Car, pour un écrivain, qu’est-ce qu’écrire ? C’est avant tout un besoin chevillé au corps de tout mettre en mots. Images, sensations, émotions. C’est vivre en littérature, c’est à dire entendre en soi la petite musique des mots et des phrases, écrites et non dites, comme un compositeur entend en lui les notes se mettre en place et dérouler symphonies ou concertos, comme un peintre qui voit, en lui, avant de le reproduire sur la toile, le futur tableau que d’autres admireront ( ou détesteront ) par la suite. A l’instar de tout créateur, l’écrivain transforme. La vie, dans son ensemble le plus complet, perceptible et imperceptible, est la glaise qu’il façonne afin que l’œuvre produite ensuite parle pour lui. En mots, images, sensations, émotions. En phrases écrites et non dites.
Un titre qui se révèle « in extremis »
Un écrivain n’est pas forcément orateur, ni même grammairien. L’étude de ce qu’il écrit, a posteriori, n’est pas de son ressort. Il écrit, point. Il crée et le résultat de cette création peut tout à fait relever du mystère pour lui-même, comme ce titre « Trois femmes puissantes » qui se révèle « in extremis » comme si, avoue Marie Ndiaye, il attendait quelque part qu’elle vienne à lui. Et Marie Ndiaye, presque timide face aux questions qui lui sont posées sur ses écrits, s’efface au contraire derrière la force de ceux-ci.
Car un écrivain n’est pas pour autant en dehors du monde, dont il a , bien au contraire, une acuité puissante. La puissance n’est pas toujours là où on l’attend, là où on le croît. Une femme discrète peut être aussi une femme puissante, ou glorieuse, terme qu’aurait choisi Marie Ndiaye pour les trois femmes de son roman, si le terme n’avait pas eu, toutefois, « cette connotation religieuse ».
A qui s’intéresse à l’étymologie, le vrai sens de « discret » sera révélé comme lié au « discernement » et à la « retenue ». Marie Ndiaye, femme discrète, porte un regard accru sur le monde. Sa retenue et son élégance sont ses bannières, en annonce aux cortèges de ses mots, qu’il faut lire, afin d’entrer en dialogue avec la part la plus vraie d’elle-même, l’essence même des grands écrivains.
Anne DUPREZ