Centrale du Blayais : « Des défaillances inacceptables »


Jack ma (creative commons) et Aqui.fr
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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 12/12/2016 PAR Solène MÉRIC

C’est un dossier d’ampleur nationale et à épisodes, débuté en juin. Mais en résumé, l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a mis à jour qu’une vingtaine de réacteurs nucléaires français (sur les 58 existant au sein des 19 centrales françaises) présentaient des anomalies sur leurs composants forgés résultant de défaillances lors de la fabrication de ces pièces. L’anomalie en question étant la présence ponctuelle d’une concentration en carbone trop élevée dans la composition de l’acier, réduisant ainsi sa résistance mécanique avec pour possible conséquence la rupture de ces pièces. Cas de figure qui serait pour le moins catastrophique, un tel scénario n’étant même pas envisagé dans la liste de sûreté des centrales…
« L’EPR 1 de la centrale du Blayais, fait partie de cette liste, son générateur de vapeur (GV) présentant de manière ponctuelle (particulièrement sur le fond du bol du GV) des taux de 0,32% de carbone, là où le maximum autorisé est de 0,22% », a expliqué M. Fremaux, pour le compte de l’ASN. Une anomalie issue donc d’un défaut lors de la fabrication de la pièce en 2009 par la forge du Creusot, propriété d’AREVA. Une découverte qui a entrainé la réalisation d’un certain nombre de contrôles permettant, après un triple niveau d’examen d’écarter la présence et le risque de faille de la pièce. Pour autant, face à cette situation, l’ASN a demandé à EDF « de mettre en œuvre des mesures conservatoires de conduite sur les phases d’arrêt et de redémarrage de l’EPR, afin d’éviter une montée trop rapide en chaleur », poursuit l’expert. Une procédure acceptée par l’exploitant qui a permis le redémarrage de l’EPR 1 au 12 septembre 2016.

15 dossiers falsifiés sur les réacteurs 1, 3 et 4Mais dans le cadre de ces contrôles ; l’ASN a également mis en œuvre des vérifications au niveau des dossiers de fabrication de l’ensemble des pièces issues de la forge du Creusot. Dossiers, dont des copies, selon la procédure classique de contrôle ont été envoyées par l’entreprise à EDF qui les fait suivre à l’ASN pour validation avant l’installation des pièces en question. Mais au cours de l’instruction dans les locaux de l’usine, « l’ASN s’est aperçue qu’il existait des dossiers barrés, et même non barrés, dans les archives de l’entreprise, dont les résultats sur les contrôles qualité différaient de ceux reçus et contrôlés par l’ASN ». En d’autre terme, ce n’est rien de moins qu’une volontaire falsification des dossiers contenant des malfaçons sur un certain nombre de pièces.
Sur 87 dossiers ainsi falsifiés au niveau national, 15 dossiers concernent les réacteurs 1, 3 et 4 de la Centrale de Blayes, ce qui en fait la centrale la plus concernée par ces malversations. Sur 15 dossiers, 9 présentent un écart de référentiel avec les exigences du client. « Une pratique inacceptable ! », pointe avec force M. Fremaux, qui précise que 10 personnes de l’ASN sont au niveau national et à temps plein, en charge de l’instruction de tous ces dossiers.
Pour autant, bien que la pratique soit pointée comme « inacceptable » et ait donné lieu à une information au Procureur de la République, « l’ASN a accepté les justifications d’AREVA et d’EDF après de longues négociations, et a donc accepté le redémarrage des 3 réacteurs concernés ». En effet pour le représentant d’EDF présent à cette AG de la CLIN, « les écarts constatés sur les dossiers barrés, ne portent pas atteinte au bon fonctionnement de l’équipement »…

Assemblée générale de la Clin2016, présidée par Alain Renard


Le contrôle déclaratif remis en causeUn dossier qui n’a pas manqué de susciter les réactions et questions tant des membres de la Clin que du public « citoyen » ou engagé, tel que des représentant de Tchernoblaye, Greenpeace, Sepanso (les 2 dernières faisant partie du conseil d’administration de la CLIN), l’Observatoire du Nucléaire ou encore le parti EELV. Des interventions interrogeant les suivis qualité mis en place au sein d’EDF dans le rapport avec ses constructeurs, d’autant plus pointé du doigt à l’aune d’une récente proposition d’achat d’AREVA par EDF… Rachat qui amènerait donc à mettre sous une même entité constructeur et exploitant des centrales. Une hypothèse vivement critiquée par les associations présentes et sur laquelle Alain Renard a également fait part de « la forte préoccupation de la CLIN sur ce sujet qui pose la question de l’indépendance du contrôle de l’un par rapport à l’autre. Nous en appelons à la vigilance de l’Etat sur ce dossier ».
Un contrôle et un système de suivi qualité à tout le moins imparfait tant concernant les process interne à EDF que ceux mis en place au sein de l’ASN, qui jusque-là autorisait l’installation des composants uniquement sur la base des documents transmis. Des méthodes de contrôle purement déclarative, pointées par les membres de la CLIN et autres participants à la réunion. Des méthodes qui « font désormais, et au vu de notre retour d’expérience, l’objet de réflexions au sein de l’ASN », assure en réponse son représentant.
Si l’ASN confirme avoir transmis ses informations et découvertes auprès du Procureur de la République, l’Observatoire du nucléaire qui a porté plainte sur ce dossier, a prévenu avoir inclus outre AREVA et EDF, l’ASN dans sa plainte, considérant « inadmissible la défaillance totale et pendant des années, d’un organisme présenté comme étant le plus compétent en la matière». Plus mesuré, le Président de la CLIN, a pour sa part tenu à souligner que, même perfectible sur ses contrôles, « c’est l’ASN qui a été à l’origine de la détection de ces défaillances absolument inacceptables, et qui a fait le choix de communiquer dessus ».

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