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L'ÉDITO

 par Joël AUBERT Joël AUBERT
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05/12/2010

De Wikileaks au Monde en passant par Owni.fr : ce journalisme « de données » qui change la donne.

Faut-il bouter de l'Hexagone Wikileaks et ses révélations fracassantes ? C'est en tout cas le souhait du gouvernement français, en la personne d'un ministre Eric Besson qui, en changeant de portefeuille - l'industrie et le numérique remplace l'immigration et l'identité- n'a rien perdu de sa pugnacité et de sa fidélité au sarkozysme. En l'occurrence, il s'agirait d'abord de trouver les moyens techniques d'empêcher la diffusion des informations recueillies par ce site dont les révélations sur la guerre en Irak avaient, déjà, fait surgir sur la planète numérique, et la planète tout court, des vérités plus que dérangeantes. Cette fois, c'est le jeu diplomatique mondial, depuis les Etats-Unis, qui est porté à la connaissance de tous par l'entremise d'un jeune pirate fournisseur de Wikileaks. Avec la complicité des majors de la presse quotidienne mondiale, du New York Times au Monde, en passant par El Païs,Le Guardian ou Der Spiegel, qui décident de publier ces notes confidentielles « retravaillées » et mises en perspective.

Voici qu'émerge le « data journalism », le «journalisme de données » ou, mieux encore, selon l'expression du site français Owni.fr, « le journalisme augmenté » « Nous sommes un peu comme des horlogers. Pour créer de la valeur, on crée une interface plutôt que de créer du contenu. C'est un peu comme avoir une très belle montre pour regarder l'heure. L'article n'est plus au centre, on raconte des histoires avec les moyens technologiques d'aujourd'hui. En d'autres termes, nous ajoutons une nouvelle couche de valeur ajoutée pour la diffusion des informations. » Voici la définition, quelque peu scientiste, qu'en donne Nicolas Kayser-Bril responsable du "data journalism" chez owni.fr (1), partenaire français de Wikileaks.
Arrêtons-nous donc sur cette approche qui bouscule les pratiques professionnelles et rencontre nécessairement un écho considérable au nom de la liberté d'expression. Internet, toujours plus sulfureux, légitimerait, enfin, le vrai journalisme à moins qu'il ne s'agisse de la disparition de l'autre qui resterait de connivence avec les pouvoirs. Le débat grand ouvert vire souvent à la caricature. La collecte de l'information, l'enquête, la recherche de la vérité devraient être l'apanage d'une profession qui en ayant accédé à la liberté de publier sans autorisation préalable- en France c'est la loi de 1881- a des droits étendus et un certain nombre de devoirs. Passons sur la question des révélations qui touchent aux personnes et à leur vie privée ; elles ne grandissent pas notre profession mais font le beurre des gazettes spécialisées. Cherchons, plutôt, du côté de l'accès aux sources dont on sait qu'il est en théorie libre et ouvert mais, en pratique, toujours plus aléatoire. Songeons au temps qu'il aura fallu pour que s'engage vraiment le travail d'un juge dans l'affaire de l'attentat de Karachi, regardons, malgré les déclarations de principe, les difficultés du pouvoir à déclassifier des documents essentiels à la découverte de la liberté par un juge... La presse, en ne renonçant pas à parler de cette affaire, participe à sa manière à la recherche de la vérité. Il y faut du temps, de la constance, parfois de la chance et des informateurs qui libèrent leur conscience. Dans le cas de ce que l'on nomme le « cable gate » on aimerait connaître la face cachée de la transaction qui a permis leur publication par Wikileaks. Et par voie de conséquence dissiper un certain malaise et s'interroger, avec nos confrères qui reprennent ces informations, les expurgent, et revendiquent un vrai travail d'analyse pour éviter d'être débordés. 

Joël Aubert

1 . interview au Point.fr le 1.12.2010

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