Le Sacre du Printemps, une allégorie de la mentalité sacrificielle du monde


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Temps de lecture 2 min

Publication PUBLIÉ LE 21/10/2010 PAR Olivier Darrioumerle

La puissance de la musique de Stravinsky, son lyrisme et sa ritualité nourrissent l’interprétation de Faizal Zeghoudi. Le mouvement en est la partie visuelle. La partition du danseur-interprète est construite sur la fusion de deux fondements du mouvement : l’émotion et le geste maîtrisé. C’est dans la répétition du geste et le contrôle des arrêts subits qui émaillent la pièce qu’il rend le corps du danseur perméable.
La tauromachie et sa violence ritualisée inspirent des corps pliés, rapides, secs. Le regard fixe, pointu qui donne la direction et le chemin du geste. Le déplacement animal et la force du taurreau n’est pas loin.

Dans le souffle des narines, l’homme piétiné se lève, nu.
Un magma de chair. Des bras cherchent la lumière, puis doucement chaque corps s’arrache. Pantalons marrons et torses nus, les interprètes vont de l’amour à la bestialité. La violence sommeille dans les gestes répétitifs des tâches laborieuses. Tous attendent le retour du soleil. La conspiration gronde. C’est la femme au milieu des travailleurs qui est désignée par les chefs. Elle sera l’élu. Le corps sacrifié qui donnera naissance au nouveau jour. « La violence unanime du groupe se transfigure en épiphanie de la divinité » disait René Girard. Les autres bourdonnent, tournoient. Personne ne regarde le mort, chacun suit son propre geste, comme s’il cherchait son soi-même. Puis c’est l’avènement de l’âge solaire ! Le corps de la femme est portée en triomphe, la cohésion du groupe est assurée. Mais, dans les flots de joie de la liesse, apparaît une ombre, un être immobile. Il se rebelle, fonce dans la masse qui se délie à son passage. Il fonce dans le vide et chute, écrasé sous les bottes des machines-esclaves. Le monde est devenu galère. Dans le souffle des narines, l’homme piétiné se lève, nu. Il se débat face au silence du monde et sombre dans le désespoir.

L’originalité du christianisme : son dépassement des rites sacrificiels antiques
La violence, c’est le coeur du religieux, la raison du religieux. Et ce mécanisme influence toute la culture, toute la civilisation. Par des rites religieux, les sociétés primitives ont appris à canaliser l’énergie dévastatrice de la violence qui risquait de les détruire. C’est le sens de l’instauration du rite sacrificiel du bouc émissaire. Mais il reste que cette religion sacrificielle n’arrivait à limiter la violence qu’en sacrifiant des innocents. Avec le Christ, le système du sacrifice de la victime pour apaiser la violence de la foule est explicitement condamné. Les hommes ont tué Jésus, affirme René Girard, « parce qu’ils sont incapables de se réconcilier sans tuer ». Mais tous savent que Jésus est innocent, que la collectivité est coupable, et la Passion inaugure un ordre nouveau. Les droits de l’homme. Mais la pensée elle-même n’a pas réussi à se libérer des schèmes archaïques. Girard écrit que: « la thèse de la victime fondatrice constitue l’aboutissement logique des grandes pensées athées du XIXe siècle. » 

Olivier Darrioumerle

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