Esprit de Vélox ou la naissance d’un navire de recherches interdisciplinaires


Anne-Lise Durif
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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 11/10/2019 PAR Anne-Lise Durif

« Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde ». Cette aphorisme de Ganghi, François Frey l’a fait sien après des années à râler contre le décalage entre notre conscience de la dégradation de l’environnement et l’absence d’actions concrètes. Durant près de deux décennies, cet ingénieur issu des Arts et Métiers a eu accès aussi bien aux rapports de recherches des scientifiques qu’aux projets d’innovations technologiques des grandes entreprises. Et le temps de tirer deux conclusions : « D’une part, les rapports des chercheurs sont peu accessibles au grand public. D’autre part, entre la recherche ou l’ingénierie, chacun travaille dans sa spécialité sans se préoccuper de ce que font les autres. C’est un univers où tout le monde est en concurrence et où chacun rêve de trouver LA solution qui nous permettra de nous passer du pétrole et du charbon […] sans se dire qu’on peut trouver des complémentarités chez les uns et les autres. Tout est cloisonné, figé». Les volontés ne manquent pourtant pas et François Frey veut leur permettre de se rencontrer.

L’Esprit de Vélox, une référence historique

Le déclic lui vient dans la forêt Amazonienne, lors d’une mission bénévole auprès d’une ONG en 2013. Le trop plein d’absurdités constatées dans son quotidien d’occidental, la confrontation à d’autres réalités du monde et les longues nuits équatoriennes lui font coucher en une semaine son projet de navire de recherches sur un cahier d’écolier. Il l’appelle Esprit de Vélox en référence à une goélette futuriste de la fin du XIXe siècle rassemblant les technologies de pointe de l’époque. François Frey imagine une embarcation de 55 mètres de long par 20 mètres de larges pouvant accueillir 35 personnes. A son bord, toutes les énergies renouvelables du moment pour le faire fonctionner et limiter ainsi son impact sur l’environnement. Il compte y rassembler ingénieurs, industriels et chercheurs pour leur permettre de créer ensemble des solutions aux défis climatiques, environnementaux, énergétiques et socio-économiques de demain. Son projet étend l’interdisciplinarité aux Sciences Humaines et au monde artistique, « car les grandes avancées du monde se sont toujours faites avec les idées des Sciences Humaines » analyse-t-il. Toujours dans cet esprit d’approche globale des problématiques,  il a opté pour un super laboratoire mobile en mer plutôt que fixé à terre, dans le but de « permettre aux chercheurs de mieux appréhender les différents paramètres et besoins des territoires explorés, afin d’apporter des solutions spécifiques à chacun.» Si les idées sont bien là, il reste à mettre sur pied ce projet à 115 millions d’euros et ce n’est pas une mince affaire.


Le projet Esprit de velox en 3D

Premiers fonds en juillet 2018

A ceux qui le traitent d’utopiste, François Frey rétorque : « Si c’est dans le sens de concevoir des choses qui n’existent pas, j’en suis un. Si c’est dans le sens d’inventer des choses qui ne se feront jamais, c’est n’est pas moi ». Les débuts du projet, lancé en 2014, sont « très solitaires », mais la détermination et la pugnacité de cet ancien de La Marine finissent par payer. La Région, l’Union européenne et l’équipe du Solaar Impulse s’intéressent de près à son projet. En juillet 2018, un des leaders mondiaux des technologies d’avant-garde, la société ABB, signe un partenariat avec le programme Esprit de Vélox pour fournir le matériel de fabrication et de stockage de l’énergie, « soit l’équivalent de 25 à 30 millions d’euros en équipements, sur le coût total du projet », estime-t-il. « ABB  accompagne les projets innovants depuis longtemps, comme Solaar Impluse, expliquent les dirigeants d’ABB, Si on regarde l’ensemble des technologies nouvelles, elles ont à peu près toutes été éprouvées mais jamais ensemble dans un environnement précis. C’est une innovation porteuse de sens en termes de défi technologique mais également de valeurs, et pour nous, ce ne peut être qu’un projet fédérateur pour nos salariés. »

Objectif pole Sud

C’est le début, non pas de la consécration mais de la concrétisation.  En février 2019, l’équipe d’Esprit de Vélox qui s’est constitué autour de lui, lance un fonds de dotation, espérant attirer d’autres mécènes.  Et ça marche : « Sur les 66 millions de programme en recherche et développement, nous avons rentré 28 millions de mécénat ». Cet été, le projet en était à sa phase de collecte de fonds pour lancer la construction du bateau, qui devrait prendre deux ans. « On a identifié un chantier naval qui pourrait faire l’affaire », explique François Frey, qui cherche une entreprise capable de créer un navire de type grand trimaran ou catamaran, capable de résister aux conditions extrêmes des pôles, où devraient se concentrer les premières missions. L’Ifremer s’est greffé au projet pour aider à adapter l’intérieur du bateau en termes d’équipements. L’objectif est de démarrer la construction en 2020 pour une livraison en 2022 et ses premiers tours en mer. La première expédition consisterait à faire une boucle de cent jours sur l’Atlantique avec une quinzaine de scientifiques à bord.  


François Frey en 5 dates :

Avril 1966 : naissance de François Frey en Bretagne.
1990 : décroche son diplôme des Arts et Métiers et intègre la Marine Nationale à Brest.
1995 : arrivé à La Rochelle
2014 : lancement du projet Esprit de Vélox
Juillet 2018 : signature avec le premier mécène d’Esprit de Vélox, la société ABB
Juillet 2019 : présentation du projet à l’exposition Mer XXL à Nantes

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