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L'ÉDITO

 par Joël AUBERT Joël AUBERT
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12/02/2012

Etat-Collectivités locales: le rendez vous manqué de l’Elysée…

Il faut dire que Nicolas Sarkozy, depuis son entrée à l'Elysée, a mis le paquet pour casser le dispositif institutionnel issu des lois de décentralisation des années 80. Ainsi est né, sous le parrainage d'Edouard Balladur, le projet de création d'un élu de troisième génération, le conseiller territorial, sujet hybride puisque siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional, deux collectivités territoriales revues et corrigées au point d'être reléguées au second plan, au profit d'une France des villes, intercommunale celle-là. Et ceci, à contre courant de l'organisation institutionnelle qui prédomine en  Europe. Qu'il s'agisse de l'Allemagne, de l'Italie ou de l'Espagne.

Cette réforme dont l'application  est évidemment suspendue à l'éventuelle réélection de Nicolas Sarkozy a crée de tels mécontentements, à gauche comme à droite d'ailleurs, que le Sénat a basculé à l'automne dernier.

Le contexte de ce faux sommet de l'Elysée, en pleine période électorale, était  donc nécessairement tendu et ne pouvait qu'accoucher de profonds désaccords. Alain Rousset pour l'Association des Régions de France et Charly Lebreton pour celle des Départements de France, chacune aux mains du PS, étaient les porte-parole d'une opposition faisant valoir que le moment n'était sans doute pas le mieux choisi pour s'entendre mais ils n'étaient pas seuls. En effet, au nom des maires de France dont il est le président; Jacques Pélissard, maire UMP de Lons-le-Saunier, n'a pas caché ses vives réserves à l'égard du projet de pacte de stabilité des dépenses publiques proposé par le tandem Sarkozy-Fillon pacte qui, déjà, découle du gel des crédits d'Etat aux collectivités, désormais déconnectés de l'inflation. En un mot: oui à la concertation, non à l'imposition. Il faut croire que ces arguments étaient recevables puisque que le premier ministre a trouvé une enveloppe de secours auprès de la  Caisse des dépôts pouvant aller jusqu'à 5 milliard d'euros à consommer au plus vite !...

Le débat de fond est connu : tandis que l'Etat montre l'exemple, fait des économies, supprime un fonctionnaire sur deux, les collectivités - cette autre France, de gauche pour l'essentiel -  continue à embaucher sans compter. Et il n'est pas faux de souligner que la décentralisation a été source de création abondante d'emplois publics. Cent mille de 2007 à 2011 affirme le ministère du budget.

Encore faut-il rappeler que l'Etat, progressivement depuis vingt ans, et singulièrement ces dix dernières années a transféré aux collectivités des compétences qui lui coûtaient trop cher et dont il était bien content de se débarrasser. Rappelons pour seuls exemples, parmi beaucoup d'autres, les routes nationales refilées aux départements, les lycées aux régions avec tous les agents techniques et de services entrant ainsi dans la fonction publique territoriale...Tout cela sans compter les dispositifs nouveaux crées au nom de la solidarité - songeons au Revenu de Solidarité Active -  dont les départements ont hérité et dont le coût ne cesse de croître dans une France dont le nombre des pauvres va grandissant.

Il ne faut donc pas s'étonner qu'au nom du principe de « libre administration », inscrit dans la Constitution, les collectivités aient fait usage de cette liberté. La crise économique leur crée maintenant, plus que jamais, l'obligation de faire preuve de rigueur. La plupart le font, même si elles se sont exposées, il y a peu de temps encore, à de légitimes critiques pour leur affichage, parfois ostentatoire.

Et, puisque la gauche socialiste est en première ligne dans ce débat entre l'Etat  et les Collectivités locales, elle a le devoir de l'être aussi dans les évolutions nécessaires de la décentralisation. N'annonce-t-elle pas, au cas où son candidat à la présidentielle l'emporterait, un acte III de la décentralisation, avec à la clé de nouvelles ressources fiscales spécifiques ? Ce serait une raison supplémentaire de mettre à plat le système d'administration des collectivités, de s'interdire des redondances, de regrouper des compétences dont la proximité invite à conjuguer économies et efficacité. On pense, ici, au chantier à ouvrir entre Régions et Départements qui, déjà, aurait dû l'être lorsque le pouvoir actuel a lancé son projet de réforme territoriale. L'occasion se présenterait, également, de clarifier les compétences déconcentrées de l'Etat car, là-aussi, des économies sont possibles.

Toute une classe politique nourrie de la force de ses habitudes, de ses certitudes confortables, de ses cumuls d'un autre âge, serait-elle capable d'accepter et conduire pareille réforme ? La question est posée mais l'enjeu est crucial pour redonner du souffle à notre démocratie fatiguée.

Joël Aubert

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