Culture | L'actualité du roman policier : Une étoile en enfer
06/05/2020 | Guy Rechenmann : Une étoile en enfer- éditions Cairn, collection du Noir au Sud- 292 pages- mars 2020- 11€

Peut-être est-ce à cause de cette dénomination de « flic de papier » que le policier imaginé par l’auteur bordelais Guy Rechenmann peut se permettre de mener de drôles d’enquêtes. Qu’on en juge : Anselme Viloc, l’inspecteur en cause, est devenu une référence dans le domaine des « crimes à haute probabilité de non-résolution » dit son patron le commissaire Plaziat.
Au cas présent : la disparition mystérieuse de plusieurs jeunes filles venues du Sud-Ouest pour travailler, en région parisienne, dans les métiers de la bouche. L’une d’elle, Odile, était tout comme notre policier originaire du bassin d’Arcachon. S’ajoute un second fait divers, qui le touche de près : sa femme, Sylvia, a miraculeusement réchappé du naufrage d’un chalutier qui a fait deux morts, disparus dans d’étranges conditions sur le bassin. Récupérée en pleine hypothermie à la suite d’un séjour prolongé dans l’eau de mer, Sylvia a perdu momentanément la mémoire. Son mari se torture l’esprit à essayer de comprendre ce qui lui est arrivé. Et comme si cette double énigme ne suffisait pas, voilà que Viloc veut à tout prix élucider une série d’assassinats survenus au XIII ème siècle dans sa région d’origine, la Savoie. C’est qu’il subodore quelque mystérieuse relation entre le passé et le présent.
Pour sa cinquième aventure, Viloc approfondit sa nature évidemment fictionnelle. Lui, l’enfant adopté, longtemps à la recherche de ses origines, travaille aussi sur des périodes bien antérieures à son siècle ! Il adore se plonger dans de vieux documents, tel un archiviste professionnel. Comme si la résolution de vieux crimes -dont on ne pourra plus pourchasser les coupables- constituait une enquête supplémentaire de papier, totalement gratuite. Viloc est si loin des canons traditionnels du genre, qu’on pourrait définir sa fonction policière par ce paradoxe : le propre du flic Viloc est justement de ne pas être un « vrai » et de tenir sa vraie nature de ce refus, qu’il n’arrive à assumer qu’en le sublimant, par de curieuses enquêtes hors de son temps et de son espace.
Par Bernard Daguerre
Crédit Photo : La Machine à Lire