Les Editeuriales : la médiathèque de Poitiers accueille Grasset et ses auteurs


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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 15/03/2019 PAR Julien PRIVAT
Forum de la médiathèque François-Mitterrand de Poitiers. 19h15. Cela fait un peu plus d’une heure que le public écoute avec attention. Sur scène, l’auteur-réalisateur, Samuel Benchetrit, le P-DG de Grasset, Olivier Nora. La soirée est animée par la journaliste littéraire Gladys Marivat, qui, elle le reconnaît, a beaucoup aiméReviens, le dernier roman publié par Samuel Benchetrit. Au fil des minutes, l’écrivain crève l’abcès et se livre. « Cela fait du bien de couper avec la préparation de mon futur film pour parler de mon dernier livre, » admet-il, alors qu’habituellement il n’apprécie pas vraiment de mélanger réalisation et écriture.
 
« Pas facile de trouver un sujet »
Tout au long de cette heure, les discussions ont filées. Diverses et variées. Des thématiques autour de comment écrire un livre et trouver de l’inspiration. Son livre, Reviens, trace le contour d’un homme, d’un écrivain en quête d’inspiration. « Ce n’est pas facile de trouver un sujet, avoue Samuel Benchetrit. Il me faut une certaine inspiration ». Dans ses livres, l’auteur peint, imagine des personnes « décalées, décadrées, marginales. « Mais on ne peut pas dire que ce sont des loosers, il y en a trop à la télévision », ironise-t-il. Difficile de déterminer, de classer son livre dans un genre littéraire. Un roman tout simplement. « Il n’est pas choisi par les éditeurs mais les écrivains eux mêmes » confit Olivier Nora. Le P-DG de la maison Grasset ne mâche pas ses mots à l’égard des livres français qui tirent trop selon lui vers de l’auto-fiction. Olivier Nora est, malgré son poste de directeur, resté éditeur. Il continue de passer son temps à lire des textes. En moyenne, six manuscrits chaque semaine. 
 
L’humour, l’ironie, c’est le ton de Samuel Benchetrit, aussi bien dans ses livres comme Reviens que dans sa vie. Il en fait la  preuve ce mercredi soir au forum de la médiathèque de Poitiers. « Il faut avoir de l’humour sur soi. Je trouve que la vie est absurde. » Dans ce sens, il raconte et confie une anecdote sur une dame qui a trébuché dans les escaliers d’un restaurant parisien. « Malgré le mal qu’elle a pu ressentir, elle a dit « beh voilà ». Toute la salle a applaudi ». Un certain regard sur soi… une dérision visible également à  travers un certain franc parler. Il livre au fur et à mesure quelques anecdotes. Il partage une part de lui-même sur sa manière d’écrire. « Si je me dis j’écris une page par jour… je me pends. Je fonctionne différemment, je pose des rails, j’en ai deux trois par avance. Je travaille le matin. Un café, une cigarette. » Pour écrire, il peut se mettre n’importe où. En revanche, il y a un rituel que l’on retrouve d’ailleurs dans quelques lignes de son livre. L’émission de télé-réalité 4 mariages pour une lune de miel. « Je crois que le mot plus utilisé dans ce programme est stratège. On se moque des gens qui, selon eux, vivent un quart d’heure de gloire. Ça me fascine, c’est assez drôle. Bon parfois, je regarde Arte, mais là, en fin d’après-midi, je suis paresseux, et il faut faire un effort pour regarder Arte, sinon c’est chiant. »
 
Échanges avec les auteurs
La question du rôle de l’éditeur a été abordée. « Nous ne corrigeons pas les auteurs, nous discutons avec eux. Le choix final appartient au créateur. Parfois nous répondons à leur propre doute. Les auteurs peuvent attendre un avis et le cas échéant validation », explique Olivier Nora. Pour Reviens, la discussion s’est faite à trois : Samuel Benchetrit, deux éditeurs, Olivier Nora et Chloé Deschamps, tous deux chez Grasset. « C’est souvent mieux ; les auteurs sollicitent deux personnes qui n’en parlent pas ensemble. Leur sensibilité est différente. Leur profil se complète. Les auteurs sont contents d’avoir des retours », indique l’éditeur de chez Grasset. L’auteur-réalisateur confirme.  « C’est vrai que je compte sur l’éditeur pour dire que les choses ne vont pas. Olivier est un grand lecteur. Son sentiment est important pour moi et compte beaucoup », explique Samuel Benchetrit qui a précisé avoir arrêté l’école à 16 ans. « Je fais des fautes. Je ne sais pas écrire. comme on nous l’apprend à l’école », poursuit-il. Et pourtant, il récolte les louanges de beaucoup de personnes. L’un de ses premiers admirateurs est sans doute Olivier Nora : « Ce garçon est talentueux. Il possède un talent protéiforme Je sais que Samuel n’aime pas les compliments » ça ne lui empêche pas de lui en faire car il le connaît bien. « il a le sens de la poésie, idéalisme beauté des choses. 
 
D’ailleurs, dans son livre Reviens, Samuel Benchetrit fait allusion à un éditeur. « Je le trouve odieux, rigole Olivier Nora. C’est un modèle antipathique. En vrai, la relation dépend autant des auteurs que des éditeurs. Ma relation  avec Samuel est amicale et professionnelle, c’est indéniable. » Le directeur de la maison d’édition Grasset est d’ailleurs revenu sur son travail qui mélange un peu les genres. « Il faut vraiment séparer les deux hémisphères de son cerveau. L’éditeur est contraint d’être à la fois un géomètre et un saltimbanque. Géomètre, car il a une entreprise à faire tourner, il doit rendre compte à ses actionnaire. L’aspect saltimbanque, parce qu’il côtoie les artistes, lit des textes, travaille beaucoup. Il ne faut pas confondre les registres. Il faut garder en tête que ce sont les artistes qui nous font vivre et pas l’inverse. Quand on oublie ça, on ne peut plus pratiquer ce métier ». Quant à Samuel Benchetrit, il n’a pas vraiment de point de vue sur l’édition. « Je n’ai pas beaucoup de rapport avec ce milieu. Souvent je réponds aux commandes que je ne peux pas faire, car je fais un film et inversement quand on me contacte pour me proposer un film, je réponds que j’écris un bouquin Je suis un peu en marge. J’arrive à publier mes livres et à faire mes films. »
 
L’heure s’est rapidement écoulée. Samuel Benchetrit et Olivier Nora se sont prêtés au jeu des questions : que ce soit l’inspiration, l’écriture, des conseils de lecture. « Je vous conseille  La Nuit avec ma femme, même si ce n’est pas moi qui l’édite », ironise une dernière fois l’éditeur de Grasset. Une soirée légère qui s’est conclue par le traditionnel temps d’échanges avec une dédicace de l’auteur à la clé. Samuel Benchetrit s’est rendu ensuite au cinéma pour présenter son film Asphalte (2015). Une journée poitevine bien remplie pour l’auteur-réalisateur.
 
Huit auteurs reçus sur 10 jours
La maison d’édition Grasset est donc à l’honneur de la cinquième saison des Éditeuriales. Huit auteurs se rendront à la médiathèque de Poitiers jusqu’au 23 mars. Ils vont se livrer et raconter des anecdotes sur leur livre en impliquant les éditeurs.C’est ça la particularité des éditoriales. Au programme vont venir Isabelle Carré. Colombe Schneck, Jean Rouaud, Carole Zalberg, Guy Boley, Daniel Rondeau. Des grands noms de Grasset. Grasset qui est d’ailleurs d’objet d’une exposition dans le hall de la médiathèque qui permet de découvrir l’histoire de cette maison d’édition riche et ancienne, puisqu’elle date du début du XXe siècle. 
 
« Je pense qu’il y a quelque chose à faire avec les éditeurs. Faire découvrir ce qu’on est, ce qu’on fait par rapport aux auteurs. Nous sommes un peu des chefs de gare. On détermine les voies de départ ou de garage pour certains ouvrages . « Je suis sollicité pour des projets, je lis des synopsis sur mon portable. Je travaille à distance». Il ne semble pas vraiment décrocher. Mais il voit quand même un point positif à ce genre de rencontre avec les lecteurs. « C’est gratifiant de les rencontrer, de mettre un visage sur eux. Les maisons d’éditions ne se projettent pas suffisamment. Et je suis sûr que les lecteurs ne sont pas forcément au courant du rôle des éditeurs, ces échanges et discussions fructueux permettent de le découvrir », explique Olivier Nora, P-DG de Grasset. Selon lui, pour se maintenir, la maison d’édition doit vendre 1,3 million d’exemplaires chaque année. Les Français semblent encore attachés aux livres et ça se voit notamment lors des Editeuriales où le forum de la médiathèque est comble. Il reste encore des pages à écrire.
 
Entrée libre. Les Editeuriales, du 12 au 23 mars à la médiathèque François-Mitterrand de Poitiers. Programme : grandpoitiers.fr et bm-poitiers.fr
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