Quand CDiscount se transforme en incubateur


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 15/06/2018 PAR Romain Béteille

En septembre 2017, une étude comparative du Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET) a mis les pieds dans le plat sur le sujet des conditions de travail des salariés français et européens. Le constat n’est pas vraiment brillant : les travailleurs français, grecs et espagnols ont été pointés du doigt comme les plus exposés à une dégradation de leurs conditions de travail. En détail, l’étude explique que les salariés français font face à une « dégradation lente mais persistante des conditions de travail, engendrant ainsi une vulnérabilité face aux risques liés au travail supérieure à la médiane européenne », de manière plus prononcée pour les hommes que pour les femmes. La problématique touche tous les secteurs d’activité, mais certains sont particulièrement sensibles à la question. Les 1758 salariés de CDiscount et sa vaste chaîne logistique basée à Cestas (110 000 mètres carrés) sont de ceux là. Bien qu’ils aient connu des épisodes moins glorieux sur la question dans le passé, le fleuron de l’e-commerce local semble essayer d’améliorer les performances et la pénibilité de ses salariés.

C’est en tout cas le point commun des cinq start-ups ayant rejoint depuis quelques semaines leur tout nouvel incubateur, basé dans des locaux de Canéjan appartenant à CDiscount. Après un appel à candidature ayant reçu une trentaine de réponses, l’entreprise, dont la stratégie commerciale s’oriente de plus en plus vers les services, a retenu cinq candidats sérieux pour que chacun puisse développer un projet au sein d’un laboratoire d’innovation dédié spécifiquement à l’amélioration de l’efficacité dans la chaîne logistique. L’espace en question et l’appel à ces entreprises spécialisées chacune dans un domaine en particulier correspond à plusieurs objectifs : tester des innovations mais aussi organiser des formations (au moyen de trois ou quatre ateliers par semaine) auprès des employés, histoire de voir si l’entreprise part dans la bonne direction. La Région Nouvelle Aquitaine a financé la création de cet incubateur, baptisé « The Warehouse », à hauteur de 150 000 euros et reste la seule institution publique à avoir fourni des fonds (même si on ne connaît pas le coût final de l’opération). Comme le confie Pierre-Yves Escarpit, directeur des opérations chez CDiscount, « travailler sur les conditions de travail, ça profite à l’entreprise. Les gens sont plus présents et quand on a besoin de personnel en fin d’année lorsque les ventes sont très fortes et qu’on doit faire appel à du volontariat, plus de 70% de nos CDI viennent travailler le samedi et le dimanche quand il faut sortir les colis. Au moment où on a monté le premier projet Exotech, on a constaté que le fait d’intégrer les collaborateurs a cette démarche de robotisation était essentiel dans l’acceptation de voir des machines travailler avec les hommes, que c’était complémentaire. Ce double sujet nous a fait dire que dans le cadre de l’incubateur, il fallait non seulement que l’on axe sur le sujet de la pénibilité mais aussi que l’on travaille avec les employés ». 

Voilà donc la particularité des cinq lauréats : chacun travailler sur une solution dont CDiscount aura évidemment la primeur. ShopRunBack, par exemple, est censé résoudre le problème du retour de gros produits (exemple : une machine à laver). Au moyen d’une application, l’entreprise fondée à Paris en 2014 propose un retour vers des sociétés marchandes à l’international, et est en train de viser l’Asie et les Etats-Unis. Le principe est simple : il veut faciliter le retour des produits du domicile des consommateurs vers des entreprises comme CDiscount. Tout est réglé clé en main, mode d’envoi auprès du transporteur, photographie au domicile du produit servant d’état des lieux notamment concernant le conditionnement et l’emballage du produit concerné, facilité d’intervention du transporteur pour le client (via, notamment, un délai de passage et un créneau précis) et le ré-étiquetage pour une remise en stock la plus rapide possible. HRV, elle, semble plus disruptive encore : grâce à un logiciel en 3D et à un casque de réalité virtuelle, elle mesure les risques prédictifs liés aux troubles musculosquelettiques des employés sur les chaînes de logistique. Le but : cartographier la pénibilité des postes de travail à un niveau industriel au moyen de statistiques précises qui seront par la suite validées par une collaboration avec l’Université de Perpignan, afin de prévenir les risques.

CDiscount Warehouse

Comme l’explique Pierre Foubert l’un des porte-paroles de cette entreprise spécialisée dans les solutions virtuelles au service de la santé, « on choisit une personne ou plusieurs pour étudier l’activité du poste de travail et mesurer sa pénibilité. Généralement, même si chaque personne est différente, la morphologie reste similaire d’un opérateur à l’autre. On utilise des règles de quotation existantes, elles ont été adaptées en fonction de certains secteurs d’activité. On n’a pas forcément de méthode dédiée à la logistique pour CDiscount, c’est l’objectif de notre intégration dans l’incubateur. C’est là dessus qu’on travaille avec l’Université de Perpignan en plus du développement d’autres fonctionnalités sur le logiciel comme la mesure des efforts (le port de charges) et l’aspect cognitif  notamment (charge mentale sur un poste de travail) ». Les trois autres start-ups sont toutes assez différentes, chacune correspond pourtant à une problématique très particulière. Ez-Wheel et ses chariots à roues électriques autonomes qui permet une assistance au déplacement des charges lourdes, NoMagic spécialisée dans les algorithmes développant un robot intelligent capable de sélectionner des produits dans un bac en vrac et de les empaqueter ou encore e-cobot et son « Husky », un robot intelligent capable de porter des charges jusqu’à 400 kilos. L’entreprise nantaise travaille actuellement sur un nouveau bras articulé pour son « cobot » (collaborateur robotique) capable de composer la palette idéale (en empilant les colis de la manière la plus performante possible, un peu comme les briques dans Tetris).

Pour CDiscount, imaginer de nouvelles solutions est évident le moteur d’un tel appel à candidature. « Si la solution était déjà sur l’étagère, on ne l’intègrerait pas dans un incubateur. L’idée ici, c’était d’amener sur le marché, et pour nous en premier, une création. E-Cobot travaille déjà avec plusieurs entreprises aéronautiques, mais le bras articulé qu’elle est en train de créer n’existe pas encore. Ez Wheel font déjà des roues mais pas autonomes ni articulées par des personnes de cette manière là. On voulait intégrer des start-ups qui nous proposent de développer avec nous un sujet innovant. Ils ont leur technologies, on a nos besoins, il y a un projet en commun a faire. C’est une sorte d’union libre, on les aide à se développer et peut-être qu’on investira chez eux si vraiment ils sont rupturistes ». Le premier contrat pour ces jeunes entreprises : arriver à sortir un produit en six à huit mois, même si rien n’est totalement figé. Quant au sujet de la pénibilité, il pourrait être le premier d’une longue série pour l’incubateur « The Warehouse », surtout quand on sait que CDiscount s’est récemment lancé dans les assurances de prêt immobilier ou le tourisme… Les produits prévus par cette première promotion sont en tout cas encore en plein développement. Le bras articulé de E-cobot, à titre d’exemple, pourrait être testé en situation réelle d’ici la fin d’année 2019. 

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