Vinexpo veut changer de perspectives


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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 18/04/2019 PAR Romain Béteille

Un nouveau cap

La concurrence est rude, et toute hésitation à occuper le terrain la sert. C’est peut-être par cette phrase que pourrait le mieux se résumer la présentation officielle de la prochaine édition du salon Vinexpo à Bordeaux qui se tiendra au Parc des Expositions du 13 au 16 mai prochain. L’arrivée, début avril, du nouveau directeur général du groupe, Rodolphe Lameyse, après des mois de vacances, devrait évidemment faire de cette édition une « entrée test » importante dans un contexte social que les hôteliers bordelais et le directeur de la CCI, Patrick Seguin, n’ont pas manqué de souligner dernièrement en émettant des inquiétudes. Le profil du nouveau directeur, qui s’affiche bien davantage comme un expert des salons internationaux que comme un expert du vin (avant de rejoindre Vinexpo, il était directeur à Singapour du portefeuille de Food and Hotel Asia, gros salon professionnel dédié à l’industrie de l’alimentation, de la boisson et de l’hôtellerie), même si ce dernier affirme qu’en Asie, « les gilets jaunes c’était Paris et rien d’autre; Bordeaux, je n’en ai jamais entendu parler », ne saurait en revanche masquer la réalité des chiffres. 

Si l’édition 2017 affichait un ratio de 2300 exposants, l’édition 2019 revendique « un salon à taille humaine » en refusant de se comparer aux salons concurrents (même si Vinexpo Paris compte clairement attaquer Wine Paris, qui a réuni 2000 exposants en février dernier, sur son propre terrain) comme Prowein, qui compte se renforcer en Asie pour faire face à Vinexpo Hong Kong, le plus gros salon de la marque, et Vinexpo Shangaï. Comme ils l’ont déjà fait en septembre dernier, les dirigeants de Vinexpo comptent se tourner vers le « premium » avec des rencontres sur-mesure (rendez-vous d’affaire personnalisés, accueil optimisé avec notamment un transport gratuit et des places pour les différents musées). Le résultat, c’est un nombre d’exposants revu à la baisse, à la fois, selon la CCI (propriétaire de Vinexpo à 96,5%), par choix stratégique mais aussi par constat subi : même si les prix pour un stand n’ont pas bougé depuis 2015 et ne comptent pas le faire pour cette édition non plus (3495 euros pour un stand de six mètres carrés tout inclus), les ambitions affichent désormais « 1600 sociétés de vins et spiritueux de 29 pays » (soit 20% de moins que les objectifs annoncés en septembre dernier) dont 15% de nouveaux exposants et trois nouveaux pays : la Suède, la Turquie et le Vietnam. Un pavillon « donnant accès au salon aux plus petites structures » a également été créé, tout comme l’implantation de PME/TPE viticoles régionales proposées par l’Agence de l’Alimentation Nouvelle-Aquitaine (AANA).

Les organisateurs, en revanche, ont refusé de communiquer tout chiffre sur le nombre de mètres carrés occupés (tout juste signe-t-on la disparition du Hall 3), estimant la donnée peu pertinente eu égard au changement du paysage concurrentiel, affirmant avoir choisi d’être « plus ramassé au niveau des espaces pour mieux gérer les flux et favoriser la relation de contact entre les exposants et les visiteurs ». « En Asie, tout le monde ne considère pas que c’est obligatoire de venir à Bordeaux. Certains de nos clients ont fait le choix de réduire la surface à Bordeaux pour investir à Shangaï. La course au gigantisme et au nombre de visiteurs ne fait pas partie de notre stratégie. Notre volonté, c’est d’offrir une surface qualitative et un portefeuille de produits qui va permettre à nos clients de choisir l’espace où il est le plus pertinent. J’entends les inquiétudes, mais l’environnement concurrentiel fait que c’est aujourd’hui le client qui choisit, même si on développe une stratégie d’accompagnement derrière », a pour sa part affirmé Rodolphe Lameyse.

Du vert dans le verre

Que compte donc faire Vinexpo au niveau de son programme pour espérer tendre vers cette fameuse « offre premium » tant vantée ? Pour les professionnels en visite, l’accès au site et l’accueil dès l’aéroport ou la gare seront renforcés, promet l’organisation, avec des transferts et une signalétique propre. De même, si 60% des exposants de Vinexpo sont traditionnellement français, l’international est clairement visé avec des pays comme l’Argentine, l’Afrique du Sud, l’Espagne, l’Italie ou la Chine. Les acheteurs asiatiques ou américains ne seront pas non plus en reste. Du côté du bio, l’offre proposée au travers de l’espace dédié (World of Organic Wine) regroupera 150 producteurs (contre 120 en 2017) issus de neuf pays différents. En tout, Vinexpo comprendra une quarantaine d’évènements et notera la présence traditionnelle de l’Union des Grands Crus de Bordeaux, des Crus Bourgeois du Médoc ou de Gambero Rosso et, pour la première fois, de Renaissance des appellations, évènement dédié à la biodynamie qui s’était jusqu’à présent tenu un peu à l’écart d’un salon qu’il jugeait « trop traditionnel ».

Le pas du verdissement de discours ne passe pas que par cette ouverture. Le mardi 14 mai, le premier « Symposium Vinexpo« , baptisé « Act for Change », sera consacré à l’impact du changement climatique sur la filière du vin et des spiritueux. Il rassemblera un plateau d’experts, du climatologue américain Grégory Jones au géographe et Président de l’Académie du Vin de France Jean-Robert Pitte, au travers d »interventions très rapides, dans une sorte de show façon télévision, assez rythmé pour aller à l’essentiel et montrer les innovations et les avancées déjà en cours ». Cette opération, qui ressemble fort à celle qui s’est déroulée en février dernier au Palais des Congrès (elle est d’aileurs financée en partie par le CIVB), sera partagée entre débat et tables rondes autour de sujets comme l’intégration du changement climatique dans la stratégie commerciale. Il se tiendra au sein du nouveau Hall 2 du Parc des Expositions entre 10h et 16h30. Enfin, Vinexpo veut s’ouvrir au grand public avec, la veille du salon, une grande dégustation de vins du monde organisée au Palais de la Bourse dans laquelle 49 professionnels issus de 19 pays viendront faire déguster leurs vins pour « montrer la diversité auprès du consommateur ».

Stratégie à définir 

Et pour la suite ? Vinexpo se défend sur son propre terrain en affirmant que son déploiement au travers de cinq itérations est bien maintenu : Hong-Kong fin mai, Shangaï en octobre, New-York en mars, Paris et Vinexpo Explorer qui investira le Beaujolais entre fin septembre et début octobre. Les ambitions internationales revues à la hausse ne pouvant pas masquer les baisses d’ambitions en termes de visitorat du salon bordelais (l’indicateur qui permettra de parler de succès pour l’édition 2019, qu’il soit en termes de surfaces ou de ratio entre exposants et visiteurs, n’ayant d’ailleurs pas vraiment été tranché…), les organisateurs affirment en revanche laisser la porte ouverte à d’autres itérations futures. Ainsi, l’itération tokyoïte, un temps discutée, est visiblement au point mort pour l’instant, de même qu’une éventuelle implantation en Inde, même si la porte n’a pas été fermée.

« Avant de lancer un salon, il faut analyser trois choses : le potentiel du marché (au travers du nombre de ses distributeurs ou retailers) qui se discute en amont, la cohérence du calendrier dans lequel il est de plus en plus compliqué de trouver sa place et enfin le lieu (à la fois pour des questions d’acheminements, de douanes et de régulation ). Nous ne sommes pas contre lancer d’autres éditions ailleurs, mais nous voulons aussi consolider les éditions déjà existantes. La restructuration via la création de joint-ventures semblait en tout cas une piste sérieuse, chaque salon étant une société unique venant alimenter la holding). Pour Bordeaux, en tout cas, 2019 sera certainement l’année de tous les regards. « Bordeaux a inventé ce type de salon et il était tout seul. Aujourd’hui, les entreprises ont réduit leur surface. Le modèle évolue, l’offre doit aussi évoluer. Il y a eu des moments de flottement mais nous y sommes toujours très attachés », a souligné Stéphane Delaux, adjoint à la mairie de Bordeaux chargé de l’attractivité économique, du tourisme et des grands événements. Plus qu’à découvrir si les participants le sont aussi.

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