Économie de Nouvelle-Aquitaine : d’où repart-on ?


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 18/05/2020 PAR Romain Béteille

66% des entreprises néo-aquitaines ont constaté, au mois d’avril, un ralentissement de leur activité entre 20 et 30%. C’est un des principaux chiffres à retenir d’une étude publiée ce lundi. Réalisée par l’entreprise FARI Analytics auprès d’un panel de 54 entreprises (principalement des ETI et des PME dont plus de la moitié dans l’industrie et les services aux entreprises), cette étude apporte ainsi quelques données supplémentaires à une déclinaison régionale de la note de conjoncture de l’INSEE parue le 7 mai dernier.

Demandes favorisées

Elle vient affirmer que certains secteurs, notamment les éditeurs de logiciels, sont « globalement les moins impactés et n’ont pas constaté de baisse d’activité ». Certains services de télécommunication ont même « parfois constaté une hausse de la demande ». Dans l’industrie, les produits de luxe ou la « fabrication de produits très spécifiques » arrivent à tirer leur épingle du jeu face à un arrêt complet dans de nombreux autres secteurs, notamment l’automobile et l’aéronautique. Au niveau des actions mises en place, 81% du panel dit avoir adapté son marketing et repensé « sa façon de concevoir son offre ». 73% des dirigeants ont fait une demande de financement, et les demandes ou renégociations de prêts sont les plus plébiscitées (33%) devant le décalage des échéances de paiement (25%) ou la réduction du budget pub (6,33%). Enfin, concernant les impacts sur la reprise de l’activité,  80% des entreprises interrogées pensent que la crise « aura un impact positif ou n’amènera pas de profonds changements sur leurs activités. Que ce soit dans l’organisation du travail ou dans la façon de gérer les cycles de vente, les compagnies de Nouvelle-Aquitaine pensent évoluer vers de meilleures pratiques », poursuit l’étude : seules 20% jugent que la crise sanitaire aura un impact négatif. « Selon les secteurs, les dirigeants se préparent à un pic d’activité (service B2B, automobile) ou à un palier de 2 à 3 trimestres avant la reprise d’une activité normale, ce qui pourra provoquer des difficultés. Le secteur de l’aéronautique, très impacté, ne reprendra son activité normale que d’ici deux ans ».

Spécificités territorialeschiffres économie Nouvelle-Aquitaine

 

« Globalement, il est devenu impossible de faire des notes de conjoncture classiques parce qu’on est dans une situation jamais observée auparavant, les modèles classiques ne marchent pas », observe Stéphane Levasseur, responsable de la division études sur le développement économique et l’emploi à l’INSEE Nouvelle-Aquitaine. La note de conjoncture qu’il a supervisée, sortie le 7 mai dernier, apporte des éléments recoupés à partir de celle effectuée par l’INSEE au niveau national, qui sort toutes les deux semaines. Elle fait état d’une baisse de l’activité économique de 31% (contre 33% au niveau national), soit l’une des « moins affectées des régions de métropole ». L’INSEE régionale, qui a analysé les variations d’activité économique régionale par rapport à une situation normale dans chaque région, évoque des « différences pas si importantes, si on met de côté les Dom. L’impact économique va de -31 à -34%, l’écart reste assez faible ce qui prouve que l’impact de la crise est visible partout. Ce qui fait la différence, c’est qu’on a un peu plus d’agriculture dans la région et qu’elle est moins touchée. A terme, on peut se poser des questions sur les saisonniers, dont beaucoup viennent de l’étranger… ». 

Ces données ne devraient pas être observables avant plusieurs mois. En revanche, on sait que le poids moins important des secteurs marchands dans l’économie régionale et que les services aux entreprises (notamment les activités scientifiques comme l’ingénierie et la RetD ou les services administratifs comme la compatibilité, les ressources humaines…) font partie des secteurs « impactés », autrement dit ayant perdu un à deux tiers de leurs activités. Le commerce non-alimentaire, la construction et l’hébergement restauration sont situés, eux, dans la catégorie des secteurs « très fortement impactés » par la crise, soit ceux qui ont réduit leur activité d’au moins deux tiers. En Nouvelle-Aquitaine, ces secteurs représentent près de 450 000 salariés, 130 000 non-salariés et se trouvent, dans huit cas sur dix, dans des établissements de moins de cinquante salariés. En additionnant les deux catégories (très impactées et impactées), on arrive à un total de 1,2 million d’emplois. L’INSEE ajoute d’ailleurs que « parmi les 1,9 million de salariés (hors intérimaires) qui travaillent en Nouvelle-Aquitaine en 2015, un peu moins d’un million exercent dans des secteurs fortement ou très fortement impactés par la crise économique observée depuis le début de la période de confinement. C’est également le cas pour deux tiers des non salariés (environ 200 000 personnes concernées). Enfin, comme lors de chaque crise, l’intérim est particulièrement touché : il concerne 50 000 personnes ».

Tout comme ordinairement, chaque territoire a également ses spécificités économiques : on est plus exposé sur les zones d’emploi littorales parce que l’emploi salarié « relève davantage de secteurs exposés » (on pense évidemment au tourisme), tandis que l’orientation industrielle de certains secteurs (l’étude cite Châtellerault, Parthenay et Bressuire) les expose différemment. « Les services non marchands et l’agriculture sont moins touchés, ce qui explique qu’en Creuse (-28%, comme dans les Deux-Sèvres) ou à Pauillac, par exemple, l’impact soit un peu moins fort qu’en Gironde (-33%), dont l’économie se base beaucoup sur les services aux entreprises », poursuit Stéphane Levasseur. 

Activités bancaires et création d’entreprises en berne

chiffres économie Nouvelle-Aquitaine

Sur les deux derniers indicateurs fournis par cette note, l’un est moins précis que l’autre. L’INSEE fait ainsi état de 1750 créations d’entreprises en mars 2020 en Nouvelle-Aquitaine, soit une baisse de 35% par rapport à février 2020 et même -39% par rapport à mars 2019. « La chute des créations est particulièrement importante en Gironde (- 48 %). Dans les autres départements, la baisse s’échelonne entre – 30 % et – 40 %. Les données d’avril sont encore provisoires, mais la baisse est encore plus forte : aux alentours de – 70 % par rapport à avril 2019 ». Cette contraction touche notamment les activités immobilières (-51%) ou le commerce (-40%). « Le nombre de créations a commencé à diminuer significativement dès la semaine du 9 au 13 mars (semaine 11), c’est-à-dire juste avant le confinement. Il s’est effondré la semaine du 23 au 27 mars ». Contrairement à la note de conjoncture nationale, l’analyse régionale de l’évolution des achats par carte bancaire ne contient pas toutes les données, notamment les autres types de  transactions (espèces, chèque, ticket restaurant, etc.). « De plus, à l’inverse des données utilisées à l’échelle nationale, notamment dans l’estimation de la perte de consommation des ménages, les données départementales intègrent certaines transactions non assimilables à de la consommation (dons à des associations, achat de timbres fiscaux, etc.) ».

Cependant, ces données confirment une baisse de -37%. Des chiffres qui, selon Stéphane Levasseur, seront utiles dans les semaines à venir. « Ça permet de mettre quelques chiffres concrets sur ce phénomène. On va suivre ça dans le temps pour voir l’ampleur de la reprise dans la consommation. Pour l’instant, on voit que ça remonte un peu, mais on ne peut pas dire que ce soit très net ». Une prochaine note de conjoncture régionale est attendue au mois de juillet. Pour la nationale, elle devrait être publiée mercredi et fournir davantage de données encore. Avant de déclarer un potentiel « état d’urgence économique », le secteur de la restauration et de l’hôtellerie devrait être scruté à la loupe dans les prochaines semaines face aux incertitudes de la reprise qui se profile. Dans un sondage récent publié par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Gironde (réalisé du 4 au 7 mai auprès de 1000 entreprises), on peut lire que 72% des commerces et (cafés, hôtels et restaurants) interrogés « redoutent un changement du comportement d’achat » et le manque d’équipements de protection individuels reste la principale préoccupation pour 70% d’entre eux.

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