Optimisme d’arrière saison
Chaque année à l’occasion de la rentrée de septembre, le Comité Régional du Tourisme (CRT) de Nouvelle-Aquitaine dévoile les chiffres et données de la fréquentation estivale des touristes français et étrangers dans la région. L’occasion de découvrir les tendances annuelles en termes de fréquentation et les nouvelles pratiques qui s’en dégagent. Et la première des choses que l’on peut remarquer, c’est le bilan optimiste des professionnels du secteur, malgré un début d’été en demi-teinte. Il faut dire que 2017 avait été un cru particulièrement significatif, avec pas moins de 28,1 millions de touristes et 175 millions de nuitées, ce qui classait la région en première destination des touristes français (12,1%), notamment en camping (22,6%). Selon les premières estimations, l’été 2018 suivrait la tendance : 58% des professionnels interrogés sont ainsi satisfaits de leur fréquentation de juillet-août (dont 68% sur le littoral et 66% dans les villes, bien que l’on ait constaté un tassement à Bordeaux). Dans l’intérieur, ils ne sont plus que 43%. Selon le CRT c’est notamment dû à « l’effet canicule » et à l’envie des touristes de prendre quelques jours « au frais ». Cependant, plusieurs destinations ont largement tiré leur épingle du jeu en augmentant leur activité : La Rochelle-Ile de Ré (57% de satisfaits), le littoral médocain (65%), Périgueux (75%), les Deux-Sèvres (68%) et l’intérieur de la Haute-Vienne (58%). L’arrière saison, selon le rapport du comité, « devrait tenir toutes ses promesses » avec un indice de satisfacton de 70% et une hausse de la fréquentation autant de la part des français que des étrangers.
Carte du monde
C’est un constat global et la deuxième tendance forte (peut-être la plus notable) que l’on peut tirer de ce rapport de rentrée est que les étrangers sont de plus en plus nombreux à venir visiter la région. C’est une tendance nationale : en 2018, la France devrait ainsi franchir les 90 millions de visiteurs étrangers et rester la première destination mondiale. Si Paris pèse lourd dans la balance (entre autre chose auprès de la clientèle chinoise et japonaise, très friande des charmes de la capitale), les autres destinations se défendent plutôt bien, même si le tourisme intérieur a connu des résultats décevants en juillet et ce pour plusieurs raisons, notamment le phénomène des grêves perlées, le climat, la hausse du prix des carburants, la coupe du monde et « une offre plus attractive à l’international » (notamment du côté des compagnies low-cost, de plus en plus nombreuses à investir les aéroports comme on peut régulièrement le constater sur Bordeaux-Mérignac, pour rester local).
Le petit retard de la clientèle étrangère en Nouvelle-Aquitaine constaté ces dernières années semble sérieusement réduire l’écart. Et ce, pour plusieurs raisons, comme le souligne Michel Durrieu, directeur général du CRT Nouvelle-Aquitaine. « On monte en gamme. Plusieurs hôtels quatre ou cinq étoiles sont en train de voir le jour notamment le Splendid de Dax ou le Radisson Blue aux Bassins à Flots, ce qui nous donne des capacités nouvelles ». La Nouvelle-Aquitaine a ainsi accueilli 57 000 nouveaux clients étrangers entre janvier et juillet en 2018 par rapport à la même période en 2017 (soit une hausse de +7%), et cette dernière a vu réserver 128 000 nuitées supplémentaires dans les hôtels, dont l’activité est en hausse d’environ 7% selon les données de la Banque de France. « Au final, même si le début de saison n’a pas été très bon, les professionnels sont plus rassurés pour août et septembre. On va certainement égaler ou dépasser les performances de l’an dernier », précise Michel Durrieu. Dans le détail, on note ainsi une fort appétance des marchés lointains (+55% pour le Proche et Moyen-Orient, +22% pour les Etats-Unis, +21% pour le Canada, +21% pour le Japon) où l’on constate les augmentations les plus significatives. Le marché européen, lui, grimpe aussi mais de manière plus diffuse (+12% pour l’Allemagne, +14% pour la Belgique, +16% pour l’Irlande). De là à envisager une ligne Bordeaux/New-York comme l’espère le directeur du CRT, il n’y a qu’un pas qui, selon lui, pourrait plus facilement être franchi.
« Boom », fait la location privée
Les locations privées de vacances (de type Airbnb) ont, on le sait, explosé. « En fait, ce n’est pas le stock de locations disponibles qui explique cette forte hausse, mais plutôt des canaux de distribution plus efficaces ». La durée de location de ce type de biens s’est rallongée (on table plutôt sur huit semaines que sur quatre) et ils sont loués à une clientèle étrangère dans plus de 40% des cas : plus d’1,5 millions d’entre eux ont ainsi plébiscité les logements locatifs pendant la saison estivale, soit une croissance de plus de 25% par rapport à 2017. Certains territoires comme la Creuse, la Haute-Vienne ou la Corrèze ont largement profité de cette aubaine, avec des progressions supérieures à 40%.
Et pour Michel Durrieu, ce ne sont pas les récentes restrictions prises par plusieurs villes en France (dont Bordeaux) pour endiguer l’effet ciseaux des logements locatifs sur la réserve de logements en ville qui risquent de modifier la tendance. « Ce ne sont pas les excès qui permettaient que ça fonctionne. Il faut arriver à accompagner cette progression. Cet accompagnement fait qu’il n’y aura sans doute pas de décision qui bloquerait le système. Globalement, on devrait arriver à supprimer les excès et apporter cette capacité nécessaire pour accueillir plus de monde ». Bref, la Nouvelle-Aquitaine a visiblement la côte auprès de la clientèle étrangère, même si l’identité régionale est peut-être moins prononcée qu’ailleurs. Et ce n’est pas le nouveau site du CRT régional, prévu pour être lancé en octobre prochain et qui mettra l’accent sur plusieurs destinations phares avec une traduction en cinq langues, qui risque d’inverser le mouvement…