Bordeaux: franc succès pour la classe égalité des chances de l’école supérieure de théâtre


Estba
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 09/11/2020 PAR Mélanie Philips

« J’ai constaté qu’il y avait d’énormes inégalités dans la préparation des différents candidats », explique Franck Manzoni. Il a fait ce constat lors des derniers concours de l’éstba. En France, il y a seulement 12 écoles de théâtre. L’éstba, en 2019, c’est 730 candidats au concours pour 14 places. Chaque année le nombre de candidats augmente, mais le niveau aussi. « Et il devient quasiment impossible, pour une personne qui ne veut pas faire des cours privés, ou qui ne peut pas suivre des cours au conservatoire, ou qui, de manière générale, ne peut pas faire de théâtre, d’espérer rentrer dans une École supérieure de théâtre », souligne Franck Manzoni. C’était le cas de Matthieu Roulx, étudiant de cette promotion : « Je n’avais aucune aide à part le CROUS. Et donc tenter une école nationale, sachant qu’un concours ça peut monter jusqu’à 300€, c’était inenvisageable ». La classe égalité, c’est donc donner leur chance à des jeunes qui « n’ont pas forcément les moyens financiers pour y arriver, qui se disent « ce n’est pas pour moi », ou qui, à un moment abandonnent pour X raison », témoigne Matthieu. 

Franck Manzoni, directeur pédagogique de l’éstba

Gratuité totale

Les candidats sont recrutés sur critères financiers et sociaux, doivent être domiciliés en Aquitaine (bientôt Nouvelle-Aquitaine), et avoir un fort intérêt pour la pratique théâtrale. La promotion 2019-2020 a accueilli 8 jeunes âgés entre 18 et 24 ans. Initialement, c’est seulement six jeunes qui devaient être sélectionnés, mais les deux premiers de la liste d’attente ont été repêchés « parce qu’on les trouvait vraiment super ». Le simple fait qu’il y en ait huit au lieu des six « nous a déjà donné beaucoup plus de travail, et on n’est pas en capacité de prendre plus de jeunes. On risque d’avoir une pédagogie moins efficace et de ne pas parvenir à nos objectifs », justifie Franck Manzoni. 

Le but de cette classe égalité des chances, c’est de préparer les jeunes au concours d’entrée des écoles supérieures de théâtre. « On a pris le relais sur des fonctions qui n’existent pas ou qui sont beaucoup trop chères pour des gens qui ne peuvent pas se les offrir », explique le directeur pédagogique. Le principe c’est une gratuité totale. Au niveau des cours, de la cantine le midi, et le logement pour ceux qui en ont besoin grâce à un partenariat avec Mésolia. Le financement des concours était également pris en charge par l’école. Au niveau des aides, l’étsba s’appuie sur le fonds social européen – fonds notamment dédié à lutter contre l’échec scolaire – qui a permis la moitié du financement. La Région Nouvelle-Aquitaine également, avec une subvention. L’État participe également par l’intermédiaire de la DRAC. « Ces aides, pour l’instant ne suffisent pas à compenser le fonds social européen, qui nous sera accordé encore trois ans. Mais on travaille au fait de pérenniser cette classe » souligne Franc Manzoni. Les fonds propres de l’école sont donc aussi utilisés pour combler les manques. 

Le cursus se déploie sur deux années. Ce choix a été fait avec Catherine Marnas, metteuse en scène, directrice de l’éstba et du TnBA. La première année se consacre à la préparation des concours. Pour la deuxième, l’équipe pédagogique accompagne ceux qui ont échoué. 

Des talents bruts

Le but de cette classe égalité des chances, c’est donc de donner l’opportunité à ceux qui ont les capacités mais pas les moyens financiers. « Ces jeunes gens ont tous des particularités et des individualités très fortes », raconte Franck Manzoni. Certains d’entre eux, quand ils ont mis les pieds à l’école, étaient débutants. Deux exemples pour illustrer: Naisha et Olek. Naisha a été reçue au théâtre national de Strasbourg et Olek lui, est entré au conservatoire national de Paris. « Les deux étaient totalement débutants, et ce qui est assez fou c’est qu’en quelques mois on a réussi à les aider à rentrer dans des grandes écoles », se réjouit Franck Manzoni. « C’est souvent des gens qui ont énormément de talent, mais c’est des talents brutes, qui ont besoin d’être accompagnés pour exprimer ce talent. Le talent c’est quelque chose, mais pour réussir une école supérieure, malheureusement c’est insuffisant. Il faut beaucoup de travail pour déployer, épanouir quelque chose ».

Le bilan de cette première année, en termes de résultats, est assez « exceptionnel ». Franck Manzoni n’en revient pas : « En début de classe égalité si on m’avait dit qu’on réussirait pour quatre élèves, j’aurais déjà trouvé le bilan incroyable ». Alors vous vous doutez bien qu’avec six qui ont été reçus dans des écoles supérieures… « C’est une très grande joie ». L’éstba, c’est 730 candidats pour 14 places, le TNS à Strasbourg c’est 800 pour 14 places, et le conservatoire national c’est 1500 candidats pour 30 places. Grosso modo, on est sur un taux de réussite de 2-3%. « On se dit qu’on a bien travaillé, on a réussi à mettre en place quelque chose qui est opérationnel, qui est réellement utile. Tout ça, c’est fait vraiment pour que des jeunes aient des vies qui basculent radicalement vers un art qu’ils aiment pratiquer. C’est ça l’essentiel », conclut le directeur pédagogique. 

 L’aventure d’une vie  

Matthieu Roulx, étudiant de la promotion égalité des chances

Parmi eux, Matthieu Roulx, qui a été reçu à l’ENSATT à Lyon. Beaucoup d’enseignements dispensés à l’éstba lui sont aujourd’hui bénéfiques : « J’ai une grosse facilité sur les choses qu’on a apprises à la classe égalité. Donc ça prépare aussi au travail de comédien une fois qu’on intègre une école », explique-t-il. Avant d’intégrer la promotion, Matthieu s’attendait à quelque chose de très didactique, type « pour les concours ils aiment ça donc vous allez-vous conformer à ça ». La politique de l’école était tout autre : « On a consacré les 2-3 premiers mois à développer nos propres univers, nos imaginaires ». Un enseignement très loin de la simple préparation à un concours. Pour Matthieu, les trois intervenants réguliers qu’il a eus sont allés « au-delà de ce qu’ils devaient faire je pense. Ils ont donné beaucoup plus que ce qu’ils auraient pu donner simplement. Je ne m’attendais pas à ça ». Matthieu Roulx est très reconnaissant de tout cet enseignement : « J’ai appris ce que c’est que d’être sincère sur un plateau ».

Une aventure humaine « incroyable » pour Franck Manzoni : « On ne s’attendait pas à vivre une expérience aussi forte. Pour tous les intervenants ça a été un bouleversement permanent. Une aventure humaine profonde ». Un avis partagé par Matthieu, qui lui, a vécu la meilleure expérience de sa vie.

Vous pouvez retrouver l’intégralité des résultats sur le site de l’étsba 

Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
On en parle ! Gironde
À lire ! CULTURE > Nos derniers articles