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L'ÉDITO

 par Joël AUBERT Joël AUBERT
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23/10/2011

L’Europe s’en va à vau-l’eau

La prospérité ? Elle s'éloigne chaque jour davantage, sous l'effet dévastateur du capitalisme financier, dévoiement absolu du capitalisme. Et, là, il est  significatif que face à la crise, à la dette des Etats qui ont vécu à crédit, l'Amérique  en tête, gendarme du monde auquel nous avons beaucoup trop obéi, l'Europe, la vieille Europe soit en première ligne. Celle dont on attend qu'elle bouche les trous des pays impécunieux qui par leur irresponsabilité,  les avatars du clientélisme notamment, ont jeté leurs peuples dans la misère.

L'Europe, donc, en première ligne. Quelle Europe ? Celle de ce directoire franco-allemand qui n'ose pas dire son nom mais entend faire la pluie et le beau temps et ne parvient pas à s'entendre. Ce couple franco-allemand devenu improbable pour résister en temps de crise et qui va devoir, dans la précipitation, recapitaliser ses banques de peur qu'elles ne basculent dans la déroute...

Le divorce franco-allemand, malgré les envolées, est patent. Il ne fait que souligner, aujourd'hui, la vanité du traité, celui de Lisbonne, qui devait donner à l'Union Européenne une manière de gouvernement et qui, en réalité, n'a accouché que d'un vague condominium, présidé par un ancien premier ministre belge, d'ailleurs aux ordres.

Oui, l'Europe s'en va à vau-l'eau, de sommets en sommets, avec un Parlement croupion et des institutions qui, en temps de crise, ne sont que le plus petit dénominateur commun. L'Allemagne et les pays du Nord de l'Europe ne veulent plus payer pour ceux du sud ; l'Allemagne dont les décideurs ont une obsession historique, celle de l'inflation. Quant à la France, elle tente se sauver sa peau face à l'insupportable hégémonie doctrinale des agences de notation, gardes prétoriennes de ce capitalisme financier qui ruine les Etats et désespère les peuples.

Sombre constat dira-t-on, au moment où dans la douleur une solution qui n'a que trop tardé à venir s'élabore à Bruxelles...il y a belle lurette que le fédéralisme, le rêve de ces Etats-Unis d'Europe, a disparu.

La question n'est pas de tenter une  impossible unité politique. Elle est morte née. Non, ce qui est aussi important que nécessaire, c'est de profiter de cette crise fondamentale de l'Europe pour ...sauver l'Europe.

D'abord, en commençant par compléter les outils au service d'une économie concertée. A quoi bon s'être donnés un grand marché et une monnaie unique si les états membres ne partagent ni politique fiscale, ni politique sociale ? Le citoyen, celui vous savez, que l'on fait voter une fois tous les cinq ans, est las de ces invraisemblances. Il veut bien admettre, à la limite, que « Continental » fabrique ses pneus en Roumanie  mais quand on lui dit que le salaire que la firme y paie est trois fois inférieur au SMIC, il crie au scandale... L'Europe, au lendemain de la chute du mur de Berlin, de l'effondrement du communisme, s'est bercée d'illusion. Jacques Delors en tête. L'élargissement à marche forcée était un leurre. Il l'était d'autant plus que cet ensemble politique était ingérable, avec des institutions hybrides et une commission européenne impuissante et sans légitimité populaire. Cela n'a jamais été aussi évident qu'aujourd'hui. Il faut donc se donner les moyens de dégager une majorité qualifiée que les traités prévoient mais qui n'est pas opérationnelle.

Ensuite pour se défendre, il faut que l'Union ait la force de se doter de ses propres moyens de coercition. Qu'il s'agisse de la protection de sa production et donc de la manière dont elle tape sur la table face à la Chine ou aux pays émergents ; qu'il s'agisse aussi du contrôle des mouvements de capitaux, cette fameuse régulation qu'on annonce et ne reste, elle aussi, qu'un leurre.

Le chantier est immense mais nous ne partons pas de rien. Il y faut de la volonté et un sens aigu de l'Histoire. Pas celle qui s'écrit, les yeux rivés sur son calendrier électoral, mais celle qui place le peuple au cœur de l'action politique et des choix essentiels. On aimerait, sans trop y croire, que la prochaine élection présidentielle n'oublie pas cette exigence et le nouveau défi européen.

Joël Aubert

  

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