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L'ÉDITO

 par Joël AUBERT Joël AUBERT
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12/07/2020

Aiguillon et Bayonne : deux drames de la barbarie et de « la banalité du mal »

 

Dans l'un et l'autre cas les agresseurs avaient, à quelque chose près, le même âge. Quelques 26, 27 ans. L'enquête en son stade actuel met en évidence, ici, l'usage de la drogue et son business, oublions le défaut de permis de conduire ; là des antécédents résumés sous l'expression : « connus des services de police. » Rien d'étonnant, dès lors, qu'entre Bayonne et Aiguillon, des milliers de citoyens se soient rassemblés, avec les élus locaux, pour crier leur refus de cette barbarie. Car ne nous y trompons : ces drames, classés dans la rubrique des faits divers, appartiennent à une forme de délinquance sauvage qui gagne du terrain et n'épargne plus ni les villes moyennes, ni certaines petites cités du monde rural.

On pourra s'étonner et nous reprocher d'employer le mot barbarie pour évoquer ces deux drames. Que l'on consente, cependant, à considérer que le mot fait écho à la définition du Petit Larousse, la moins brutale et la plus révélatrice de ces actes : manque de civilisation. Nous sommes là, en effet, face à l'inculture, à une forme de violence qui ignore ce qui fait société... Aux yeux de ces hommes la suite logique d'une réprimande, d'un refus d'accepter et même d'entendre le rappel de la règle commune, c'est la violence. Et, au besoin, jusqu'à la mort de celle ou celui qui tente de la faire respecter. Le mal est profond et que l'on nous permette, ici, d'évoquer Hannah Arendt et « la banalité du mal ». Bien sûr nous ne sommes pas dans l'Allemagne nazie et ces nouveaux bourreaux n'ont pas été enrôlés par un dictateur né de la faiblesse de la démocratie...

Mais le mal reste le mal et il est au cœur de la condition humaine quand elle est dévoyée à ce point. Et que nous nous accomodons de cette marginalité dont les causes sont nombreuses : familles renonçant au minimum d'autorité bienveillante précoce, familles mono-parentales dont la découverte du nombre dans certains quartiers de nos villes où l'on ne s'aventure pas laisse interdit, école ou collège dont les enseignants font ce qu'ils peuvent pour sauver ce qui peut l'être encore du corpus républicain, impuissance à peine avouable, tant cela leur coûte, des responsables de la police avec qui l'on parle en confiance et qui ne peuvent rien face à la vanité de la sanction pénale, souvent symbolique qui ne résoud rien et, parfois, aggrave le mal par le biais de la prison, école de la récidive...

Alors, que faire ? Scander le besoin d'autorité comme le nouveau ministre de l'intérieur l'a fait à Bayonne ? Renforcer les moyens des polices municipales souvent en première ligne ? C'est bien davantage que cela qu'il faut entreprendre : se doter d'une politique de la ville qui soit autre chose que cache-misère comme Jean-Louis Borloo l'avait proposée avant d'être moqué par l'hôte de l'Elysée, nouer un dialogue très approfondi avec les enseignants qu'il faut soutenir et protéger, ne pas laisser prospérer davantage un communautarisme qui intègre son propre système au sein de la République, mettre en œuvre, au-delà des bonnes intentions, des peines alternatives à la prison pour les primo-délinquants... Une réponse qui, jusqu'ici, ne concerne que 5 à 6% des peines prononcées et qu'il est question de développer; les Travaux d'Intérêt Général étant l'occasion, plus que jamais, de centrer les priorités sur la solidarité en temps de crise et les défis environnementaux, au cœur de la vie quotidienne. Et puis, à l'heure où les réseaux sociaux sont, si souvent, le déversoir de la haine sociale, y compris pour un oui ou pour un non, et où les jeux vidéo sont si souvent, aussi, le lieu de la banalisation de la violence extrême, ne pas craindre de renouer avec un grand effort d'éducation populaire qui a fait, il y a peu encore, la preuve de sa capacité à servir les valeurs républicaines.

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