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L'ÉDITO

 par Joël AUBERT Joël AUBERT
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18/03/2012

L’urgence industrielle ! Bien plus qu’un livre, un impératif catégorique.

Le premier mérite de cette « urgence industrielle » est de pointer du doigt certaine vieille lune de la pensée technocratique française. Et d'abord celle d'homme comme Christian Stoffaes qui théorisait dans leurs ouvrages « la Grande menace industrielle » (2), une spécialisation fine de l'appareil de production autour de créneaux porteurs. C'était le temps du beau discours des « champions nationaux » comme le rappelle Gabriel Colletis, à la différence de ce qui se passait en Allemagne et au Japon où on définissait de véritables branches industrielles ou filières.  Ce discours nous en avons été témoins dans les années 70, quand il prenait un véritable essor, au moment où le premier choc pétrolier bousculait nos industries traditionnelles et déchirait le tissu local, jetant au chômage, déjà, des milliers de gens sans autre alternative...que l'assurance du même nom. Oui, il faut le répéter, avec force, et le livre de Colletis nous en redonne l'occasion: la classe dirigeante de ce pays porte une très grande responsabilité dans l'effondrement de l'industrie française. Du haut de nos quelques certitudes technologiques, de nos avions par exemple ou du dynamisme de notre industrie automobile, nous pouvions regarder avec ce qu'il fallait de condescendance bleu blanc rouge la naissance d'une économie des pays dit du sud.

Et, puisqu'il est si souvent question de nous évaluer à l'aune du modèle allemand où l'exportation est reine, observons, justement, la stratégie des groupes automobiles de l'Hexagone. Edifiante ! Remarquons au passage que la production de Renault est réalisée en majorité hors de France depuis 2005... En 2002 l'industrie automobile française produisait 3,3 millions de véhicules dans l'Hexagone et l'Allemagne  4,8 millions, chez elle. En 2008, les productions respectives étaient de 2,1 millions (-36%) et 5,4 millions (+13%). En 2010, la France a vendu pour 15 milliards de voitures et en a importé pour 22 milliards....La réalité est aussi simple que cruelle : les grands groupes français, et pas seulement ceux de l'automobile ont, bien plus que les allemands ou les japonais, investi massivement à l'étranger, en remettant en question « leur nationalité ».  Plus de quatre millions de salariés à l'étranger et évidemment la perte relative de notre capacité exportatrice.

Ce constat, enrichi de beaucoup d'autres considérations qui amplifient l'erreur industrielle française, appelle des propositions de renouveau. Elles sont réelles et indissociables du contrôle de la financiarisation excessive de l'économie ; elles nécessitent surtout que l'on « réarticule l'économique et le social », que la nation mette le paquet sur l'éducation, la formation initiale et professionnelle, que tout soit fait pour qu'émerge le " travail cognitif ", ce qui implique l'existence d'un véritable collectif au sein de l'entreprise, à des années lumière de ce que trop souvent vivent les salariés de ce pays. Qu'un autre développement, en quelque sorte, voit le jour au service de la société, en respectant mieux la nature et en redonnant toute sa place au territoire. Cet ancrage territorial dont nos grands groupes se sont si peu inquiétés, à quelques exceptions près. Un immense chantier s'ouvre ainsi, aussi passionnant qu'ardu, mais dont le maître mot se nomme démocratie. Si nous en parlions, pendant les trente six jours qui nous séparent du 22 avril ?...

Joël Aubert 

1. L'urgence industrielle, Gabriel Colletis, éditions le Bord de l'Eau, www.editionsbdl.com 

2. La Grande menace industrielle, Christain Stoffaes, Calmann-Levy

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