Nouvelle-Aquitaine : Domofrance poursuit sa conquête régionale


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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 24/06/2020 PAR Romain Béteille

Si la signature effective n’a pas encore eu lieu, le bailleur social Domofrance a acté ce mercredi sa fusion territoriale avec deux ESH régionales qui deviendront donc Domofrance Pyrénées-Atlantiques et Domofrance Lot-et-Garonne. La première est Habitelem, basée dans les Pyrénées-Atlantiques (4505 logements en Béarn et au Pays basque), dont Domofrance assurait déjà la gouvernance en tant qu’actionnaire de référence depuis septembre 2015. La seconde, Ciliopée Habitat, est une société agenaise aussi implantée en Corrèze qui compte aujourd’hui 3917 logements en Nouvelle-Aquitaine. Ainsi, Domofrance, dont le groupe Action Logement est l’actionnaire principal, devrait représenter fin 2020, un chiffre d’affaires de 263 millions d’euros, regrouper 670 salariés (soit 150 de plus, 60% de ce nouvel effectif appartenant à Ciliopée), avoir un patrimoine de 40 000 logements et des objectifs annuels de 600 logements en accession sociale à la propriété (réparti entre neuf et ancien), 1000 à 1100 en réhabilitation et entre 1800 et 2000 logements locatifs.

Nouvelles cibles…

Cette réorientation se fait dans un contexte où la loi Élan, promulguée en novembre 2018, oblige les bailleurs possédant moins de 12 000 logements à se regrouper (d’ici fin 2021) et s’inscrit dans la suite logique du regroupement des régions imposé par la loi NOTRe. « L’enjeu n’est pas l’effet de taille », assure le président de Domofrance Philippe Rondot. « Le secteur évolue en profondeur. Habitelem était plutôt en forme mais avec la flambée des prix du foncier, elle n’était pas en capacité de porter tous ses investissements. Même chose sur Agen dans le cœur de ville, où le travail de l’office n’était pas suffisamment étoffé. Ça va lui permettre de pouvoir positionner une offre intéressante ». Le conseil d’administration sera doté de six administrateurs supplémentaires (24 contre 18 auparavant dont neuf représentants patronaux), et la région Nouvelle-Aquitaine aura son siège, tout comme la métropole avant elle. Pour autant, pas question pour Domofrance de parler de plan social derrière cette fusion. « Ce n’est pas une fusion défensive mais offensive qui veut avant tout conforter le maillage opérationnel » : deux comités territoriaux verront le jour à Pau et Agen, les sites déjà présents sur ces villes seront maintenus et les bureaux rattachés à Villeneuve-sur-Lot et Bayonne également conservés, assure la direction. « À Pau, nous ferons de la relation client. À Agen, de la gestion de contentieux », assure le directeur général Francis Stéphan, qui martèle encore que tous les salariés seront maintenus, qui plus est dans leur bassin d’emploi d’origine.

Les sociétés absorbées seront donc dissoutes le 30 août et regroupées autour de la marque Domofrance. Avant ça, le projet de fusion a été validé en assemblées générales les 22 et 23 juin dernier, une formalité si l’on considère que les deux ESH appartenaient déjà au même actionnaire, à savoir Action Logement. « On veut faire muter Domofrance vers une action régionale », complète le directeur, « même si nous souhaitons toujours rester chefs de file de la métropole. On sait qu’il y a de fortes attentes dans des zones tendues comme sur la métropole bordelaise et la Gironde, mais aussi en Charente-Maritime où l’enjeu de développement est fort. Il y a une forte pression et de gros besoins de logements dans les Landes, notamment dans le Sud. Ça pourrait aussi être l’occasion de relancer les actions cœur de ville, avec peut-être un peu plus de fluidité. On a identifié des priorités sur certaines villes : Pau, Bayonne, Dax, Mont-de-Marsan, Périgueux, Libourne, Agen, Marmande mais aussi en Corrèze, à Tulle ou Ussel. Dans les Landes, par exemple, on cible 200 nouveaux logements par an ». 

…et nouveaux enjeux

Il faut dire que ce chamboulement se fait dans un contexte hautement perturbé par la crise sanitaire et l’arrêt des chantiers. En mars, interrogé par Le Moniteur, Francis Stéphan assurait que 50% des chantiers étaient gelés concernant la réhabilitation. « Grosso-modo, on a un manque de chiffre d’affaires de l’ordre de 15 millions d’euros. Pour vous donner un ordre d’idée, tous les cent logements, on perd environ 2000 euros par jour de retard. Fin mai, tous les chantiers ont repris ». La situation sociale des locataires, elle aussi, a été fortement impactée. Dans un courrier adressé mi-juin au ministre du Logement et de la Ville, les présidents de la métropole de Grenoble et l’association des bailleurs sociaux de l’Isère (Absise) demandaient un soutien gouvernemental au logement social. Le second témoignait d’ailleurs d’une hausse de 17% du nombre de locataires en situation d’impayés depuis mars. Quelques jours plus tôt, un rapport national rédigé par six associations caritatives (dont Secours Catholique) soulignaient qu’en zones tendues, les personnes les moins fortunées représentaient 41% des demandes de logements sociaux mais 35% des attributions. Plus parlant encore, il souligne qu’une personne touchant les minima sociaux aurait 30% de chances en moins de trouver un logement social qu’une personne touchant le Smic.

Sur ce point de la présence d’un « critère financier » à l’entrée, Domofrance se défend. « Sur les 2500 logements livrés cette années, 70% relevaient des seuils PLAI (Prêt Locatif Aidé d’Intégration) et 40% des emprunts étaient sous le seuil de pauvreté. Nous sommes au rendez-vous de notre mission sociale. Nous devons faire plus, mieux et trouver de nouveaux modes de financement. Je considère que nous ne sommes pas au rendez-vous de ce qu’attend la société française pour ces publics les plus fragiles. Sur la production nouvelle, on est entre 10 et 15% en fonds propres, 5% de subventions et le reste en emprunt. Nous tournons entre 25 et 30% de fonds propres pour la réhabilitation. L’exploitation ne permettrait pas de porter le rythme d’investissement que nous avons. Ça veut dire qu’il faut arbitrer sur le patrimoine. Nous avons un rythme de session de patrimoine de 300 à 400 logements par an. Ce sont ces capitaux propres qui nous permettent d’investir, tout comme l’accession à la propriété neuve (vers 300 logements par an contre 200 actuellement), le développement de l’activité d’aménagement et des activités sur le tertiaire et le commercial, pour lequel nous réfléchissons à des partenariats. Pour faire du social, il faut des moyens. La puissance publique attend beaucoup de nous. Nous avons aussi des missions périphériques pour nous permettre de dégager des moyens pour apporter des réponses aux publics les plus fragiles et aux collectivité locales », souligne ainsi Francis Stéphan.
« On entend beaucoup parler aujourd’hui de co-usages dans les nouvelles formes d’habitat, il faut aussi que l’on soit attentif au niveau de l’ingénierie sociale pour stimuler cette initiative. L’association Soli’AL, qu’Action Logement a créé, vient d’adopter en AG une modification de ses statuts afin qu’elle puisse elle-même intervenir en tant que loueur de locaux. Elle deviendra pour un établissement comme Domofrance une couverture des risques locatifs et elle administrera la gestion de ces populations précaires auxquelles on doit répondre », ajoute Philippe Rondot. Domofrance, au niveau national, a aussi signé récemment un accord avec les associations représentatives de locataires « pour apporter une approche attentives aux impayés des familles en difficulté », un moyen de renforcer la médiation qui sera aussi signé cette semaine chez Habitelem et la semaine prochaine pour l’antenne locale de Domofrance.  

Mais la baisse des revenus des publics les plus précaires tend à s’intensifier (comme le souligne une récente étude nationale BPCE) « On a connu aussi un dérapage des impayés en mars (+9points), un peu moins en avril (+15 points sur les deux mois). On est en train de retrouver le train normal. Ce qui m’inquiète plus, c’est la crise sociale qui est devant nous, on verra à l’automne ce qu’il va se passer. Par contre, pour les plus de 480 locaux d’activité tertiaires ou commerciales, on va devoir faire de l’abandon de loyer ou du rééchelonnement du fait de l’absence de chiffre d’affaires de ces activités ». Nationalement, à partir du 30 juin prochain, les chômeurs et salariés confrontés à une baisse de revenus pourront demander une aide de 150 euros pour le paiement de leurs loyer ou le remboursement de prêts immobiliers. En attendant de voir si le marché du logement social saura tirer son épingle du jeu de cette situation, le plan de développement de Domofrance, pour l’instant, ne bouge pas. Entre 2018 et 2027, le nouveau groupe prévoit toujours d’investir 3,4 milliards d’euros et la construction de 2000 nouveaux logements par an, dont environ la moitié pour la Gironde et la métropole bordelaise.

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