Portrait de Didier Fois : Festayre militant


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 25/08/2011 PAR Olivier Darrioumerle

Il a joué l’Ave maria à la trompette lors de la messe en béarnais. Mais ne vous-y trompez pas, son nom de famille est trompeur, Didier Fois n’est pas un enfant de choeur. « Pendant les fêtes, je me suis mis des castagnes, quelques fois c’était chaud… », confesse-t-il en français mâtiné d’un accent du sud. « Pourquoi, ici et là, la fête mène au drame ? » s’est-il interrogé, sans une once d’angélisme, pour revenir à la question fondamentale : « mais au juste, c’est quoi la fête ? ». La fête, il la vivait de l’intérieur, au cœur de la banda, avec l’intuition d’en saisir l’essence : «  la fête est un patrimoine. Chrétienne, tauromachique ou familiale, elle porte un sens et des valeurs. » Le directeur d’Hestiv’oc se pose en défenseur de l’ambiance « amistosa », chaleureuse et douce avec les autres, contre la vulgarisation de la fête, son uniformisation et sa commercialisation. Dès la première édition d’Hestiv’oc, au balcon de la mairie et à chaque concert, il n’a cessé de rappeler son message, dans un occitan compréhensible par tous, souci de pédagogie oblige. «  Que chacun soit fier de soi et des autres, ça s’entretient, ça se cultive, ça se répète. » , explique-t-il. Et durant Hestiv’oc, sur un socle culturel et traditionnel, les vieux sont-là, jamais bien loin. Ils posent un regard bienveillant sur les jeunes. Ces derniers gardent l’accent du sud et leur dignité dans la fête. La bourgeoisie paloise, toujours invitée aux férias de Nîmes ou de Bayonne, est enfin fière de pouvoir rendre la pareille. Et Didier Fois se félicite d’avoir trouvé le secret de l’alchimie.

Fils d’une génération humiliéeC’est à Eux qu’il dédie Hestiv’oc : Mémé Justine, ses grand-parents et ses parents, trois générations de paysans gascons qui vivaient en occitan sous le même toit, à Salies-de-Béarn. « C’était pas Zola, je mangeais à ma faim », raconte-t-il. Mais personne ne lui avait donné le patois à « pouper » , comme l’on donne le sein à un nourrisson. Une privation qu’il excuse sans difficulté, fier qu’ils aient continué à le parler à la maison dans un contexte où l’école et le catéchisme répétaient que le patois était la langue du diable. « On leur avait dit que c’était un frein pour réussir dans la vie » , s’amuse celui qui rassemble aujourd’hui 50000 personnes à Pau, autour de l’identité occitane. Et c’est à Paris, à l’âge de 19 ans, qu’il se sentit fier pour la première fois d’être Occitan, d’avoir reçu la langue en héritage, bien malgré ses aïeux. « Ils croyaient qu’en parlant patois on ne comprendrait pas, mais on était imprégnés ! » Là-bas, à la Capitale, il créa la banda « Pampelonica » qui existe encore 30 ans après. «  J’avais un besoin fort de me retrouver avec des Basques, des Béarnais, pour me singulariser. Dans les bistrots tenus par des gars du Sud-Ouest on chantait les chansons du pays et la langue m’est réapparue !  »

Un jour l’Occitan reviendra dans les maison« On s’imagine l’Occitan avec un béret vissé sur la tête, une gitane au coin du bec et les espadrilles aux pieds… Et pourquoi pas la peau de mouton sur les épaules ! » , s’exclame Didier Fois, le verbe fleuri. Les préjugés sont tenaces, le directeur d’Hestiv’oc s’attache à les dissoudre. « Un événement fort en milieu urbain permet de montrer à tout le monde que l’Occitan n’est pas un ringard » , poursuit-il. Dans les grandes villes la culture est diluée, le festival sert « d’accélérateur de prise de conscience », précise-t-il. Par là il pousse, pitzique, aiguillonne les indolents qui hésitent, se retournent et remettent sans cesse à demain leurs désidératas. En tout état de cause, Didier Fois veut décomplexer les Béarnais qui auraient à rougir devant leurs voisins basques, trois fois plus nombreux à parler l’Euskara. Au fond de lui, rien ne pousse Didier Fois vers le rêve d’une Occitanie avec hymne et drapeau, même s’il aimerait que sa langue soit reconnue. Terre-à-terre, il espère seulement qu’un jour l’Occitan revienne dans les maisons, et que ce jour-là, les parents n’aient plus honte de l’enseigner à leurs enfants.

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