Elle est à l’origine d’un des films qui a fait couler le plus d’encre ces derniers mois. Julie Maroh, créatrice en 2011 de la bande-dessinée Le Bleu est une couleur chaude, devenue au cinéma La vie d’Adèle en 2013, a fait appel à l’illustratrice Maya Mihindou pour mener cette procession au sein du CAPC. Toutes deux, elles ont mené un travail singulier: mettre un scène un récit, écrire une histoire à partir d’oeuvres de la collection du musée bordelais, mêler leurs talents de bédéiste et d’illustratrice aux talents d’autres artistes dont les oeuvres composent la collection du CAPC. Une histoire dans l’exposition très réussie où le regard se dédouble: il voit d’une part la création de départ, celle qui existait et existe encore en tant que telle et, d’autre part, il voit ce que cette dernière inspire et de quelle manière son exposition dans un musée la fait vivre, à travers ici les regards croisés des deux jeunes femmes. Choisissant parmi le millier d’oeuvres de la collection du musée bordelais, Julie Maroh est restée fidèle à ses aspirations en proposant une sélection lui permettant d’évoquer, en cinq actes, la question du conflit et de la cohabitation
La question de l’identité culturelle au centre de cette Procession N’étant pas systématiquement sur place pour faire son choix, Julie Maroh a procédé en ligne pour sélectionner les oeuvres qui constitueraient ce récit: « J’ai consulté longuement la collection du CAPC sur Internet en fonctionnant essentiellement par mots-clé, mettant le conflit et la cohabitation en tête de mes recherches. Ensuite, les choses se sont faites de manière plutôt instinctive ». L’instinct, c’est en effet une sensation éprouvée lors de cette exposition où la dimension nouvelle et puissante que prennent les oeuvres présentées rendent compte d’un travail cohérent, spontané, instinctif oui. Traitée à la manière d’un roman graphique, cette problématique du conflit et de la cohabitation s’articule en cinq moments qui se succèdent chronologiquement: état des lieux, soumission, exil, confrontation et métissage, chacun de ces tableaux étant éclairé ou assombri par une crainte qui s’affiche en lettres capitales sur le sol: « La peur de la perte de l’identité culturelle ».
Une visite à faire comme « une marche à travers l’expérience physique de l’Autre » Illustrations greffées, phrases ou bribes de phrases ajoutées, bulles accolées… Cette histoire dans l’exposition racontée par Julie Maroh et Maya Mihindou fait se succéder différentes situations lors desquelles la question de l’Autre est omniprésente. A travers des lettres, des passages sonores, des tableaux, cette Procession interroge le visiteur en abordant les thèmes de l’exil, de la soumission, de la clandestinité, de la langue, du plaisir et , à l’inverse, du déplaisir. De ce fait, les oeuvres de la collection du CAPC sélectionnées par les deux jeunes femmes, sont chargées d’une nouvelle force, d’un sens supplémentaire, à l’image des travaux de Claude Caillol, Hervé di Rosa ou encore Pierre Molinier qui prennent place dans ce récit de manière très singulière, chacune des oeuvres ajoutant à sa propre identité ce que J.Maroh et M.Mihindou ont souhaité leur faire dire de neuf, de nécessaire dans cette « histoire dans l’exposition ». Puissante, intrigante, parfois dérangeante, cette Procession rappelle combien l’Art est Art quand il interroge, quand il bouscule et invte le visiteur à aller au-delà de ce qu’il voit.