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L'ÉDITO

 par Joël AUBERT Joël AUBERT
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30/09/2012

Décentralisation: le changement? mais dans la continuité

D'abord, il fallait évacuer la création du fameux conseiller territorial, cet élu hybride du conseiller général et régional, né de la commission Balladur et imposé par Nicolas Sarkozy. Il est déjà mort né.

Ensuite, rouvrir le dossier de ce que l'ancienne majorité désignait comme le mille-feuille.  La pyramide institutionnelle française tient le choc et résiste au... « changement ». D'ailleurs, le président du Sénat Jean-Pierre Bel l'a affirmé, il y a peu,: « ce serait une vraie fausse bonne idée » que de supprimer un échelon de collectivité. Donc la Région, le département, la commune, les intercommunalités ont toujours de beaux jours devant eux. C'est tout juste si la jolie invention qui s'appelle « le pays » , et n'a jamais été un échelon d'administration territoriale, va continuer à mourir de sa belle mort, sans argent, mais en continuant à être un lieu de dialogue social et sociétal.

Il n'était qu'entendre les échanges noués, ce samedi 28 septembre à Libourne. Là, de façon très oecuménique, les six sénateurs de Gironde, trois de gauche, trois de droite, préparaient en présence des élus, maires pour beaucoup et conseillers généraux, l'ultime session des « Etats généraux de la démocratie territoriale » voulus par le président du Sénat et qui aura lieu à Paris, ces 4 et 5 octobre.

Ce qui était frappant, c'est au fond le presque parfait consensus qui rassemble les sénateurs lorsqu'on débat de décentralisation, et en particulier pour ne rien changer, ou si peu. Tous sont attachés à la commune, y compris la plus modeste, et pas seulement parce qu'ils sont, justement, les élus des maires et conseillers municipaux. Plus que jamais cette exception française – 36.000 communes  - reste un facteur de cohésion sociale dans un pays vieillissant, bousculé par la mondialisation. Les intercommunalités, elles, n'ont pas cette assise historique et ne sont pas, non plus, le lieu du débat démocratique pourtant hautement souhaitable. Elles sont devenues un échelon de gestion de territoires que l'Etat a poussé à s'entendre quand les communes seules ne le pouvaient ou le voulaient pour des raisons où la politique et les égos avaient souvent plus que leur part. Elles n'échappent pas aux critiques, notamment parce qu'elles se dotent de personnels en nombre important mais il est vrai qu'elles ont désormais une capacité d'agir dont les seuls échelons communaux et cantonaux ne disposent pas.

Face à ces évolutions les départements et régions doivent relever de nouveaux défis.

Le département, lieu privilégié de l'action sociale, imposé d'ailleurs le plus souvent par l'Etat lui-même, est en première ligne du rapport avec le citoyen. Songeons, par exemple au RSA dont le nombre de bénéficiaires n'a cessé de grimper, à l'APA, l'aide à la personne en perte d'autonomie ...Autant de compétences décentralisées dont le coût est très important, alors que la fiscalité propre du département est très dépendante des droits de mutation...

La Région, encore bien plus contrainte que les départements sur le plan financier, a progressivement occupé le terrain du développement économique. Elle va, ici, se voir confirmée par l'Etat en tant que chef de file sur les territoires avec le levier de la Banque publique d'investissement bientôt créée. Mais comment faire vivre ces évolutions sans ressources nouvelles? Question plutôt iconoclaste quand l'Etat, comme le rappelle Alain Anziani rembourse, chaque heure, six millions d'intérêts pour le service de la dette. Les dotations de l'Etat ne suffisent plus à faire face aux engagements de beaucoup de départements dont une trentaine connaissent de sérieuses difficultés financières.

Trente ans après les lois Defferre la gauche au pouvoir ne peut pas s'exonérer, si elle veut vraiment réussir le fameux acte 3 de la décentralisation, de mettre à plat un système institutionnel, souvent redondant. Il lui faudra sans doute autoriser une fiscalité nouvelle pour les collectivités mais en même temps renoncer à vouloir tout faire et tout contrôler. Parallèlement, et surtout si la clause de compétence générale est rétablie pour toutes les collectivités, cela leur créera l'obligation de choisir et de ne pas disperser leurs moyens. Elles devront, et le moment qui se présente est crucial, se poser une autre question essentielle, celle de la mutualisation des moyens, au lieu de défendre bec et ongles leur pré carré. A gauche, les défenseurs du Département et ceux de la Région se regardent encore trop souvent en chien de faïence ; il leur faut travailler de façon complémentaire, s'imposer ainsi des économies de fonctionnement et prouver à l'Etat qu'elles peuvent prétendre à l'efficacité sans son habituelle tutelle. En seront-ils capables ? C'est en tout cas l'un des enjeux du changement qui s'annonce.

 

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