Malagar, une pépite de culture derrière les charmilles


Alix Fourcade
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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 27/04/2018 PAR Alix Fourcade

Cachée sous les pins parasols, derrière des allées de charmille, où pointent çà et là des pivoines et des lilas en fleur, la propriété de François Mauriac (1885-1970), Malagar, qui signifie « protégée du vent », se dresse en haut du coteau de Saint-Maixant. Son jardin, qu’il a lui-même dessiné, fait face à ses trente hectares de vigne, qui produisent 180.000 bouteilles par an environ, depuis que l’exploitation a été reprise courageusement par Jean Merlaut, qui a dû remplacer 90% des pieds.

« Au fil de la visite de Malagar, remontent les pages des œuvres de François Mauriac », campe la guide Astrid dès le début de la visite. Principal lieu d’inspiration de l’écrivain bordelais, qui y venait à Pâques et au moment des vendanges, il se trouve à une trentaine de kilomètres de sa résidence secondaire, à Saint-Symphorien. Acquise par son grand-père en 1843, Malagar a été habité par la famille Mauriac jusqu’en 1980. Celle-ci l’a ensuite donnée à la région en 1985. Les visites guidées s’y font tous les jours sur réservation. 

Entrée par la cuisine, comme à l’époque, où les herbes à barbecue sont encore rangées au-dessus du fourneau, à côté des anciens pots de lait en aluminium coloré et d’un outil curieux, le presse à jus de viande, pour lutter contre l’anémie, dans la souillarde. « Nous n’avons pas voulu « muséifier » la maison », explique la guide Astrid. Pas de cartons d’explication ni de cordelettes de sécurité au Centre François Mauriac, la maison est restée meublée telle quelle, à quelques détails près. 

Malagar

Plein de souvenirs

Les assiettes anciennes recouvrent les murs du salon, avec les gravures d’époque dans des cadres dorés, où l’on aperçoit la place Dauphine, actuelle place Gambetta à Bordeaux. La salle à manger sent bon la cire d’abeille qui imprègne le parquet et que la responsable de l’entretien de la maison, Sarah, s’échine à reproduire, comme au temps de l’écrivain qu’elle aime lire à ces heures de loisir. S’il y a bien quelque chose qui frappe, c’est l’implication des équipes du Centre pour faire vivre l’esprit de Mauriac.

Un exemplaire de ses Bloc-notes, série d’articles que celui qui était aussi journaliste a publié notamment dans l’Express, est ouvert à la date du 21 juin, dans le deuxième salon. Une chronique sur le pape fraîchement élu, que ce pieux écrivain ne pouvait manquer de souligner. Baigné par son « humanisme chrétien », le journalisme de Mauriac s’engage notamment contre l’usage de la torture durant la guerre d’Algérie. Au fil des pièces, les portraits de ses enfants sont aussi placardés. Tous évoluent dans un milieu intellectuel, deux de ses enfants, Jean et Laurent, sont journalistes, et sa fille Claire donne naissance à Anne Wiazemsky, qui sera la muse du cinéaste Jean-Luc Godard.

La visite se poursuit à l’étage, normalement fermé au public. Après la chambre conjugale, avec lits séparés et salle de bain carrelée où trône une belle baignoire à pattes de lion, la chambre dite rouge, où Mauriac a dû héberger un officier allemand, dans Malagar réquisitionné, dont il témoigne du bruit infernal de ses bottes de militaire, qu’il entendait depuis son bureau en dessous.

Malagar

Séduire les publics

Malagar est donc chargée d’histoire, comme l’explique sa présidente qui n’est autre que la grande historienne d’Aquitaine, Anne-Marie Cocula, mais le Centre tente de ne pas trop appuyer dessus, pour attirer des publics plus jeunes. Mercredi 25 avril, les équipes ont présenté leur saison culturelle 2018, avec la directrice Marie-Sylvie Bitarelle. « Nous souhaitons ouvrir cette maison aux gens de tout âge », a indiqué cette dernière qui constate qu’elle impressionne encore quelques visiteurs potentiels.

Grande première, cette année, le festival de littérature dédié aux adolescents, « Des livres et moi », du 4 au 6 mai, pour bousculer son image de maison d’écrivain austère. Un pari osé, mais qui ne fait pas peur à la directrice : « nous allons lutter contre le cliché du désintérêt adolescent pour la littérature, même si c’est un public difficile à cerner ». Avec le compositeur de slam, Capitaine Alexandre, Yoann de la bande-dessinée Spirou, mais aussi des auteurs qui écrivent pour les adultes, dont Jo Witek, pour que les « grands » y trouvent aussi leur compte, « surtout que la maison est difficilement accessible autrement qu’en voiture », admet la directrice, qui veut que les jeunes viennent accompagnés.

Une projection de cinéma en plein air aura lieu, les 26 et 27 juillet, avec le film d’animation « Minuscule », suivi d’une observation de l’éclipse de lune. Du 13 au 16 septembre auront lieu les incontournables « Vendanges de Malagar »  sur le thème « avoir 20 ans, l’âge des Vendanges…Le 5 octobre, le prix littéraire François Mauriac sera aussi remis, par l’historien Jean-Noël Jeanneney cette année. Tous ces événements sont gratuits. Et puis, à suivre aussi, du 8 au 10 novembre le 32° colloque international François Mauriac « Cher ami » ou l’amitié dans l’oeuvre et la vie de l’écrivain. À ceux-ci s’ajoutent les circuits à pied, à vélo, dans les vignes, les concerts et lectures. Une programmation prolifique donc, qui part à la conquête des publics.



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