Les (petites) merveilles d’Aqui! – Retour sur l’Île aux Oiseaux


Alice
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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 30/09/2014 PAR Alice

Le petit déj englouti, une partie de pétanque acharnée s’engage de l’autre côté de la cabane. Là, il fait une chaleur impressionnante. Une vigne accrochée à une gouttière témoigne du changement de climat. Incroyable, on dirait la Méditerranée. Et pourtant, seuls 10 mètres nous séparent de la terrasse de mes amis. De ce côté-ci, aussi, la vue ne manque pas de charme. Au loin, émergeant des tons verts, violets et roux de la lande, les deux cabanes tchanquées, emblèmes du Bassin d’Arcachon, apparaissent gracieusement. Du haut de leurs échasses, ces sentinelles semblent légèrement tanguer au gré de la marée. Grandes séductrices, elles captivent tous les regards hypnotisés.

« On y va ? » Ce coup-ci mon ado n’y coupera pas. On part faire le tour de l’île. Premiers sentiers, senteurs, couleurs… Une grande diversité de fleurs, d’herbes hautes et de buissons accompagne notre balade. Très vite, longeant les esteys, nous croisons les premiers lacs. Difficile de distinguer les vrais des faux, mais canards, courlis et sarcelles se dorent les plumes aux derniers rayons du généreux soleil de l’été. « Et là ? Par où on passe ? ». Seuls, les habitués savent où mènent ces chemins. Nous continuons, à la queue leu-leu. On écoute, on discute… « C’est ici, la piscine de Peio. Elle est souvent très chaude… Enfin, selon la marée. J’y allais déjà, petite ». L’estey élargi laisse paraitre un endroit plus profond. Idéal. L’eau est transparente. « Coucou, qu’est-ce que vous faites ? ». Partis à la pêche aux couteaux, quelques jeunes, armés de sel, cherchent les doubles-trous spécifiques des coquillages… Ils guettent. « Ça y est, j’en ai un ! ». Mon ado ne nous suivra pas plus loin.

Brigitte, ses filles et moi, poursuivons notre périple. Rapidement nous rejoignons les cabanes tchanquées. Elles, qui nous paraissaient si lointaines, se dressent maintenant, fières, devant nous. Là, retour à la civilisation. Des bateaux de luxe échoués sur la plage débarquent leurs touristes, pour un quart d’heure ou la journée, avec leurs pique-niques. Comme eux, nous nous approchons les cabanes. L’une d’entre elles a été complètement refaite il y a près de 5 ans. Le style est splendide. Le bois est roi. Il fait la part belle aux transparences pour profiter au maximum des lieux et de la vue exceptionnelle. Au sol (ou plutôt, dans l’eau), une lumière rasante se joue des piliers de bois blanc. Des crevettes nagent entre nos pieds dans une eau irisée par le scintillement des particules de lumière qui dansent dans l’air. « Tiens regarde, nos pêcheurs de couteaux sont là ». Du haut de la balustrade, nous voyons en effet les silhouettes du petit groupe apparaître le long d’un estey, derrière la dune.

L'île aux oiseaux (Gironde)

Allez ! on repart, s’ils veulent, ils peuvent nous rejoindre. Mais ils auront mieux à faire… Nous, nous allons de quartier en quartier. Chaque groupe de cabanes, il y en a 6, est différent. Comme des villages qui se distinguent les uns des autres par une ambiance, des couleurs, un style bien particulier. Mais à chaque fois, des pontons de bois, un arbre central, une harmonie de couleurs sur les volets… rassemblent et lient les cabanes entre elles. Nous approchons de la partie privée de l’île. Direction « l’Afrique ». Derrière des buissons arborescents se cache l’une des plus belles cabanes de l’île. Elle semble seule au monde, et fait face à l’entrée maritime du bassin. Nouveau climat. Brigitte s’inquiète, un arbuste semble prendre ses aises. Non je ne le connais pas. « Il n’était pas présent auparavant». Va-t-il rompre l’équilibre écologique de l’île ? Les pins eux aussi tentent, depuis longtemps, de s’emparer de l’île. Par endroit, des restes de vergers. Ils rappellent qu’il y a eu autrefois des personnes pour vivre de longs mois sur l’île, en quasi-autarcie. Il y avait de tout : pommes, abricots, pêches, figues, vigne… Cachées dans un bosquet quelques poules sauvages égarées interrompent le calme des lieux. Les cabanes sont presque toutes vides. Leurs habitants sont repartis ; c’est bien la fin de l’été ! Délicieuses, les mûres des ronciers, nous le rappellent.

Notre tour est fini, nous avons marché pendant un peu plus de trois heures ! Comme ça fait du bien !Ce soir, les jeunes ont décidé de prendre leur douche… enfin !… dans la mer. Un vrai rituel à la tombée de la nuit. Fraicheur d’un moment de franche rigolade où Peio viendra se joindre aux plus grands. « Même pas froid ! ». Mais avant, c’est le grand dîner. La soupe de palourdes nous attend. Et, avec elle, tout un festin de fruits de mer ramassés, ici et là, à quelques pas. Les jeunes ont déjà trouvé la recette des couteaux à la plancha. Tous les goûteront. Pas mal du tout ! Si l’on m’avait dit, il y a une semaine, que mon ado savourerait des couteaux pêchés sur l’île aux Oiseaux…

L’ambiance est simple, joyeuse, amicale. Chacun apporte ce qui reste de ses provisions. Les derniers œufs se transforment en délicieuses tranches de pain perdu. Saveurs d’enfance retrouvées. On rit beaucoup. Même si, demain, c’est le départ pour quelques-uns. L’un d’entre eux, pour des raisons complexes qui m’échappent, va devoir quitter la cabane de son grand-père. Avec une émotion contenue, il me la fait visiter. La fenêtre, face au lit, s’ouvre sur les deux cabanes tchanquées, Arcachon au lointain. Une vue exceptionnelle ! Dans l’autre pièce, légèrement défraichie par l’humidité salée, toujours la cheminée. « Là, il y avait la photo de mon grand-père. Mais ça je ne peux pas le laisser. Pour le reste… ». Grand soupir qui en dit long. Je découvre alors la fragilité de cet endroit. Comme chez les Maori et d’autres cultures ancestrales (moins civilisées que les nôtres ?), les cabanes ne leur appartiennent pas. Ils n’en sont que de simples gardiens, passagers. Moment de mélancolie, la seule idée de ne plus pouvoir, un jour, y revenir semble faire défiler tant d’images dans leurs yeux presque brillants. Celles de familles qui ne se seraient jamais croisées sur la terre ferme, et qui ont vu leurs enfants grandir ensemble, étés après étés. Celles qui les font se comprendre à demi-mots, et pouffer de rire comme des gosses, trente ans plus tard. Celles qui, sans doute, les ont fait jurer de faire tout leur possible pour préserver cet endroit. Se promettant à leur tour de le faire aimer par leurs enfants et, qui sait, les enfants de leurs enfants…

Brigitte et Bertrand, leur gentillesse… Elle vient d’ici ! Je comprends mieux. Ces étés passés sur l’île aux Oiseaux. Génération après génération, ce petit bout de terre a façonné une amitié, une attention toute particulière pour la nature et les hommes qui la respectent. C’est là que j’ai compris que nous avions vraiment vécu quelque chose d’inhabituel, mon ado et moi. Seulement 48 heures hors du temps… une fin d’été.

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