Quand le vignoble a la gueule de bois


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 24/07/2017 PAR Romain Béteille

Selon les estimations dévoilées par le Ministère de l’Agriculture et son bureau de statistique Agreste, la récolte 2017 devrait être inférieure de 17% à celle de 2016 et de 16% si l’on prend la moyenne de ces dernières années, avec 37,6 millions d’hectolitres. Des chiffres inférieurs à ceux de l’année 1991, mauvais cru à la fois en raison du gel et des conditions de récoltes. Au printemps dernier, le gel sévère s’est fait ressentir sur les bassins du Bordelais et des Charentes, mais aussi en Alsace et dans le Jura, les quatre plus affectés. Selon des chiffres publiés en mai dernier par la Fédération des Grands Vins de Bordeaux (FGVB), les deux nuits de gel de fin avril dans le bordelais auraient entraîné des pertes moyennes d’au moins 30% en volume sur la prochaine récolte, ces chiffres étant plus ou moins élevés chez les professionnels du secteur. On sait en tout cas que les deux épisodes de la fin avril ont durement impacté plus de 60 000 hectares du Médoc au Sauternais (sur les 114 000 hectares du vignoble local).  

À noter que selon Agreste, la grêle devrait aussi avoir des conséquences sur la récolte dans le Sud-Ouest mais également en Bourgogne, dans le Languedoc et le Sud-Est. Autre phénomène entraînant des pertes, notamment sur les vignobles du pourtour méditérannéen : la chute des fleurs ou jeunes baies, appelée « coulure » (notamment dans la vallée du Rhône). Selon les premières estimations, ce sont les vins pour eau de vie (comme le cognac) qui devraient être les plus touchés par cette chute du volume de récolte : une baisse prévue de 31% à 5,36 millions d’hectolitres contre 7,72 millions en 2016 et une moyenne de 8,21 millions entre depuis 2012. En ce qui concerne les vins bénéficiant d’une appellation d’origine protégée (AOP), on parle d’une baisse d’un ordre d’environ 12% (18,45 millions d’hectolitres contre 20,9 hl en 2016) tandis qu’elle serait de 15% pour la récolte des vins à indication géographique protégée (IGP) avec 10,89 millions d’hectolitres contre 12,8 l’année dernière. Mais c’est sans aucun doute les vins sans aucune indication géographique qui pourraient le plus souffrir, avec une diminution estimée à 27% et 2,9 millions d’hectolitres contre 3,9 millions en 2016. 

Pertes et recours ? 

Évidemment, ces pertes en volume devraient s’accompagner logiquement d’importantes pertes financières liées à l’exploitation. Sur ce point, le directeur de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux, Yann le Goaster, est plus prudent. Interrogé par Sud-Ouest en mai dernier, les deux nuits d’avril représenteraient « plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires potentiel perdu ». Certains vignobles, comme le chabils et le champagne, peuvent toujours compter sur quelques réserves de vins non commercialisés d’une année sur l’autre pour réduire l’incidence des aléas climatiques. En revanche, toutes les régions n’ont pas forcément recours à ce système. Et quand on pense aux 80 à 100% des vignes touchées par le gel dans le sud du Médoc (Margaux, Lalande-de-Pomerol, Blaye, Côtes de Bourg ou Pessac-Léognan ont aussi été très touchés) et aux 70 à 80% touchées à Saint-Émilion, les chiffres de ces derniers mois ne sont pas forcément rassurants. D’autant que, rappelons le, seuls 25% des viticulteurs bénéficient d’une assurance contre le gel ou la grêle. « Nous travaillons avec le ministère pour mettre sur pied des mesures structurelles passant par une amélioration du régime assurantiel et du régime fiscal d’épargne », a notamment déclaré à l’AFP Bernard Farges, président du comité national des AOP/AOC.

Ces dernières ne seront malheureusement pas d’un grand secours cette année. Dans un communiqué datant du 18 juillet dernier, la FGVB détaille les mesures d’accompagnement possibles : chômage partiel (dans lequel l’Etat verse à l’employeur pour chaque heure chômée une aide de 7,74 euros exonérée de charges sociales), assurance récolte, traitement fiscal des indemnités d’assurance et, notamment, la mise en place du régime des calamités agricoles, dans lequel seuls seront éligibles « les dégâts sur les plantations nouvelles induisant des pertes de fond, c’est-à-dire la destruction des plants, sachant que, selon le syndicat des pépiniéristes, 50 % des plants commandés cette année (7 millions au total) ont été livrés et plantés. Le Ministère de l’Agriculture vient d’indiquer que la mortalité sur les complants de vigne serait éligible à la procédure calamités agricoles au même titre que les parcelles de jeunes plantations », peut-on lire. Bref, ça ne sent pas très bon pour les vignobles du Sud-Ouest en 2017. Reste un petit espoir, prodigué par le sommelier Phillippe Faure-Brac. Interrogé par l’AFP, ce dernier affirme qu’il est « encore trop tôt pour tirer une conclusion sur la qualité du vin de cette année qui dépendra du climat jusqu’aux vendanges, et des conditions de récolte. Pour l’instant, les conditions climatiques ne sont pas mauvaises du tout, mais sur la quantité, ce sera économiquement très tendu, c’est sûr ». 

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