L’actualité du roman noir – Thomas Bronnec : Les initiés


Editions Gallimard
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Temps de lecture 2 min

Publication PUBLIÉ LE 30/03/2015 PAR Bernard Daguerre

Son titre, « Les Initiés » sonne comme celui d’un roman-feuilleton à l’ancienne, où les maîtres de sociétés secrètes régnaient dans les univers du mal tout en contaminant la société de leur temps. Et ici, de ci-delà, sous l’armure moderne d’un personnage, perce le caractère éternel d’un grand roué, cynique et tout puissant. Par exemple, le patron du Crédit Parisien, Antoine Fertel, n’est pas sans rappeler la figure énigmatique et omnipotente du banquier Favreau à laquelle s’attaqua Judex, le héros justicier des films de la série éponyme de Louis Feuillade, reprit presque 50 ans plus tard par Georges Franju dans son Judex de 1963. Bref.

Ce polar débute avec le suicide d’une jeune femme venue se jeter une nuit du haut de la terrasse de Bercy, bâtiment – forteresse du ministère français de l’Économie. On est en 2014, alors que la ministre de l‘Économie, Isabelle Colson, pilote, en femme de gauche aux opinions bien arrêtées, un ministère qui lui est tout entier hostile. Une nouvelle crise financière pointe son nez et Isabelle Colson est prête à sacrifier le Crédit Parisien, déjà rescapé de la faillite de 2008. L’établissement bancaire avait été accusé à l’époque d’avoir tiré les marrons du feu de la crise dans un rapport rédigé par deux hautes fonctionnaires. Lesquelles furent promptement placardisées : et voici que l’une des deux jeunes femmes vient mettre fin à ses jours à Bercy…

Christophe Demory, actuel directeur de cabinet de la ministre, est secoué par l’affaire d’autant qu’il fut le compagnon de la seconde rédactrice du document, suicidée plus tôt elle aussi. Le voilà parti à enquêter alors qu’une tempête feutrée, mais magistrale va secouer son ministère.

C’est ce théâtre des ombres (parce que ces personnages sont rarement sous le feu des projecteurs de la vie médiatico-politique) que décrit avec brio Thomas Bronnec : on y croise donc une forte population d’énarques, persuadés de leur bon droit aiguisé aux postes importants qu’ils occupent tant au sommet de l’État qu’à celui de divers organismes financiers. On y voit un président de la République, social libéral et fin tacticien, plaçant ses pions, de sa gracieuse résidence de La Lanterne, au fond du parc du château de Versailles.

Comment la haute hiérarchie de cette société politique démontre sa capacité à régler, entre soi, et de toutes les manières possibles, des questions parfois fort embarrassantes, voilà le fond du problème brillamment exposé : dans une langue qui fait de la litote et de la suggestion, la charpente, toute en fluidité, de la puissance de ce beau et brûlant bouquin.

Thomas Bronnec : Les initiés, Série Noire – janvier 2015 — 236 pages — 15,5 €

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