Pierre Gattaz : « on a l’impression que les entreprises sont un mal nécessaire »


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Publication PUBLIÉ LE 22/04/2015 PAR Romain Béteille

Réhabiliter l’entreprise, tel est l’axe et le message clair de Pierre Gattaz depuis quelques semaines. Il était en visite à Bordeaux ce mercredi dans le cadre de l’assemblée générale girondine du Medef. « Il faut faire ce travail, réhabiliter l’entreprise et le monde du travail. Nous ne sommes pas contre les aides et les subventions : on n’embauche pas des gens parce qu’on veut les licencier. Ce qu’on a envie de dire à l’Etat, c’est qu’il doit libérer l’emploi, faire confiance aux entrepreneurs. C’est compliqué d’embaucher aujourd’hui, c’est risqué. Mais le moteur français est sur la table et il fonctionne au ralenti, alors qu’il pourrait être une Formule 1 », a déploré le Président du Medef. Le hasard fait apparemment bien les choses, puisque c’est ce même jour qu’était discuté en conseil des ministres le projet de loi sur le dialogue social, présenté par François Rebsamen, le ministre du travail, dans un contexte qui a vu l’échec d’un consensus entre les syndicats et le patronat en janvier dernier. Le texte, qui vise à simplifier des règles dites « trop formelles », présente certaines réformes importantes comme la création en 2017 d’un compte personnel d’activité (qui fera l’objet d’une nouvelle loi l’an prochain) ou encore une « prime d’activité » qui fusionnerait le RSA et la prime pour l’emploi (cela concernerait plus de 5,6 millions d’actifs). 

Le dialogue social ? Quel dialogue social ? Pour Pierre Gattaz, le problème du dialogue social français ne date en effet pas d’hier : « Le dialogue social, c’est une force, un facteur de compétitivité. Celui que nous avons inventé en France depuis 30 ans, c’est l’inverse. Il s’est hyper-complexifié, il est devenu bureaucratisé, technocratisé. Il y a plus de freins que d’avancées fondamentales, dans un monde qui, en plus, bouge à toute vitesse. Nous souhaitons un dialogue social d’agilité et de rapidité, soit le contraire de ce que nous avons mis en place avec un code du travail de 3500 pages, avec 10 couches… tout ça est trop compliqué, et c’est ce qui induit le fait qu’il y ait cette peur d’embaucher en France. Il faut redonner à l’accord d’entreprise la compétence sur tout ». 

« Une semi-réforme »Ce serait un euphémisme que de dire que la réforme présentée par François Rebsamen ne plait pas au patron du Medef, qui évoque « une semi réforme ». « Les vraies avancées se situent sur des entreprises qui comptent entre 50 et 300 personnes. Nous avions imaginé quelque chose de beaucoup plus ambitieux, comme la création d’une instance unique qui permettait de fusionner les Comités d’entreprises, CHSCT, Délégués du Personnel et Délégués syndicaux. Ca aurait simplifié drastiquement la vie des syndicats et de ce fameux dialogue social. Ce projet est très loin de ce qu’on aurait pu imaginer ». Un constat également renforcé par quelques exigences de la part du Medef, notamment basée sur une « flexi-sécurité », avec la création d’un CDI sécurisé aux conditions de séparation clairement identifiées, une baisse de la fiscalité et des charges « qui représentent aujourd’hui 58% des dépenses publiques dans le PIB soit presque 10% de plus qu’aun niveau européen », et enfin lutter contre la complexité administrative, à cause de laquelle l’économie serait « asphyxiée, avec une différence de charges de 132 millions d’euros avec l’Allemagne ». Une ou deux avancées ont tout de même été soulignées par Pierre Gattaz, comme la réduction du nombre de consultations par an (elles passeraient de 17 à 3), là aussi dans un souci de simplification. 

Un échec commun ? Mais le « patron des patrons » ne remet pourtant pas tout sur le dos du gouvernement : « nous sommes aussi responsables de l’échec, puisque nous n’avons pas abouti et nous l’avons beaucoup regretté car nous étions très proches de l’arrivée », confie-t-il. « Nous avions réussi après 4 mois de discussion, à un projet intéressant qui était équilibré et même assez audacieux. On n’a pas réussi à signer, mais on s’attendait à ce qu’un gouvernement puisse reprendre la totalité du puzzle qu’on avait imaginé, mais il a pris quelques pièces dont celle des Comités Paritaires régionaux pour les petites entreprises, qui est une inquiétude supplémentaire : c’est là où il y a un gisement d’emploi, ou l’on trouve le meilleur dialogue social. J’ai peur que cette pièce là effraie encore plus les petites entreprises, qui risquent de se renfermer encore un peu plus dans leur coquille ». 

« Restaurer la confiance » Pierre Gattaz a largement appellé de ses voeux un hypothétiques retour au plein emploi en 2020, affirmant que la France avait « tous les atouts et les capacités nécessaires ». « Nous devons construire le futur, y intégrer la révolution numérique, la transition énergétique, alors que la politique actuelle est de dénoncer les entreprises qui polluent trop. La pollution, c’est aussi très important pour les chefs d’entreprise mais elles ont tous les chercheurs, tous les scientifiques nécessaire pour trouver des solutions ! », souligne le chef des entreprises. « Même chose pour le tourisme : la France est la première destination mondiale, mais elle n’occupe que la 7ème place en termes de dépenses par touriste. Nous devons redonner confiance à la France en ses atouts qui pourraient remettre notre économie dans le top 3 mondial ». Pas sûr que cela soit pour tout de suite. En attendant, la réforme du dialogue social est loin de contenter tous le monde, chez le patronnat comme chez les syndicats. Interrogé par Europe 1, Phillippe Martinez, nouveau patron de la CGT, a déclaré que cette loi « n’était pas bonne ». « Le parlement va légiférer sur une loi qui prévoit déjà des dérogations pour ne pas appliquer la loi », a-t-il ajouté. 

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