Voyage aux sources de la philosophie politique et économique d’Obama : « Obamanomics » de Niels Planel, aux éditions du Bord de l’Eau.


Qu'est ce que l'Obamanomics ? La philosophie politique et économique de Barack Obama.

Neon Tommy
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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 19/01/2012 PAR Olivier Darrioumerle

Lors du discours d’investiture de Barack Obama, le 20 janvier 2009, un million de personnes euphoriques s’étaient réunies sur le Capitole pour acclamer leur premier président afro-américain. 4 millions de téléspectateurs en France et plus de 7 millions de visionnage directs par minute sur internet. Un record. Mais l’euphorie a laissé place à des jours plus moroses. Et paradoxalement, alors que la révolution conservatrice initiée par Ronald Reagan est la cause profonde de la crise financière, celle-ci pourrait lui donner un dernier souffle.

Obama peut perdre, mais la droite ne peut pas gagner
En se décrivant comme un « nouveau démocrate », un démocrate de centre gauche qui croit aux vertus du marché, « mariant un centrisme d’économie de marché des années Clinton à un renouveau pour une social-démocratie de type européen », Obama avait su s’attirer les indépendants, frange modérée de l’électorat, qui le portèrent au pouvoir en 2008.

Mais ils s’éloignèrent de lui, frustrés face à la lenteur des progrès réalisés par son administration sur l’économie. Les élections à mi-mandat ont signé la plus cuisante défaite enregistrée par un présidentdepuis Truman et Roosvelt. Obama a laissé plus de 60 sièges, là où Clinton avait limité la casse à la perte de 54 sièges en 1994. « La Chambre des représentants se vide de ses modérés, les démocrates qui ont survécu sont plus à gauche et les républicains fraîchement élus, portés par la vigueur du Tea Party, sont plus à droite, le tout mettant en péril toute perspective de compromis futurs » , explique Niels Planel qui peut imaginer en 2012 la défaite d’Obama, à cause de son bilan économique ( taux de chômage élevé, proche de 10 % ), mais sûrement pas la victoire de la droite qui ne trouve pas de leader capable d’unifier les modérés et les « puristes » du Tea Party.

Un Etat épuisé par trente ans de révolution conservatrice
La révolution conservatrice, nous dit Niels Planel, a débuté avec Reagan qui a changé le monde et l’a ancré à droite pour les décennies à venir. Même la Nouvelle gauche de Bill Clinton, cette « troisième voie » censée transcender les clivages droite-gauche, n’a fait qu’admettre la primauté des idées de droite : déréglementation de la finance, fin de l’Etat providence. Mais en contrôlant pour la première fois depuis 50 ans la Maison blanche et le Congrès, de 2001 à 2006, la droite américaine a montré son vrai visage au monde. Une faillite morale, politique et économique de la révolution conservatrice dont le parti de l’éléphant est sortie pulvérisée, transformé en un simple parti du Sud.

À la veille de l’élection d’Obama, le marché des produits dérivés, que Clinton n’avait pas réussi à réglementer, donne le vertige. Il est globalement évalué à plus de 500000 milliards de dollarsalors que le PIB de la première puissance s’élève à à près de 14000 milliards de dollars la même année. Les Etats-unis ont alors atteint un record au sein des économies développées : 1% de la population américiane s’accapare 20 % du produit national. Mais ce n’est pas l’inégalité en soi qui choque les Américains, « à l’égard de laquelle l’Amérique se montre assez tolérante », nous dit Niels Planel, relativisant notre conception égalitariste à la française, non sans humour. « Le problème, au point de vue des Américains est le fait que la mobilité sociale ait été sérieusement érodée, et avec elle, le fameux « rêve américain ». »

Obama s’applique à défaire la révolution conservatrice
« Après avoir mondialisé le monde pendant cinquante ans, l’Amérique va devoir se mondialiser » écrit Fareed Zakaria, journaliste dont Obama est un lecteur assidu. Les réformes qu’il compte mener, face à des Républicains en opposition systématique, sont faites pour faire face aux marchés, attaquer de front la mondialisation, mais sûrement pas pour la remettre en question. Pour « cueillir les fruits de la mondialisation, en réduisant les risques et les inégalités qu’elle génère », Obama remplit son équipe d’anciens cadres de l’administration Clinton, dont Robert Rubin, ancien secrétaire au Trésor, qui poussa Bill Clinton à prendre des mesures dans le sens de l’internationalisation des échanges et à la déréglementation de la finance. Ces mesures permirent un puissant essor de l’industrie financière. Et au cours de la présidence Clinton, la création de 20 millions d’emplois et une Amérique heureuse. Mais Bill Clinton reconnaîtra au printemps 2010 qu’il avait fait une erreur en écoutant son secrétaire au Trésor.

La crise financière prend ses racines dans certaines politiques mises en place par Bill Clinton, notamment l’abrogation en 1999 du Glass-Steagel Act qui avait créé une séparation nette entre les banques de dépôt et les banques d’investissement au sortir de la crise de 29, transformant le métier de banquier en une « profession ennuyeuse » pour reprendre les termes dePaul Krugman, prix nobel d’économie en 2008. Niels Planel nous apprend que Robert Rubin, à l’origine de l’essor de l’industrie financière et proche de Wall Street, a recyclé ses idées à travers le Hamilton Project, un groupe de réflexion de centre gauche établi en 2006. Lors de son inauguration, Barack Obama, alors sénateur de l’Illinois, prononça un discours dans lequel Niels Planel décèle les grandes idées qui gouverneront la philosophie politique et économique d’Obama. Sans surprise, dès son arrivée au pouvoir il s’entoure de nombreux membres du Hamilton project.

Obama a réformé en un an une industrie de la taille de l’économie française
Le Congrès est paralysé par les luttes partisanes alors que l’Inde, la Chine et l’Allemagne luttent pour obtenir la première place sur le podium mondial, Obama puise dans les principes du Hamilton project pour proposer un cap plutôt que de prendre un virage centriste comme Bill Clinton l’avait fait après avoir perdu,en 2004, le Sénat et la chambre des représentants.

Grâce à une économie plus verte, il souhaite rompre la dépendance qui pousse les États-Unis à emprunter des sommes colossales aux Chinois pour acheter du pétrole aux Saoudiens – les États-Unis importent 70 % du pétrole qu’ils consomment et consomment 25 % de l’énergie dans le monde – mais les Américains ne sont pas prêts à bruler des points de croissance pour la sauvegarde de l’environnement. Et alors que se joue la réforme de la santé et du système financier, la révolution verte n’a pas réussi à se placer dans le débat public.

Mais le 111ème Congrès, dominé par des majorités démocrates dans les deux chambres, fut parmi les plus productifs du dernier siècle, avec notamment un plan de relance massif de 780 milliards de dollars dont un sixième affecté aux révolutions vertes, à l’informatisation du système de santé, à l’éducation et à la recherche.

Une réforme historique de la santé dont l’auteur décrit avec brio le suspens intense qui entoure la trame des négociations. Pour montrer qu’au final, Obama n’aura mis qu’une année pour réussir à réformer une industrie de la taille de l’économie de la France envers et contre tous ceux qui voulaient faire de cette réforme « le waterloo d’Obama ». Puis, une loi de réglementation financière est venue réguler Wall street où un tiers des bénéfices des entreprises américaines se réalisent. Certaines critiques affirment qu’il aurait fallu rétablir une barrière de type « Glass-Steagel », mais l’auteur nous convainc que la réforme d’Obama est très solide, l’effort le plus important depuis 1930 pour réglementer le système financier américain.

 photo : Neon Tommy / tous droits réservés

Olivier Darrioumerle

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