« Des Lear » au Théâtre des Quatre Saisons: une autofiction signée Vincent Nadal


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 27/11/2008 PAR Joël AUBERT

Visiblement friand des détournements de textes classiques, dans sa revisitation shakespearienne il nous convie à partager son théâtre de l’intime, au cours d’une séance d’autofiction sur les traces de Vincent Nadal et de son double de scène. Un spectacle fait de bric et de broc dans lequel l’imagination prend le pouvoir pour dépeindre la psychée trouble du comédien, tiraillé entre son monde de fiction et celui dans lequel il s’offre à nous.

Lorsque Shakespeare se fait prétexte
Si le rapport scène-salle a toujours suscité des réflexions théâtrales sur la manière de faire tomber ou non le 4eme mur, Vincent Nadal opère très explicitement son choix. Ici, pas de représentation distanciée dans laquelle des personnages fictifs s’emploient à raconter une histoire, mais plutôt une expérimentation pour brouiller les pistes du jeu et d’une éventuelle classification. Le postulat est ainsi posé : Vincent Nadal le comédien s’assoie face à nous pour évoquer la genèse de son spectacle autour du « Roi Lear » et son parti pris vis-à-vis du texte. Installé dans un espace confiné, très proche du public, il s’adresse à l’auditoire de façon directe, instaurant une étrange sensation d’intimité. Le jeune comédien se livre alors de façon touchante, un peu balot sur les bords, nous faisant part en toute naïveté de ses aspirations et de ses divagations face à l’œuvre de Shakespeare. Tantôt absent, tantôt gêné, le sourire en coin, il communique sa passion et par la même occasion nous projette dans son univers fantasque au décor composé d’objets personnels, tel ce sac rouge de l’Athénée Plazza lui évoquant les suites présidentielles desrois et reines et la couleur du pouvoir. A chaque accessoire son histoire, celle vraie ou non du comédien qui se raconte par le biais de ces effets. Shakespeare se fait alors prétexte, excuse aux délires de Vincent Nadal qui s’amuse, ouvrant les portes de son imaginaire poétique et drôle, mais étrangement fuyant par moments.

Des Lear… de la lubie à la folie
Des Lear, délires, La Cie les Lubies, on ne pourra pas dire qu’on avait pas eu d’indices. Forcémment ce garçon ne pouvait être tout à fait lisse. Le doux rêveur du début de la pièce cachait-il en son sein une bête schizophrénique, un adepte de « fantaisies soudaines », renversant à tout jamais la belle image qu’on en avait ? Des tendres épisodes sur « Mon amie la rose » bientôt il ne restera presque rien, le comédien se faisant happer par un esprit bien plus tenace que la folie : le théâtre. Pris à son propre piège, le voilà grignotté par les mots de Shakespeare, incapable de résister aux tirades qui l’assaillent lorsqu’il évoque les scènes du partage du royaume ou de la tempête. Dans une confusion totale, il joue et bien, le texte du dramaturge, puis tente de s’en extirper pour nous rappeler qu’il est toujours là, lui, Vincent Nadal. Entre anecdotes personnelles et déraisons shakespeariennes, il s’engouffre progressivement dans une double mise en scène, absorbant les désormais multiples personnalités de sa pièce. Dès lors on se souvient que le comédien n’en est pas à son premier spectacle de famille comme il nous le laissait croire, lui qui quelques semaines auparavant foulait les planches du CDN de Sartrouville en tant qu’artiste associé. L’aller-retour est en réalité très maîtrisé, la maladie contrôlée entre les mains du démiurge Nadal. A l’exception d’un seul paramètre qu’il n’aurait pu prévoir…l’addiction du public à l’une ou l’autre de ses deux entités. Sans rien ôter à la justesse du comédien dans les deux registres, il en est un plus touchant et vrai que l’autre. Le Vincent Nadal explorant sa vie à la lumière de ses lubies est drôle, émouvant parfois violent et se suffit à lui-même. Alors bien sûr, pas de « Des Lear » sans Shakespeare. Mais quand bien même, pourquoi ne pas imaginer un jour un tome intégral des aventures du Nadal, petit bricoleur de la scène et raconteur d’anecdotes sur le théâtre et sur la vie. Car si le grand Will a d’ores et déjà acquis ses lettres de noblesse, il est certain de nos contemporains qui possèdent une plume suffisamment ingénieuse pour parfois demander qu’on en oublie l’efficacité au profit de la nouveauté.

HF

Des Lear de Vincent Nadal, le 27 novembre au Théâtre des Quatre saisons de Gradignan
Ubu Roi de Vincent Nadal, le 28 novembre au Théâtre des Quatre saisons de Gradignan

Renseignements et réservations :
Tél : 05 56 89 98 23 / billetterie@t4saisons.com / http://www.t4saisons.com/

 

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