le crayon du charpentier, l’éclat dans l’abîme…) et poète ( la disparition de la neige) exprime sa rage et sa tristesse.
Manuel Rivas : Tout est silence traduit du galicien par Serge Mestre – Gallimard – collection du monde entier, 293 p. – 2014 – 21 €
