Quand Euratlantique accueille une école d’ingénieurs


Euratlantique
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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 26/03/2019 PAR Romain Béteille

Enjeu d’insertion

Il s’appelle François d’Assise, et pas pour rien. C’est un tout nouveau campus dédié à l’enseignement supérieur qui a prévu de s’installer en plein coeur du nouveau quartier Euratlantique, plus précisément au sud du Jardin d’Armagnac, en septembre 2021. Le projet a été initié par l’Association de l’Enseignement Catholique de Gironde (AECG), dont le réseau local compte aujourd’hui 73 établissements. Isabelle des Bourboux, directrice de l’Enseignement Catholique de Gironde à l’initiative du projet, précise qu’un diagnostic a été effectué en 2017 dans lequel on s’est rendu compte de la faible présence de l’ECG dans l’enseignement supérieur. Le champ de la formation professionnelle initiale sous statut scolaire a été complètement révolutionnée, il faut que nous prenions ce tournant. Ce qui peut nous permettre de le prendre, c’est l’innovation et la formation scientifique et technique, sur laquelle Yncréa (pôle privé associatif d’écoles d’ingénieurs) est très compétent. Deux établissements bordelais issus de l’enseignement catholique sont déjà embarqués, ce qui prouve qu’il y a déjà eu un effet induit de modification d’apprentissage de ces jeunes. Nous tenons beaucoup à ce que l’enseignement catholique soit présent dans l’enseignement professionnel, que ce soit en apprentissage, sous statut scolaire ou en formation continue, notamment à destination des plus fragiles. Il faut que nous réussissions à maintenir les capacités d’accueil que nous avons pour les formations en lycées professionnels. Or, au niveau national, l’enseignement catholique est un peu menacé sur ce champ là.. », a notamment précisé la responsable.

Construction et convictions

Mais concrètement, de quoi sera composé ce nouveau campus ? Le site s’étalera sur un peu plus de 9000 mètres carrés dont le groupe Yncréa occupera un peu plus du tiers (3200 mètres carrés), principalement dédié aux formations post-bac ADIMAKER et l’accueuil prévu de 750 ingénieurs dans des thématiques autour de l’usine du futur ou de la cybersécurité, notamment. Jean-Marc Idoux, directeur général d’Yncréa Hauts de France, précise les choses : « ce qui a motivé notre installation sur Bordeaux, c’était notamment cette complémentarité intéressante avec l’Usine du Futur. L’idée n’était pas d’avoir un campus de plus mais bien de participer à la création de valeur. On s’est aperçu qu’on était complémentaires, notamment en termes d’innovation pédagogique, avec l’offre locale. On veut être des révélateurs de talents au service des entreprises, pas juste des distributeurs de diplômes. On arrive avec une offre pédagogique variée : des classes préparatoires standard avec le lycée Grand Lebrun mais aussi deux offres post-bac originales. ADIMAKER se fonde sur une pédagogie par l’expérientiel : montrer aux jeunes que ce qu’ils font est utile, produit de la valeur. L’enseignant a un rôle de coach, de configurateur de compétences académiques. C’est une sorte de LEGO où l’étudiant apprend ses besoins par l’expérience et on vient compléter son savoir-faire académique ». 

L’AECG, lui, va déménager de son site de Cluny sur un espace d’environ 750 mètres carrés, même chose pour l’AFEPT, Les apprentis d’Auteuil et l’école de la deuxième chance. « Elle s’est installée il y a quelques années rue de Marseille et les élèves et équipes sont seuls dans ce lieu. Les discussions avec les apprentis d’Auteuil à Paris ont monté que si on voulait favoriser la mixité, il ne fallait pas créer de ghettos, il fallait donc intégrer ces jeunes dans des formations. La problématique est moins immobilière que sur l’insertion et la nécessité d’avoir un projet commun », précise ainsi Isabelle des Bourroux. Une résidence étudiante de 80 places est aussi prévue, de même que la création de « démonstrateurs » (ou « living-labs ») sur 500 mètres carrés (des sortes d’espaces pédagogiques dans lesquels les élèves, enseignants ou entreprises pourront tester des innovations) : celui sur l’Usine du Futur sera installé au CFAI de Bruges et un « magasin intelligent » rue du Loup en plein centre-ville de Bordeaux. Cette configuration nouvelle, avec des pédagogies plus expérientielles, est aussi motivée par des valeurs  socialesimportantes, comme le précise Isabelle Le Bourroux. »Mettre des jeunes qui viennent d’horizons sociologiques très différents, associer des décrocheurs à des parcours d’excellence, devrait permettre de préparer de meilleures capacités à travailler ensemble dans la vie de l’entreprise. Yncréa, dans la sphère de l’Institut Catholique de Lille, s’est posé la question de la formation de fond des ingénieurs. On sait très bien qu’il ne s’agit pas de faire des techniciens scientifiques ou de management mais d’être de bons chercheurs ou ingénieurs dans des entreprises capables de travailler avec des gens qui ne leur ressemblent pas. Cela devrait aussi bénéficier aux enseignants formés à l’ISFEC Aquitaine ». 

Pénurie d’ingénieurs

Cette nouvelle offre de formation d’ingénieurs baptisée ADIMAKER, a prévu de s’installer dès septembre 2019 (avant même l’arrivée du campus en lui-même dont la première pierre n’est pas attendue avant 2020), grâce à l’installation des deux démonstrateurs cités plus haut et à l’appui d’établissements et structures extérieur(e)s (en l’occurence le lycée bordelais Sainte-Famille Sainte-Onge, l’Université de Coventry en Angleterre et le réseau national des lycées catholiques proposant de l’enseignement supérieur, RENASUP). Yncréa compte également ouvrir au même moment un bachelor international d’ingénierie en lien avec l’université anglaise citée plus haut, dont le partenaire local est le lycée l’Assomption Sainte-Clotilde, situé à deux pas des démonstrateurs. A partir de septembre 2020, une offre de formation d’ingénieurs en alternance sera aussi proposée dont deux formations ISEN (Institut Supérieur de l’Électronique et du Numérique) autour de l’Usine du Futur et de la cybersécurité et une formation HEI centrée sur la « smart factory » (ou « usine intelligente »).

C’est bien ces formations spécifiques qui ont en premier lieu intéressé les collectivités territoriales participant au projet (la région Nouvelle-Aquitaine, la métropole et la ville de Bordeaux). Recruter dans les rangs des nouveaux ingénieurs en région est en effet un sujet éminemment stratégique : le déficit d’écoles d’ingénieurs y est encore notable, avec environ 8000 ingénieurs formés en région (dont environ 3500 sur la seule métropole) sur 140 000 au niveau national, ce qui se traduit par des difficultés pour les entreprises du territoire de recruter des ingénieurs proches. Le président du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, ne cache pas ses ambitions à ce sujet. « On a doublé le nombre d’élèves ingénieurs dans la région, je voudrais doubler ce doublement. Actuellement, en plus de ce projet, quatre écoles d’ingénieurs (centrées notamment sur l’aéronautique et les transports) sont en train de s’installer : on va quasiment doubler les capacités de l’ENSMA de Poitiers (mobilité aéronautique), l’Université de Bordeaux va doubler l’institut de maintenance aéronautique sur des champs un peu plus larges pour répondre à ce cursus débuté à Latresnes et continuer cette attractivité de la région à l’égard de la maintenance, l’ESTACA, et l’ouverture en 2018 d’ELISA Aerospace à Saint-Jean d’Illac », a continué Alain Rousset. « On a besoin d’ingénieurs comme il va les faire, c’est-à-dire par apprentissage. On a fabriqué trop d’ingénieurs qui n’adressent que les grands groupes, or notre problème industriel français, c’est les PME qui deviennent des ETI. 80% des PME industrielles sont des sous-traitants des grands groupes. Plus on aura fait faire des stages en entreprise dans le cadre de l’école, plus on irriguera notre tissu et notre aménagement du territoire ». 

Calendrier définitif (?)

En termes d’effectifs, on l’a dit, le campus François d’Assise prévoit d’accueillir 750 élèves ingénieurs sur les cinq ans de formation, dont environ 450 en apprentissage. Les financements publics des collectivités (environ douze millions d’euros) seront flêchés vers l’école d’ingénieur, mais le coût global du projet est estimé à 28 millions d’euros. Et le campus ne sera pas non plus retranché ou isolé par rapport au reste du quartier avec notamment des commerces d’artisans, une école ou des bureaux à proximité. Seules les formations ADIMAKER et le bachelor international auront des frais de scolarité (environ 6500 euros par an). « Même si on est reconnu par l’État sur nos missions de service public, on n’a pas forcément de subvention. Mais les étudiants bénéficient de nombreuses aides via des Fondations, des bourses d’entraide, des prêts d’honneur. Environ 30% de nos  5500 étudiants sont boursiers », ajoute ainsi Jean-Marc Idoux. Si Yncréa s’installe pour la première fois à Bordeaux, on trouve ses campus et ses formations d’ingénieurs dans d’autres villes en France, comme à Lille, Rennes ou Nantes. Si les financements et le projet architectural définitif ne sont pas encore arrêtés, le calendrier du campus bordelais, lui, est déjà statué : première pierre en mars 2020, ouverture des deux formations d’ingénieurs en apprentissage en septembre 2020 et installation physique définitive du campus en septembre 2021. 

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